Quelques jours plus tard, les deux amants roulaient en direction de Clermont-Ferrand.
Jane venait de reprendre le volant après une pause. Luc regardait sur sa
tablette divers documents qu'il avait téléchargés pour préparer leur
expédition. Depuis les évènements de la nuit où ils avaient ouvert le coffret,
ils n'avaient plus recroisé l'inconnu à l'imperméable.
— Que regardes-tu ? demanda Jane ?
— Je cherche les endroits où il peut y avoir des grottes autour de
Clermont-Ferrand.
— Pourquoi penses-tu que c'est par là ?
— Le lieu où César fut vaincu, c'est Gergovie.
— Oui ça tout le monde le sait, mais pour les lacs et les châteaux, il y en
a des dizaines dans cette région.
— Je pense que mon oncle pourra nous en dire plus, il a toujours vécu ici.
Il se replongea dans sa lecture et passait de page en page en notant sur un
petit carnet les éventuels sites intéressants. Jane restait attentive sur sa
conduite, car le crachin qui tombait depuis leur départ de Paris se
transformait peu à peu en neige fondue.
— J'espère qu'il n'habite pas trop loin de l'autoroute !
— Non, il
est à Saint Nectaire. Normalement les routes sont toujours dégagées, et ensuite
il devrait faire beau.
— On verra bien…
Lorsqu'ils arrivèrent dans la cour de la ferme, l'oncle et la tante de Luc
les accueillirent chaleureusement. Ils se mirent à table après qu'ils eurent
déposé leurs affaires dans la chambre spécialement préparée pour eux.
— Depuis le temps que tu n'étais pas venu, tu as bien changé !
— J'avais quinze ans, la dernière fois ! Tante Claire.
— Et quand comptais-tu nous présenter ton amie ? Elle n'est pas auvergnate
! dit l'oncle Joseph avec un clin d'œil.
— Non ! Reprit Luc alors que Jane rougissait en baissant la tête. Mais
presque, ces ancêtres sont cévenols et ont fui la France pour s'installer en
Afrique du Sud lors des dragonnades sous Louis XIV.
— Oui ! Je suis un peu française malgré tout ! Dit-elle en ajoutant, mes
parents possèdent aussi une ferme dans la province du Cap.
— Bienvenue dans la famille ! déclara Tante Claire en ouvrant les bras.
— Qu'est-ce qui vous amène ici ? Tu as été très mystérieux dans ton message
au téléphone.
Luc commença à raconter son histoire et plus il avançait, plus le visage de son oncle s'assombrissait.
— Tu es sûr que tu as bien traduit ? Car je
ne vois pas de grottes entre le château de Murol et le lac Pavin.
— Ce sont peut-être d'autres lieux ?
— Montre-moi ce texte et cette pierre.
Jane sortit la pierre d'un petit sac pendant que Luc allumait son
ordinateur.
Tante Claire prit la pierre entre ses mains et la regarda attentivement.
— Ce n'est pas une pierre de la région, ici on n'a que de la roche
volcanique or celle-ci ressemblerait plus à une
pierre de la plaine que de la montagne. De plus elle semble avoir été polie par les eaux.
— Et si au lieu de traduire tel que tu l'as fait, tu écris : "Le profond lac, le château, au fond de la
grotte entre, la porte de l'éternelle jeunesse ouvrira."
— Vous avez appris le latin ? demanda Jane surprise.
— Ma chère petite, avant de reprendre la ferme de mon grand-père, j'étais
agrégé de lettres classiques, mais je préfère la compagnie des vaches à celles
des élèves… Au moins elles, elles me rendent bien les efforts que je fais pour
elles…
Mais alors la grotte pourrait être les grottes qui se trouvent en dessous
de la ferme.
— Pas impossible ! Oui ! Je ne me suis jamais aventuré au fond de ces
grottes qui sont plus des anciennes mines que des grottes naturelles, et du peu
que j'ai pu en explorer jeune, je ne me
souviens pas avoir vu de porte.
— Je vois d'où tu tiens ton goût des explorations souterraines ! s'exclama
Jane.
— C'est de famille ! Oui je crois ! Et tous partirent d'un grand éclat de
rire.
— Ce qui m'intrigue c'est ce mystérieux cambrioleur. Méfiez-vous, car il
est peut-être déjà dans la région.
— Je n'ai vu personne nous suivre et la route pour arriver ici est assez
peu fréquentée.
— Oui ! Tu as raison, mais j'ouvrirai les yeux demain quand j'irai aux
champs et je connais bien les recoins du secteur.
— Et si nous passions à table, l'aligot est chaud, ordonna Tante Claire en
apportant le plat fumant sur la table déjà couverte de charcuterie.
Alors qu'ils profitaient des mets préparés par sa tante, Luc racontait sa
rencontre avec Jane. Il relatait les nombreuses années pendant lesquelles il ne
les avait pas vus. Il racontait son séjour en Afrique du Sud où il avait fini
ses études et où avait commencé son histoire d'amour. C'était Jane qui l'avait
poussé à revenir en France, car elle lui avait soutenu que Paris était la ville
idéale pour faire connaître ses créations. Il avait eu du mal à s'adapter à la
vie parisienne, mais il se plaisait dans son travail et Jane avait réussi à
ouvrir une petite boutique où les touristes et les autres venaient acheter ce
qu'elle fabriquait. Il la regardait fièrement en disant ces mots. Jane
l'écoutait souriante.
— Et pour un bébé ? Vous y avez pensé ? S'exclama Tante Claire.
— Laisse-les vivre un peu ! Rétorqua l'oncle Robert Ta tante rêve de
pouponner de nouveau des petits neveux…
Luc sourit, il savait que le couple n'avait jamais pu avoir d'enfants et
qu'ils avaient toujours accueilli leurs neveux et nièces avec plaisir et amour.
— On y pense, on y pense, mais on veut être sûr de pouvoir bien s'occuper
de lui… dit Jane, en souriant à Tante Claire.
— Je vous comprends, lui répondit celle-ci en lui caressant la joue.
Le repas terminé, ils se retrouvèrent seuls dans une chambre de cette
grande maison. Ils entendaient les vaches mugir dans l'étable pendant que le
vieil homme faisait une dernière tournée d'inspection de ses bêtes.
— Qui va reprendre la ferme après eux ? demanda Jane.
— Je ne sais pas exactement, mais je crois qu'une de mes cousines en a très
envie, elle vient régulièrement les aider et finit ses études pour cela… En
tout cas, tu as séduit ma tante.
— Oui, je crois qu'elle m'aime bien.
— Demain, je t'emmène découvrir les grottes qui se trouvent en dessous de
la ferme… Ça va être sportif !
— Même pas peur…
Ils rirent de concert et ils se couchèrent en rêvant à ce qu'ils allaient
peut-être découvrir.