Quelques semaines plus tard, Jane et Luc venaient enfin de pouvoir
réintégrer l'appartement qu'ils avaient quitté à l'automne après de longues
démarches administratives. Les clients recommençaient à trouver le chemin de la
petite boutique de Jane et Luc avait pu retrouver son travail et y avait gagné
une collaboratrice. Il avait demandé à ce que la personne qui avait été
embauchée à sa place pendant son absence ne soit pas licenciée.
La pierre que leur avait donnée la déesse Athéna avait rejoint la
collection de galets de Jane, et seul un œil averti pouvait voir qu'il était
légèrement différent des autres. La nuit, elle luisait légèrement dans le salon
et libérait des ondes positives afin de protéger les deux jeunes gens de
l'influence maléfique du comte Van Dyck. Elle avait aussi d'autres propriétés
dont ils ne se rendraient compte que plus tard.
Pour fêter leur retour à la vie, ils avaient organisé une petite soirée
avec leurs amis proches. Ce soir-là, ils étaient sept dans le salon autour de
la table basse. Thibault et sa copine, Sandrine, la nouvelle collègue de Luc,
Kathryn, l'amie d'enfance de Jane et son mari Dieter les pressaient de
questions. Ils voulaient tous savoir comment ils avaient pu survivre plusieurs
mois dans les entrailles de la Terre.
— On se souvient seulement d'avoir
entendu une explosion, puis le tunnel s'est effondré derrière nous… Nous nous
sommes évanouis et quand nous nous sommes réveillés, nous étions à quelques
mètres de la sortie du souterrain.
C'est la version qu'ils avaient présentée aux médecins et aux gendarmes.
Des psychiatres les avaient rencontrés et tous avaient conclu à une amnésie
partielle. Les gendarmes, les services spécialisés dans les recherches
géologiques et minières et des spéléologues avaient exploré les souterrains
sans rien trouver. Une enquête judiciaire avait même été demandée pour
enlèvement et séquestration, mais en l'absence d'éléments concrets, tous ces
dossiers étaient classés au fond d'armoire dans les différentes administrations
concernées. Seuls les spéléologues avaient trouvé un nouveau terrain de jeu
surtout depuis la fin de l'éruption du Pavin.
Alors que les filles et Dieter admiraient les créations de Jane, Thibault
prit Luc à l'écart.
— Ne me raconte pas de conneries, je sais bien que vous n'avez pas disparu
pendant six mois sans vous souvenir de rien. J'ai vu les photos du coffret… et
du parchemin.
— Effectivement ! Nous ne sommes pas restés six mois sous terre. Mais si on
raconte la vérité, personne ne nous croira.
— Vous connaissant, vous avez pris des photos de votre exploration et tu
sais que je suis un fan de l'exploration souterraine…
— Oui ! Bien sûr ! mais nous ne les avons montrées à personne. Personne ne
nous les a demandées non plus. Qu'espères-tu découvrir ?
— Tu te souviens que l'été dernier, j'ai participé à des fouilles avec mon
chef sur la propriété que sa femme a reçu en héritage.
— Oui ! Très bien ! Tu m'avais même dit que vous aviez trouvé un truc
incroyable…
— Oui ! Exact, mais je ne t'ai pas non plus tout raconté… Il y avait aussi
une grotte, ou plutôt un souterrain…
— Et…
— Tu me connais, je n'ai pas pu m'empêcher d'aller l'explorer.
— Oui, je me doute.
— L'entrée ressemblait à une entrée de mine, mais après quelques mètres
j'ai découvert des sortes de bas-reliefs sur les parois.
Le regard de Luc changea.
— Des bas-reliefs ! De quelle sorte ?
— Je dirai qu'ils remonteraient à la période de la préhistoire, un peu
comme ceux que l'on peut voir sur certains menhirs sculptés.
— Viens dans la chambre, je vais lancer mon ordi et prendre la carte
mémoire sur laquelle il y a les photos que nous avons prises avec Jane.
Les deux hommes s'isolèrent du groupe et ils commencèrent à regarder les
images prises quelques mois plus tôt dans la montagne auvergnate.
— C'est sympa comme endroit, je ne connais pas…
— Oui, mais avec l'éruption, le paysage a pas mal changé.
— Je m'en doute… Là ! Regarde ce symbole au-dessus de l'entrée, c'est le
même que celui que j'ai vu chez Élisabeth.
— Attends ! Tu n'as pas tout vu. Luc fit défiler rapidement le dossier et
il s'arrêta sur la photo de la chouette gravée sur la paroi.
— Cela me dit quelque chose ! Attends ! Tu permets ? Lui dit-il en
commençant à taper quelques mots sur le clavier de l'ordinateur pour faire une
recherche d'images.
— Voilà ! C'est la chouette qui était gravée sur le bouclier de la statue
de la déesse Athéna qui se trouvait dans le Parthénon.
— Tu ne crois pas si bien dire…
— Explique-moi !
— Tu te souviens que dans le coffre, en plus du parchemin, il y avait aussi
une pierre !
— Oui, une pierre grise qui ne payait pas de mine…
— Oui exactement ! Mais cette pierre s'encastrait parfaitement dans un des
yeux de la chouette.
— Et vous l'avez placée ?
— Oui et c'est là que tout a commencé…
Luc baissa le ton et il raconta l'arrivée inopinée de Keireen puis leur
sauvetage inattendu par Sophia et enfin leur arrivée dans cette immense
bibliothèque.
— La chouette serait donc une sorte de porte ?
— Pas une porte, c'est un point de passage. Regarde la suite des photos !
Il lui montra donc les quelques photos prises pendant qu'ils découvraient
les différents ouvrages réunis avant que la déesse n'arrive.
— C'est stupéfiant ! Ne put se retenir de s’exclamer Thibault. Tout ce savoir à portée de main !
— Oui…
— Et maintenant tout cela a été perdu au cours de l'éruption. J'en connais
une qui, si elle savait cela serait complètement désespérée.
Luc ne répondit pas immédiatement. Il se demandait ce qu'il pouvait dire à
son ami. Il lui faisait confiance.
— Tu me promets de ne pas répéter ce que je vais te dire.
— Promis.
— Bon ! Alors voilà comment cela s'est passé… Luc se tut un instant.
— Chéri ! Je descends montrer ma boutique… On revient dans quelques
minutes…
— Pas de problèmes !
— Ne buvez pas tout ! s'exclama-t-elle dans un grand éclat de rire.
Ils entendirent la porte de l'appartement se refermer et Luc reprit son
récit.
— Lorsque Jane a posé la pierre dans l'œil de la chouette, il y a eu une
vibration et une sorte de lumière bleuâtre est apparue, surpris, nous nous
sommes reculés. C'est à ce moment que Keireen nous a sauté dessus. Nous avons d'abord cru qu'elle était folle, mais quand elle a
sorti une épée, nous avons bien cru que nous étions fichus. Sophia a alors
émergé du portail et s'est jetée sur l'autre en nous criant de le traverser en
entrant dans la lueur… Tu te doutes bien que fichu pour fichu, nous avons obéi.
— Oui ! Normal ! Je pense que j'aurais fait comme vous…
— On a donc atterri dans un vestibule qui donnait sur cette immense salle que
tu as vue sur les photos. Il n'y avait aucun bruit et nous avons commencé à
avancer pour nous éloigner du portail. Avec les deux femmes qui s'affrontaient
dans la mine, nous avons surtout pensé à nous éloigner pour sauver notre peau.
De plus, l'atmosphère était apaisante et rassurante. On avait presque fini de
traverser la bibliothèque quand Jane a posé une question et devine qui nous a
répondu ?
— Aucune idée… répondit Thibault qui n'avait pas envie de jouer aux
devinettes.
— La déesse Athéna en personne…
— Non ! Arrête tes blagues.
— Je suis sérieux. C'est elle qui nous a expliqué où nous étions et qui
étaient les deux guerrières.
— Luc continua son récit jusqu'au moment où ils avaient trouvé les
gendarmes dans la vallée.
— En fait vous ne mentez pas vraiment en disant que vous ne vous ne
souvenez de rien… le regarda Thibault.
— Oui pour nous, c'est comme s'il ne s'était écoulé que quelques heures.
— Ce que tu me racontes me rappelle quelque chose que j'ai cru voir lorsque
nous étions dans le sud pour les fouilles.
— Quoi donc ?
Un soir, alors que je travaillais sur la terrasse avec mon ordi, j'ai levé
la tête, car il me semblait avoir entendu un bruit et j'ai cru apercevoir une
lueur bleue dans la chambre de ma collègue. Je pensais qu'elle était elle aussi
devant un écran, mais ce qui était bizarre c'est qu'il y avait comme une sorte
de vibration dans l'air.
— Suis-moi ! Luc entraîna Thibault de nouveau dans le salon et lui donna la
pierre que leur avait confiée Athéna.
Thibault sursauta, c'était la même
vibration !
— Oui et cette vibration lorsqu'elle est placée à certains endroits doit
permettre d'ouvrir des passages vers la bibliothèque.
— Ou ailleurs… Une clé pour passer de monde en monde.
— Je ne sais pas. Je n'ai pas encore pu me pencher sur le sujet, mais dès
que cela sera plus calme, je pense que je vais m'y atteler.
— Quand tu m'as parlé de ce professeur "je ne sais plus qui"...
— Van Dyck !
— Oui c'est ça ! Tu m'as bien dit qu'il habitait un manoir dans une cité
balnéaire ?
— Oui ! C'est ce que nous a dit la déesse. J'ai du mal à concevoir que
c'est bien Athéna, mais avec ce que nous avons vécu, je me dis, pourquoi pas !
— J'ai un ami qui est prof dans un lycée là-bas. C'est lui qui m'a initié à
l'exploration des catacombes. De plus, il a l'air super calé dans l'ésotérisme. Il est un peu barré, un soir où on avait un
peu trop bu, il m'a sorti qu'il avait plusieurs siècles…
— In vino veritas…
Les deux jeunes hommes rigolèrent puis Thibault enchaîna.
— S'il y en a bien un qui peut t'aider à découvrir le mystère qui se cache
derrière votre aventure et ce Van Dyck, c’est lui. Je vais l'appeler pour lui en parler.
Au même moment, les autres revenaient de leur visite. Thibault fit
découvrir à Kathryn et Dieter la subtilité du mélange entre le foie gras et le
Sauternes.
Jane se liait avec Sandrine et Margaux, la copine de Thibault. Et
lorsqu'ils se séparèrent, ils se promirent de refaire ce genre de soirées même
si les deux Sud-Africains seraient rentrés chez eux.
Une fois seuls, Jane regarda Luc.
— Toi ! Tu as quelque chose à me dire…
— C’est-à-dire que… Il baissa la tête, honteux comme un enfant pris la main
dans le sachet de bonbons.
— Dis-moi ! Allez !
Luc se lança d'un seul coup et souffla après avoir dit la phrase fatidique.
— J'ai tout raconté à Thibault.
— Tu es malade ! On s'était juré de ne rien dire à personne et de s'en
tenir à la phrase que l'on a sortie aux gendarmes en ressortant de la grotte.
— Je sais ma chérie ! Mais c'est mon meilleur pote et je sais que je peux
lui faire confiance.
— Lui, peut-être ! Mais Margaux est journaliste… Une histoire comme cela,
c'est le scoop du siècle pour elle.
— Je te garantis qu'il ne dira rien, d'ailleurs écoute-moi…
— Non pas ce soir ! Putain… Bordel… La soirée s'était super bien passé et
faut que tu gâches tout en racontant tout à Thibault.
Jane se leva du canapé et elle alla s'enfermer dans la chambre exaspérée.
Luc l'entendit marmonner : "on dit que les filles ne savent pas se taire,
mais les mecs, c'est pas mieux."
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