À des centaines de kilomètres de là, dans un vieux manoir isolé sur les
hauteurs d'une cité balnéaire, un vieil homme attendait dans son fauteuil
devant sa cheminée allumée, mais qui ne le réchauffait plus depuis longtemps.
Il tourna la tête vers la porte quand il entendit les pas de la gouvernante sur
le parquet.
— Maître ! Asterias est là !
— Dites-lui d'entrer Myriam, et veuillez nous laisser, je vous prie.
La jeune femme invita la chose qui
se présentait devant elle à pénétrer dans le salon. Depuis quelques années
qu'elle était au service de cet homme sans âge, elle ne s'étonnait plus de
rien, ni de la nature des invités, ni de ce qui se passait dans ce manoir.
— Maître ! J'ai le coffret !
L'homme esquissa un sourire en
voyant s'approcher un être humanoïde recouvert d'une fourrure d'un brun orangé
avec une queue comme celle des chats.
— As-tu la pierre avec ?
— Il y a eu un problème Maître… Un
jeune couple a découvert le coffre avant moi. J'ai pu le récupérer ainsi que ce
qu'il contenait, mais je pense qu'ils se doutent de quelques choses.
— Pourquoi ne m'as-tu pas prévenu
plus tôt ? Sais-tu ce qu'ils ont découvert ? Hurla-t-il à destination de son
serviteur.
— Excusez- moi Maître, j'ai pensé
que récupérer le coffret primait sur toute autre considération.
— Tu as eu raison ! Apporte-moi
cet objet.
Effrayé, Asterias déposa
humblement le coffre de bois sur la table basse qui se trouvait entre le Maître
et la cheminée. Il recula ensuite en attendant d'être congédié. En se levant
avec une souplesse inattendue de la part d'un homme de son âge, il se pencha et
ouvrit le coffre, objet de son désir. Soudain il rugit et pointa son doigt en
direction de l'homme-chat.
— Ce n'est pas la pierre !
Imbécile ! Retourne d'où tu viens et ne remets plus jamais les pieds ici !
En hurlant, la pauvre créature
enveloppée de flammèches bleuâtres se débattit et disparut de la pièce.
En déroulant le parchemin avec
précaution, il commença à lire. Aussitôt ses yeux s'illuminèrent.
— Enfin, je te tiens ! Pensa-t-il.
Il murmura alors une invocation et
une femme à la peau pâle et aux longs cheveux bruns apparut nue devant lui.
— Que désirez-vous Maître ?
— Keireen, je désire que tu te rendes le plus rapidement possible dans ces
grottes. Méfie-toi, tu seras sûrement précédée par des humains. Peu importe ce
qui leur arrivera. Je veux que tu leur reprennes la pierre philosophale et
ensuite laisse-la te guider jusqu'aux sources de la sagesse.
— Oui Maître ! Mais comment puis-je aller là-bas rapidement ? C'est à des
lieues de votre domaine.
— Cela fait bien longtemps que tu n'es pas revenue dans ce monde, Keireen.
Les humains ont fait d'énormes progrès dans leurs déplacements et ils peuvent
aller n'importe où en moins d'une journée.
La femme le regarda, étonnée.
— Approche je vais te montrer.
Elle s'approcha et baissa la tête. Il posa ses mains sur la
chevelure de et elle frissonna.
— Oui Maître ! J'ai compris. Je sais comment rejoindre ce lieu.
— Va te vêtir convenablement et pars le plus vite
possible ! Prends ce pendentif qui me permettra de conserver un lien avec toi.
Elle passa le pendentif retenu par une lanière de cuir autour de son cou et
sortit de la pièce. Myriam la conduisit dans une chambre du manoir où elle put
choisir une tenue adaptée à sa mission. Avant de partir, elle revint saluer le
Maître et franchit à pied les grilles du manoir pour se diriger vers la gare.
Au contact des personnes qu'elle croisait, elle apprit et comprit rapidement comment le monde avait évolué et toutes les modifications qu'il
avait subies depuis sa dernière visite. Les hommes n'étaient presque plus
reliés à la nature et seules quelques rares personnes frémissaient en croisant
son regard. C'étaient celles qui sans le savoir la reconnaissaient pour ce
qu'elle était : "la Guerrière Vengeresse".
Dans le train qui la menait vers Paris, qui s'appelait encore Lutèce lors
de sa dernière venue, elle lisait divers revues et journaux qu'elle avait
achetés avant le départ. Elle se put se rendre compte de l'ensemble des
changements. Les hommes étaient bien plus puissants qu'ils n'étaient autrefois
et même si leur esprit était toujours aussi limité, leur savoir et leur science
commençaient à leur permettre de découvrir les secrets de l'univers. Elle
sourit en se rendant compte par ses lectures que la plupart des hommes
refusaient de croire en l'existence du monde magique, et même ceux qui y
croyaient avaient oublié la réalité des entités surréelles. Ces religions
monothéistes qui s'étaient imposées en étaient peut-être la cause ou alors leur
trop grande confiance en leur science.
Elle passa une nuit dans cette ville immense et, de nouveau,
elle comprit la rupture totale entre les hommes et la nature. Elle fit un
détour par les arènes et effleura du bout des doigts les pierres où elle
s'était assise lors de leurs inaugurations quelques millénaires auparavant.
Comme le lui
avait dit le Maître, il lui fallut à peine plus d'une journée pour arriver aux
grottes. Elle dut utiliser son pouvoir de persuasion pour louer un véhicule
afin de finir son voyage. Elle se souvenait de ces lieux où elle s'était battue
aux côtés des guerriers gaulois et où ils avaient vaincu ensemble les légions
romaines. Retrouvant son instinct de guerrière et de chasseresse, elle
abandonna sa voiture à quelques kilomètres de son but. En pénétrant dans les
sous-bois, elle fut de nouveau liée avec le monde et mit tous ses sens au
service de sa quête. Elle ne tarda pas à entendre et trouver la trace des deux
jeunes amants. Le passage ouvert à la machette par Luc lui facilitait les
choses. Elle s'arrêta devant l'entrée de la caverne et se mit à trembler.
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