dimanche 7 mars 2021

Eruptions -03- La Ferme

 

Quelques jours plus tard, les deux amants roulaient en direction de Clermont-Ferrand. Jane venait de reprendre le volant après une pause. Luc regardait sur sa tablette divers documents qu'il avait téléchargés pour préparer leur expédition. Depuis les évènements de la nuit où ils avaient ouvert le coffret, ils n'avaient plus recroisé l'inconnu à l'imperméable.

Que regardes-tu ? demanda Jane ?

— Je cherche les endroits où il peut y avoir des grottes autour de Clermont-Ferrand.

— Pourquoi penses-tu que c'est par là ?

— Le lieu où César fut vaincu, c'est Gergovie.

— Oui ça tout le monde le sait, mais pour les lacs et les châteaux, il y en a des dizaines dans cette région.

— Je pense que mon oncle pourra nous en dire plus, il a toujours vécu ici.

Il se replongea dans sa lecture et passait de page en page en notant sur un petit carnet les éventuels sites intéressants. Jane restait attentive sur sa conduite, car le crachin qui tombait depuis leur départ de Paris se transformait peu à peu en neige fondue.

— J'espère qu'il n'habite pas trop loin de l'autoroute !

— Non, il est à Saint Nectaire. Normalement les routes sont toujours dégagées, et ensuite il devrait faire beau.

— On verra bien…

Lorsqu'ils arrivèrent dans la cour de la ferme, l'oncle et la tante de Luc les accueillirent chaleureusement. Ils se mirent à table après qu'ils eurent déposé leurs affaires dans la chambre spécialement préparée pour eux.

— Depuis le temps que tu n'étais pas venu, tu as bien changé !

— J'avais quinze ans, la dernière fois ! Tante Claire.

— Et quand comptais-tu nous présenter ton amie ? Elle n'est pas auvergnate ! dit l'oncle Joseph avec un clin d'œil.

— Non ! Reprit Luc alors que Jane rougissait en baissant la tête. Mais presque, ces ancêtres sont cévenols et ont fui la France pour s'installer en Afrique du Sud lors des dragonnades sous Louis XIV.

— Oui ! Je suis un peu française malgré tout ! Dit-elle en ajoutant, mes parents possèdent aussi une ferme dans la province du Cap.

— Bienvenue dans la famille ! déclara Tante Claire en ouvrant les bras.

— Qu'est-ce qui vous amène ici ? Tu as été très mystérieux dans ton message au téléphone.

Luc commença à raconter son histoire et plus il avançait, plus le visage de son oncle s'assombrissait.

Tu es sûr que tu as bien traduit ? Car je ne vois pas de grottes entre le château de Murol et le lac Pavin.

— Ce sont peut-être d'autres lieux ?

— Montre-moi ce texte et cette pierre.

Jane sortit la pierre d'un petit sac pendant que Luc allumait son ordinateur.

Tante Claire prit la pierre entre ses mains et la regarda attentivement.

— Ce n'est pas une pierre de la région, ici on n'a que de la roche volcanique or celle-ci ressemblerait plus à une pierre de la plaine que de la montagne. De plus elle semble avoir été polie par les eaux.

— Et si au lieu de traduire tel que tu l'as fait, tu écris : "Le profond lac, le château, au fond de la grotte entre, la porte de l'éternelle jeunesse ouvrira."

— Vous avez appris le latin ? demanda Jane surprise.

— Ma chère petite, avant de reprendre la ferme de mon grand-père, j'étais agrégé de lettres classiques, mais je préfère la compagnie des vaches à celles des élèves… Au moins elles, elles me rendent bien les efforts que je fais pour elles…

Mais alors la grotte pourrait être les grottes qui se trouvent en dessous de la ferme.

— Pas impossible ! Oui ! Je ne me suis jamais aventuré au fond de ces grottes qui sont plus des anciennes mines que des grottes naturelles, et du peu que j'ai pu en explorer jeune, je ne me souviens pas avoir vu de porte.

— Je vois d'où tu tiens ton goût des explorations souterraines ! s'exclama Jane.

— C'est de famille ! Oui je crois ! Et tous partirent d'un grand éclat de rire.

— Ce qui m'intrigue c'est ce mystérieux cambrioleur. Méfiez-vous, car il est peut-être déjà dans la région.

— Je n'ai vu personne nous suivre et la route pour arriver ici est assez peu fréquentée.

— Oui ! Tu as raison, mais j'ouvrirai les yeux demain quand j'irai aux champs et je connais bien les recoins du secteur.

— Et si nous passions à table, l'aligot est chaud, ordonna Tante Claire en apportant le plat fumant sur la table déjà couverte de charcuterie.

Alors qu'ils profitaient des mets préparés par sa tante, Luc racontait sa rencontre avec Jane. Il relatait les nombreuses années pendant lesquelles il ne les avait pas vus. Il racontait son séjour en Afrique du Sud où il avait fini ses études et où avait commencé son histoire d'amour. C'était Jane qui l'avait poussé à revenir en France, car elle lui avait soutenu que Paris était la ville idéale pour faire connaître ses créations. Il avait eu du mal à s'adapter à la vie parisienne, mais il se plaisait dans son travail et Jane avait réussi à ouvrir une petite boutique où les touristes et les autres venaient acheter ce qu'elle fabriquait. Il la regardait fièrement en disant ces mots. Jane l'écoutait souriante.

— Et pour un bébé ? Vous y avez pensé ? S'exclama Tante Claire.

— Laisse-les vivre un peu ! Rétorqua l'oncle Robert Ta tante rêve de pouponner de nouveau des petits neveux…

Luc sourit, il savait que le couple n'avait jamais pu avoir d'enfants et qu'ils avaient toujours accueilli leurs neveux et nièces avec plaisir et amour.

— On y pense, on y pense, mais on veut être sûr de pouvoir bien s'occuper de lui… dit Jane, en souriant à Tante Claire.

— Je vous comprends, lui répondit celle-ci en lui caressant la joue.

Le repas terminé, ils se retrouvèrent seuls dans une chambre de cette grande maison. Ils entendaient les vaches mugir dans l'étable pendant que le vieil homme faisait une dernière tournée d'inspection de ses bêtes.

— Qui va reprendre la ferme après eux ? demanda Jane.

— Je ne sais pas exactement, mais je crois qu'une de mes cousines en a très envie, elle vient régulièrement les aider et finit ses études pour cela… En tout cas, tu as séduit ma tante.

— Oui, je crois qu'elle m'aime bien.

— Demain, je t'emmène découvrir les grottes qui se trouvent en dessous de la ferme… Ça va être sportif !

— Même pas peur…

Ils rirent de concert et ils se couchèrent en rêvant à ce qu'ils allaient peut-être découvrir.

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