Retour aux catacombes
Quelques jours après la dispute entre Jane et Luc, Thibault passa les voir. Il ne les trouva pas dans leur appartement. Il se rendit donc dans l’atelier boutique de Jane qu’il trouva en plein travail. Même si elle avait accepté les explications de Luc, elle lui en voulait encore, elle aurait préféré qu’ils en parlassent ensemble avant.
— Salut Jane ! Luc n’est pas rentré ?
Elle leva les yeux de son ouvrage et lui sourit.
— Non, pas encore, avec notre absence, il y a des dossiers qui ont pris du retard. Il reste un peu plus longtemps au bureau en ce moment.
— Tant pis, je passais pour lui dire que j’avais eu les autorisations pour aller dans les catacombes.
— Tant mieux, tu pourras le lui dire quand il sera là… Puis elle replongea dans son travail de précision.
— Jane excuse-moi ! Je ne pensais pas que cela t’affecterait autant, mais Luc et moi sommes comme les doigts de la main depuis que nous sommes enfants.
— Oh ! Ne t’inquiète pas, je n’ai rien contre toi. C’est à Luc que j’en veux.
Il ne pensait pas à mal !
— Oui, mais s’il ne respecte pas sa parole à ce sujet, puis-je encore lui faire confiance ?
— Évidemment que tu peux ! Je le connais depuis si longtemps que je sais qu’il ne te fera jamais de mal. Il savait qu’il pouvait m’en parler et que je le croirai. Il avait aussi besoin de m’en parler. Il est avec moi comme il est avec toi, il n’a aucun secret pour moi, comme je n’en ai aucun pour lui… Enfin presque ! Finit-il de dire avec un clin d’œil.
Cette dernière remarque fit rire Jane qui se leva et alla embrasser le jeune homme.
— Écoute je ferme l’atelier. De toute manière à cette heure-ci plus personne ne viendra puis on va monter attendre Luc.
Quelques minutes plus tard, ils étaient assis sur le canapé du salon. Jane racontait sa version de leur disparition à Thibault.
— OK, tu me racontes la même chose que Luc, mais tu ne te souviens de rien qui pourrait être différent ?
— Je ne vois pas. Tout a commencé quand nous avons ramassé ce coffret dans la salle avec la fresque dans les catacombes…
— Quelle fresque ?
— Tiens regarde…
Jane sortit alors son téléphone et lui montra ce qu’elle avait filmé lors de leur escapade dans le sous-sol parisien.
— Je ne l’avais encore jamais vu, il ne s’agissait pas de la salle dont j’avais parlé à Luc…
— Pourtant, il a suivi exactement tes instructions sur le plan !
— Oui je me doute, mais je ne comprends pas. Pourrais-tu me donner une copie de cette vidéo, j’aimerais la voir plus en détail.
— Oui ! Bien sûr ! Je te fais cela de suite.
Pendant que la jeune femme effectuait la copie de son fichier, Luc arriva. Les deux garçons s’embrassèrent comme s’ils ne s’étaient pas vus depuis de nombreuses années.
— Que fais-tu là ?
— Je voulais vous voir tous les deux par rapport à ce que tu m’as raconté l’autre soir…
Luc regarda son amie qui lui souriait.
— C’est bon, je lui ai moi aussi tout raconté.
Elle tendit à Thibault une carte mémoire.
— Tiens ! Voici la vidéo.
— De quelle vidéo parles-tu ? lui demanda Luc.
— De celle que j’ai prise dans les catacombes…
— Ah oui ! La fresque ! Je l’avais oubliée.
— Peux-tu la passer sur la télé, on la verrait mieux que sur l’ordi…
— Oui je fais cela de suite. Jane relia son ordinateur à l’écran géant et aussitôt ils purent avoir une vision géante de ce qui y était représenté.
— La lumière est un peu faible et on ne distingue pas tous les détails, mais il me semble que l’on dirait qu’il s’agit d’une ville en bord de mer avec un volcan non loin, et là d’autres volcans avec un symbole sous chacun.
— Luc, tu te souviens comment rejoindre cette salle ?
— Oui je pense, mais c’est la salle dont tu m’avais parlé, non ?
— Non pas du tout, la salle dont je te parlais était une salle où se trouve encore du matériel que les résistants parisiens avaient planqué pendant la guerre. Là, c’est une salle qui semble tout droit sortie du Moyen Âge…
— Pourtant j’ai suivi exactement les indications que tu m’as données, mais ne t’inquiètes pas, je saurais la retrouver.
— Oui avec du matériel pour filmer et prendre de meilleures photos.
— Dites les gars ! C’est bien beau de vouloir y retourner, mais vous oubliez qu’il ne faut pas se faire prendre et que nous avons été suivis là-bas…
— Nous avons les autorisations nécessaires, ne t’inquiète pas !
— Si tu le dis !
Sur ces paroles, les trois jeunes gens commandèrent des pizzas pour se restaurer. Jane et Luc se réconcilièrent ensuite sous la couette.
Quelques jours plus tard, Thibault les informait que tout était prêt pour leur exploration du sous-sol parisien et qu’ils seraient même escortés, pour leur sécurité. Il leur donnait donc rendez-vous la semaine suivante devant l’entrée.
Accompagné par deux employés des catacombes, le petit groupe auquel Laurence, la collègue de Thibault, s’était jointe, avançait prudemment dans ces souterrains mal éclairés. À l’embranchement où Luc et Jane avaient quitté le groupe de visite quelques mois plus tôt, ils quittèrent le circuit officiel.
— Où vous êtes-vous procuré cette carte ? Demanda l’un des employés.
— C’est un ami qui la possédait et qui m’en a fait cadeau… Il connaissait mon goût pour l’exploration souterraine et me l’a donnée avant de quitter Paris pour la province.
— Elle est bien plus détaillée que celle que nous avons de ce secteur…
— Je vous la laisserai quand nous aurons fini, cela pourra vous permettre de mieux connaître ces lieux.
— Merci !
Ils continuaient leur progression vers la cheminée qui allait leur permettre d’atteindre le niveau de la salle de la fresque.
— Vous avez entendu ? chuchota Jane.
Tous s’arrêtèrent en prêtant l’oreille.
— Non je n’entends rien ! dit l’autre employée des catacombes. Et nous avons fermé la grille après notre passage. Je ne vois pas qui aurait pu nous suivre.
Laurence dirigea sa torche vers l’extrémité du couloir que pointait Jane.
— Il n’y a rien…
— Je suis pourtant sûre d’avoir entendu un bruit.
— Peut-être un rat qui passait. Il y en a tellement… répondit l’employée, blasée.
Alors que les premiers s’engageaient sur l’échelle métallique, Laurence prise d’un doute, refit un balayage du couloir. Son aventure dans le sud avait laissé des traces.
— Regardez ! Là-bas ! On dirait un gros chat…
Les trois femmes fixaient l’extrémité du faisceau lumineux et purent entrevoir le bout de la queue orangée d’un gros félin.
— Un chat ! Cela semble énorme…
— Ils ont de quoi se nourrir dans ce réseau infesté de rats. Mais c’est à notre tour de descendre. Allez-y, je vais fermer la marche.
Quelques minutes plus tard, Luc leur montrait l’entrée de la salle où ils avaient découvert le coffret. Comme eux, la première fois, leurs compagnons étaient éblouis par la beauté irréelle de la fresque. Alors qu’ils mettaient en place le matériel d’éclairage, la jeune femme qui les accompagnait remarqua de nouveau la présence du chat.
— On dirait qu’il nous a suivis… murmura-t-elle.
— Qui nous a suivis ? demanda Jane.
— Le chat, je pense que je viens de l’apercevoir passer en courant devant l’entrée.
— En parlant d’entrée… dit l’autre employé, pas étonnant que personne n’ait remarqué cette pièce avant vous… Regardez ! Cette porte était cachée par une fine couche d’enduit qui au fil du temps s’est effritée. Tout l’enduit a dû tomber d’un coup.
— Comment cela ! Demanda Thibault en relevant la tête de la caméra qu’il mettait en place.
— Regardez ce tas de plâtre au sol…
Ils purent tous voir le petit tas de gravats qui se trouvait devant la porte.
— C’est bizarre ! dit Luc. Nous n’avons rien remarqué la première fois.
— Regardiez-vous au sol ?
— Non ! Nous cherchions la porte et une fois entrés, nous avons admiré la fresque. Et c’est un bruit étrange qui nous a fait repartir. On ne voulait pas être surpris.
Après avoir pris un ensemble d’images et de vidéos ainsi que des mesures au laser de la chambre souterraine, tous regagnèrent la surface.
La place était libre pour que l’espion qui les suivait puisse à son tour faire ses propres recherches. Avec ses sens différents de ceux des humains qui l’avaient précédé, il remarqua de suite des anomalies que Luc et Thibault allaient mettre plusieurs jours à comprendre et surtout il savait lire les caractères écrits sur la fresque. Il prit le temps de mémoriser ce qu’il voyait et ressentait.
Le Maître devrait être satisfait de ce que je vais lui ramener, pensa-t-il.
Il reprit sa forme féline et quitta discrètement le sous-sol parisien non sans avoir prélevé sa part sur les rats qui fuyaient devant son passage. Le retour au manoir allait être long, il était préférable d’avoir l’estomac rempli.