mercredi 22 juillet 2020

Ille -05- Solution

Après quelques minutes de marche, nous sommes installées à la terrasse de ce restaurant avec une vue sur le soleil couchant et sur le fleuve majestueux qui traversait la ville. Claire nous invita à choisir ce qui nous plaisait.

— C'est moi qui régale ce soir !

Je remarquais le regard du serveur qui s'occupait de nous. Il ne cessait de tenter d'attirer l'attention de Claire sur lui, mais il me sembla plutôt qu'il avait tapé dans l'œil de Ludivine qui, après sa margarita et un ou deux verres de blanc pour accompagner son poisson, semblait avoir retrouvé sa joie de vivre et oublié un peu l'angoisse et le stress de ces dernières heures.

— Tu as vu son petit cul ? me disait-elle en riant. Je t'avoue que si je n'étais pas mariée, je me laisserais bien tenter.

Je me retins de lui répondre. Si tu savais ce que ton mari faisait la nuit dernière !

Soudain, un déclic se fit dans mon cerveau.

— Dites les filles, qu'est-ce que la femme renversée à crier juste avant de se faire renverser ?

— Ludivine ! Nous l'avons toutes entendue ! Pourquoi ?

— Oh ! Pour rien, mais cela pourrait peut-être avoir un lien avec l'état de Ludovic.

— Comment cela ?

— Ludivine n'est pas un prénom si répandu. Elle voulait peut-être te dire quelque chose.

— Nous ne le saurons que lorsqu'elle sortira de l'hôpital. Et à mon avis, vu le choc, ce n'est pas demain la veille, dit Claire. Pensons à des choses plus joyeuses !

— Il y a un petit club à côté cela vous dit d'y finir la soirée ?

— Pourquoi pas ! Je ne peux rien faire pour Ludovic et je n'ai pas envie de me morfondre dans la chambre.

— Je vous suis aussi.

Claire régla le restaurant au garçon qui la mangeait du regard et je devais l’avouer, Ludivine avait raison, il était appétissant. À cette pensée, je sursautai. Je ne suis pas homo… Serais-je en train de penser comme Mireille le ferait ? Après tout, en tant que Clément, je ne me gênais pas pour avoir des avis sur les jolies femmes que je croisais, pourquoi Mireille n'en aurait-elle pas aussi vis-à-vis des hommes ? C'est alors que je sentis la main de Claire venir prendre la mienne ce qui déclencha un frisson dans mon ventre. Est-ce Clément ou Mireille qui réagit ? À ce que je sache, elle n'avait jamais eu d'attirance pour les femmes.

Nous sommes restées quelques heures dans cette boîte et après quelques verres supplémentaires, je pouvais voir que Ludivine se laissait facilement entraîner sur la piste par les hommes qui avaient eu vite fait de repérer ces trois femmes non accompagnées. Ils comprenaient rapidement qu'ils ne tireraient rien de Claire et moi, surtout après nous avoir vu danser ensemble. Aussi tentaient-ils leur chance avec celle qui restait.

Nous dûmes aider notre compagne à regagner l'hôtel et l'aidâmes à se mettre au lit.

— Elle va avoir un mal de crâne carabiné demain matin avec tout ce qu'elle a bu ce soir.

— Elle en a profité, on ne peut pas lui en vouloir, avec ce que Ludovic lui a fait subir. Je suis sûre qu'elle sait qu'il la trompe.

Claire me regarda surprise :

— Que dis-tu ?

— Oh rien ! Clément faisait des sous-entendus sur lui au retour de leur voyage dans l'Oural. Et regarde ! Clément est tombé dans cet état après une nuit passée à faire l'amour à son retour de Russie.

— Oui et alors je ne vois pas le rapport ?

Elle nous a dit que depuis son retour, il ne l'avait pas touchée ! D'ailleurs tu as vu ce soir ? Si tu n'avais pas dit "on rentre", je ne suis pas certaine qu'elle aurait fini la nuit seule. Elle l'aurait peut-être regretté ensuite vu son état. Je mettrai ma main au feu que Ludovic n'a pas passé la nuit dernière comme un moine…

— Oui peut-être… Dit-elle en ouvrant la porte de notre chambre.

Je la vis alors se déshabiller devant moi, et heureusement, elle enfila rapidement la nuisette qu'elle s'était achetée quelques heures plus tôt.

— Qu'attends-tu ?

— Euh rien, excuse-moi j'étais perdue dans mes pensées…

Je me mis à mon tour en tenue de nuit et allais la rejoindre dans la salle de bain pour me brosser les dents.

Je m'allongeais à ses côtés et très vite elle commença à me câliner en me murmurant des mots doux. Je me tournais vers elle et naturellement je lui rendis ses caresses. Au matin, nous nous sommes réveillées enlacées l'une avec l'autre au terme d'une nuit comme je n'en avais jamais connue. Jamais je n'aurais imaginé ressentir un tel plaisir avec une autre personne du même sexe. Inconsciemment je sentais que l'esprit de Mireille au loin n'avait pas été choqué par ce que nous avions fait.

Nous étions encore à moitié endormies que Ludivine vint tambouriner à notre porte. Je lui ouvris, juste enveloppée dans le drap et elle se précipita dans la chambre ne faisant aucun cas de la nudité de Claire qui se couvrit rapidement.

— Claire ! Mireille ! L'hôpital vient de m'appeler. Ludovic s'est réveillé !

— Je la fixais incrédule.

— Comment ?

— C'est merveilleux ! Lança Claire qui la serrait dans ses bras. Comment est-il ?

— Un peu sonné apparemment, mais d'après le médecin que j'ai eu au téléphone, il ne devrait pas avoir de séquelles.

Je les laissais discuter entre elles, troublée par cette annonce. Que s'était-il passé ? Pour quoi lui et pas moi ? Il fallait que je trouve un moyen de donner cette information à Madame Rose, mais je devais en savoir plus.

— Nous allons prendre notre petit-déjeuner et nous te rejoignons à l'hôpital ! OK !

— Oui pas de soucis, de toute façon le médecin m'a dit qu'il lui faisait passer quelques tests ce matin et que je pouvais prendre mon temps avant d'arriver.

Nous sommes descendues ensemble pour manger, mais je restais perturbée par l'annonce de Ludivine.

— Ça ne va pas ? me demanda Claire en me prenant la main.

C'est alors que Ludivine réalisa.

— Oh ma pauvre ! C'est vrai que Clément est toujours dans le coma ! Excuse-moi !

— Ce n'est rien, je suis contente pour toi, pour vous deux ! Il va bien se réveiller un jour.

Je regardai Claire les yeux brillants, ne t'inquiète pas, tu peux compter sur moi !

— Je sais !

En même temps, je laissais échapper un "je t'aime !" qui fit sourire Ludivine.

— Bon ! Je vous laisse, je vais finir de me préparer et je file voir Ludovic.

 

Claire profita de la matinée et de notre présence dans cette ville pour rendre visite à quelques clients. Je l'accompagnai avec plaisir, même si la démarche clientèle n'était ni ma tasse de thé ni celle de Mireille. Nous sommes donc arrivées en début d'après-midi dans la chambre où Ludovic et Ludivine étaient en grande conversation. Je le trouvais nerveux et étrange, mais Ludivine semblait radieuse et encore plus amoureuse avant. Comme si quelque chose avait changé entre eux.

— Bonjour Claire ! Bonjour Mireille !

— Comment vas-tu ?

— Mieux, j'ai l'impression de sortir d'un cauchemar…

Je la regardai.

— Comment ça ? demandai-je.

— Ça va vous paraître fou, mais j'ai eu l'impression de vivre les dernières vingt-quatre heures par procuration dans le corps d'une femme…

Aussitôt mes doutes se levèrent et je compris qu'il nous était arrivé la même chose. Je ne l'écoutais plus quand il raconta ce qu'il avait vécu. Les autres pensaient qu'il raconte un rêve, mais je connaissais la vérité. J'entendis des bribes.

— J'étais une prostituée… battue… violée… accident et d'un coup plus rien !

Je cherchais à comprendre, mais submergée par les sensations, les émotions, je perdis conscience. Lorsque je rouvris les yeux, le visage d'une infirmière était penché au-dessus de moi, Claire me tenait la main.

— Vous allez bien ?

— Oui ! Ça va ! Juste les émotions !

Je me relevai doucement et pris le verre que l'on me tendait.

— Pourriez-vous me dire comment va la jeune femme qui a été renversée hier soir devant notre hôtel ? demandai-je à l'infimière.

— Je ne sais pas, mais je peux me renseigner, où était votre hôtel ?

Je lui donnai l'information et elle me dit qu'elle reviendrait dès qu'elle aurait la réponse. Une fois sortie de la pièce où j'avais été installé après mon malaise, Claire me demanda surprise. Pourquoi cette question ?

— Tu te souviens de notre discussion d’hier soir ?

— Oui ! Quand tu me disais que Ludovic trompait sa femme, mais je ne vois pas le rapport.

— Une intuition…

— Ah ! Ben si c'est une intuition !...

Et elle me plaqua un baiser sur les lèvres. Tu m'as fait peur ma chérie ! Et en plus avec le bébé.

— T'inquiète, ça va mieux !

Quand l'infirmière revint pour nous annoncer le décès de la blessée, je compris alors pourquoi Ludovic s'était réveillé.

Son corps d'emprunt était mort et de ce fait son esprit avait regagné son corps d'origine.

Je devais absolument informer Madame Rose de ces rebondissements et j'étais effrayé. Allais-je devoir sacrifier Mireille pour retrouver mon corps ?


mercredi 15 juillet 2020

Ille -04- Grossesse

Les jours passaient, j'étais de moins en moins surpris par les réactions du corps de Mireille, mais je me méfiais malgré tout en pensant à mon corps et à la manière dont il pourrait réagir à l'hôpital surtout quand j'étais en présence de Claire qui ne ratait jamais une occasion de me frôler ou de m'embrasser. Cela allait faire quelques semaines que mon corps était allongé là-bas. Je commençais à prendre du plaisir à choisir mes vêtements en me posant même la question de savoir si j'allais plaire à ma patronne. Mes gestes pour me maquiller se faisaient de plus en plus sûrs.

Je commençais à bien connaître ce corps, mais ce matin-là une nausée brutale me fit courir aux toilettes. Je mis quelques minutes à me remettre et alors que je préparai mon café, son odeur me gêna. Je ne me sentais pas bien. Pourtant la veille, nous n'avions rien mangé de lourd au restaurant avec Claire et nous n'avions pas abusé des mojitos et autres cocktails.

Je pris ma douche et je m'habillai sans avoir réussi à avaler ne serait-ce qu'une miette de pain.

En arrivant au bureau, Claire remarqua de suite que j'avais quelque chose.

— Que t'arrive-t-il ma chérie ?

— Je me sens nauséeuse, dis-je en grimaçant et en portant la main à mon ventre. Je grimaçai lorsque Ludovic entra dans le bureau avec sa tasse de café.

— Tu ne serais pas enceinte, toi ? me lança Claire, avec le sourire de celle qui découvrait que sa meilleure amie lui cachait un secret.

— Euh ! Non ! Je ne crois pas.

Je réalisai alors que Mireille m'avait dit qu'elle avait dû arrêter de prendre la pilule en raison d'un problème avec celle que lui avait prescrit son médecin et lors de notre dernière nuit ensemble, nous nous étions dit que ce n'était pas grave. Je viens d'arrêter, ce serait étonnant que je tombe enceinte, m'avait-elle lancé en se jetant goulûment sur moi.

— Tu crois vraiment ? Comment vais-je faire avec Clément à l'hôpital ?

— Va acheter un test à la pharmacie et tu seras fixée demain.

— Oui ! J'y passerai en sortant du bureau ce soir.

La journée se passa entre nausées et dégoûts dues aux odeurs. Je mangeai peu de peur de vomir ensuite. Ce n'était pas possible, ce n'était pas cela, je devais avoir attrapé un virus. Cependant pour être certaine, je m'arrêtai à la pharmacie pour acheter un test de grossesse avant de passer à l'hôpital.

Madame Rose était de service et s'aperçut de mon mal-être. Je lui racontai ma journée nauséeuse et la réflexion de Claire au sujet de mon état potentiel. Je la vis se rembrunir.

— Ce ne serait pas du tout bon pour le désenvoûtement. Si vous portez un bébé, ce pourrait être dangereux pour tous les deux.

— Comment cela ?

— Oh ! L'esprit immature du bébé pourrait empêcher le sort de marcher et vous pourriez vous retrouver dans son esprit.

— Mais est-ce possible malgré tout ?

— Oui mais je devrai être prudente et utiliser un sort de désenvoûtement beaucoup moins puissant.

Les mots de Madame Rose ne me rassuraient qu'à moitié. Je ne serais fixée que demain matin en ce qui concernait la grossesse.

Comme tous les soirs depuis que mon corps était sur ce lit d'hôpital, Claire me proposa de passer la soirée avec elle. J'étais fatiguée et nauséeuse.

— Non, merci ! J'ai besoin de me reposer. Je l'entendis rire au téléphone.

— Toi ! Tu es vraiment enceinte !

— On verra demain… Bonne nuit !

Avant de me coucher, je me préparai une tisane de Madame Rose pour me détendre. Elle m'avait assuré qu'il n'y aurait aucun risque pour le bébé si j'étais enceinte. Je passais donc une nuit plus calme que la précédente.

Au réveil, avec un peu d'appréhension, je fis ce fameux test. Les quelques secondes d'attente me semblèrent interminables et avec horreur, je vis apparaître la bande confirmant la grossesse. Je restais hébété. Qu’allais-je faire ?

Ce fut dans un état second après avoir encore une fois rendu mon café du matin que je me rendis au bureau. Claire devina le résultat à la tête que je faisais en arrivant.

— C'est merveilleux ma chérie !

— Si tu le dis. Je ne suis pas du tout convaincu que cela va me rendre heureuse. Les médecins ne sont pas très optimistes pour Clément. Je ne sais pas si j'aurai la force d'élever seule ce bébé.

Elle se leva et vint me prendre dans ses bras. Je frissonnai.

— Je serai là pour toi et pour le bébé.

J'étais trop perturbée pour réagir quand elle posa ses lèvres sur les miennes et m'embrassa non plus comme une amie, mais plus comme une amante. Je savais que Mireille n'était pas du tout attirée par les relations entre femmes, mais je dus avouer que le baiser de ma patronne m'émoustilla. Je profitai de sa compassion pour ne pas l'interrompre et lors qu'elle se recula en souriant, je ne pus que la remercier d'un mot.

Je m'installai à mon bureau et toute la matinée, nous avons travaillé sur les différents projets comme s'il ne s'était rien passé. Cependant je ne pouvais pas m'empêcher de voir les yeux brillants de Claire quand elle me regardait comme une lionne certaine que sa proie ne lui échapperait plus.

Alors que nous allions nous préparer à sortir pour déjeuner, Claire répondit au téléphone. La femme de Ludovic l'informait qu'il était arrivé quelque chose de grave à son époux. La femme de chambre de l'hôtel l'avait découvert ce matin inconscient dans son lit.

— C'est comme m… Clément ! Me reprenant juste à temps. Il faut aller voir ! Où est-il ? Dis-je paniqué.

— Il était en déplacement. Je demande à Florence de nous prendre un billet d'avion et de nous réserver une chambre. Nous pouvons être là-bas en fin d'après-midi. Ne t'affole pas pour les bagages, je t'offrirai ce qu'il faut en arrivant.

Quelques minutes après, elle rappela Ludivine pour lui dire de nous rejoindre à l'agence dans une heure. Pendant tout le vol, j'essayais de la rassurer en lui disant que tout allait bien se passer et que les médecins allaient le soigner.

— Au téléphone, ils m'ont dit qu'il était dans une sorte de coma, mais que cela ne correspond pas à un AVC, et qu’ils n'avaient rien détecté d'anormal aux examens.

Je l'écoutais parler sans répondre. Je compris qu’il avait été victime comme moi de la même malédiction. Serait-ce lié aux évènements de Russie ? Car ce coup-ci Mireille et son ésotérisme n'y était pour rien. Ce soir, il faudra que je téléphone à Madame Rose afin d'avoir des éclaircissements.

Le taxi nous conduisit directement à l'hôpital où nous la laissâmes tranquille au chevet de son mari. Pendant que Claire discutait avec un médecin, une nausée me permit de m'éloigner un peu pour appeler discrètement. J'eus de la chance, Madame Rose était de repos et me répondit immédiatement. Je lui exposais brièvement la situation.

— C'est très bizarre, deux personnes travaillant au même endroit… Il faudrait que je puisse venir voir dans vos bureaux et ressentir s'il y a des énergies négatives.

— Je ne crois pas que cela soit nécessaire, dis-je. Je pense savoir d'où cela vient !

Je lui racontai alors notre séjour dans l'Oural avec Ludovic et cet incident sur ce site mégalithique ou nous avions bousculé cette "sorcière" et sa petite fille. Nos clients nous avaient dit de ne pas nous en faire, ce n'était qu'une vieille magicienne gâteuse qui lançait des sortilèges à tous les hommes qui importunaient les jeunes femmes, "mais sans succès !" avaient-ils rajouté en riant grassement.

— Pourquoi ne m'en avez-vous pas parlé avant ?

— Je n'avais pas fait le lien et j'étais tellement sous le choc que je n'y ai pas pensé.

— Ce n'est pas grave, cela va me faciliter les choses pour le désenvoûtement, car il y a deux magies qui ont opéré. Je ne connais pas bien les entités magiques sibériennes alors je dois me renseigner. Mais il va falloir que vous trouviez la personne de substitution de votre collègue. Pour que je puisse vous désenvoûter ensemble. Et il faudrait qu'il soit rapatrié ici. Mais pour lui, le sortilège doit être un peu différent.

— Je pense que sa femme va le demander, dès que les médecins donneront leur accord pour le transfert. Mais cela risque d'être plus compliqué pour retrouver la personne avec qui il a passé la nuit.

— Fait sans elle, le désenvoûtement ne sera pas complet.

— Je ferai de mon mieux ! dis-je en raccrochant au moment où Claire vint s'enquérir de ma santé.

— À qui parlais-tu ma chérie ?

— J'étais avec l'infirmière de l'hôpital de Clément. Je voulais avoir des nouvelles.

— Je te comprends ! Après Clément ! Ludovic ! J'espère que cela va s'arrêter là ! Il ne va plus me rester personne dans la boîte. Allez viens ! Je vais te changer les idées. Allons trouver le nécessaire pour la nuit.

L'arrivée inopinée de Claire ne m'avait pas permis d'avoir les réponses aux nouvelles questions que je me posais. L'incident "Ludovic" n'était pas pour me rassurer.

Nous avons dit à Ludivine que nous repasserions d'ici une heure et demie pour la prendre pour aller à l'hôtel et nous prîmes le chemin de la galerie commerciale voisine. Nous passâmes rapidement au supermarché pour prendre dentifrice, brosse à dents et déodorant et un peu plus de temps dans les boutiques de vêtement pour prendre un pantalon et une tunique pour le lendemain. Claire me dit alors que nous passions devant une boutique de lingerie :

— Et si nous allions voir ce qu'ils ont, on va se trouver quelque chose de sympa pour la nuit, non ?

Je fus un peu gêné, rougis et marmonnai un petit, oui ! Si tu veux ! Je commençai à ne plus avoir de doute sur ses intentions depuis le baiser de ce matin et la réservation d'une chambre pour nous deux à l'hôtel.

Malgré tout, je ne protestai que pour la forme quand elle me présenta une nuisette légère et courte.

— Décidément, peu importe que nous soyons un homme ou une femme, nous aimons voir la femme que nous aimons dans des tenues sexy, pensais-je.

Elle me demanda comment je trouvais celle qu'elle se choisit.

— Tu es ravissante ! lui dis-je sans mentir.

L'imaginer dans cette tenue me fit réagir et je n'osais pas imaginer dans quel état se trouverait mon corps dans la chambre en me rappelant l'épisode précédent à l'hôpital avec Claire où elle m'avait serré contre elle si fortement que j'avais été excité. Nous avions alors remarqué une bosse sans équivoque déformait le drap qui recouvrait Clément.

À notre arrivée dans le service, Ludivine nous attendait dans la salle de repos, ne pouvant supporter de les voir s'occuper de son mari. Elle laissa son numéro à l'infirmière de garde. Au cas où il se passerait quelque chose de nouveau ! Je ne disais rien, mais je savais qu'il ne se passerait rien de neuf avant l'intervention de Madame Rose.

Dans le taxi, je lui demandais comment cela se passait avec Ludovic ces derniers temps.

— Depuis son retour de Russie, il est étrange. Et surtout, il ne m'a pas touchée depuis. Ce qui est inhabituel chez lui, s'il pouvait le faire trois fois par jour, il ne se gênerait pas.

J'entendis Claire pouffer à côté du chauffeur et je compris mieux maintenant son comportement avec moi l'autre jour. Je réalisai alors ce qui avait dû se produire et pourquoi seulement maintenant pour lui. Le transfert s'effectuait après une relation sexuelle. Je devrais en informer Madame Rose. Mais comment expliquer cela à Ludivine sans la traumatiser davantage ? Je ne pouvais pas lui dire que son mari avait sûrement passé la nuit avec une femme et pas uniquement pour jouer aux dominos. J'étais plongée dans mes pensées quand le taxi s'arrêta. Soudain alors que nous nous apprêtions à franchir le seuil de l'hôtel, nous entendîmes un cri et un crissement de pneu.

— Ludivine… !

Nous nous sommes retournées surprises et nous avons vu le corps d'une jeune femme projeté au loin par un fourgon. Je la regardai.

— Tu la connais ?

— Non ! Je ne suis jamais venu ici, et je ne connais personne dans cette ville, elle devait appeler quelqu'un d'autre.

Oui sûrement ! Fit Claire en nous montrant une femme se précipiter vers le corps inerte sur le sol et hurler pour que l'on appelât les secours.

Voyant qu'un attroupement s'était fait autour de la victime et en entendant une sirène au loin, nous nous sommes présentées à la réception pour obtenir les clés de nos chambres sans plus nous préoccuper de l'accident.

— On se retrouve dans une demi-heure et je vous offre le repas de ce soir !

— Merci Claire ! Répondit Ludivine encore sous le choc entre l'état de son mari et l'accident qui venait de se produire.

Je profitai de ce temps pour prendre une douche tranquillement et enfiler la robe que Claire m'avait offerte tout à l'heure. Puis je descendis rejoindre les autres dans le hall.

Ludivine était là, les yeux rivés sur son téléphone.

— Tu seras la première prévenue si son état change.

— Je le sais bien, mais je ne suis pas aussi forte que toi. Comment fais-tu pour tenir avec Clément ?

— Je peux te confier un secret ?

Elle me regarda étonnée.

— Oui bien sûr !

J'allais commencer à lui raconter mon histoire quand Claire apparut radieuse.

— Vous êtes prêtes ? Je viens de réserver dans ce qui est, paraît-il l'un des meilleurs restaurants de la ville. Changeons-nous les idées.

lundi 6 juillet 2020

Ille -03- Magie

Je me garai sur le parking de l'hôpital, et j'étais songeur en me dirigeant vers la chambre où mon corps était étendu. Dans le service, Madame Rose était toujours là, elle m'accueillit avec le même sourire que le matin, mais je ne me fis pas piéger par son regard et ses formes et je répondis poliment à son sourire.

— Son état n'a pas changé depuis que vous êtes partie, il ne s'est absolument rien passé de nouveau.

Je fixais mon corps allongé et je ne sus que répondre. Je me doutais que rien ne s'était produit, j'étais sûr que s'il s'était passé quelque chose, je l'aurais ressenti.

Je me suis assis sur le fauteuil à côté du lit en prenant ma main entre mes doigts.

— Je vous laisse seule avec lui. Mais n'hésitez pas à venir me voir, je finis mon service dans une demi-heure, si vous voulez parler je serais disponible.

— Oui merci !

Je restais plongé dans mes pensées à tenir ma main. Pour la première fois depuis le réveil, je pris le temps de "me" regarder. Je découvrais mon visage et ma poitrine qui se soulevait au rythme de ma respiration avec les yeux de Mireille. Je sentis que l'esprit de Mireille était toujours présent, le corps que j'habitais réagissait à mon corps, des pensées me vinrent. J'étais sûre que je rougissais.

Je réalisai alors que le temps avait passé. Je sortis de la chambre et, mû d'une impulsion subite, je déposai un baiser sur les lèvres de ce qui était mon visage ou de ce qui le fut. Devrais-je m'habituer à ne plus être moi ?

En regagnant ma voiture, je croisais Madame Rose qui s'approcha de moi.

— Je crois savoir ce qui vous arrive, je suis sûre que je peux vous aider.

— Comment cela ? Que voulez-vous dire ?

Vous vous êtes réveillée ce matin différente de celle que vous étiez hier, vous êtes perdue, vous ne savez plus ou vous en êtes ? C'est cela.

— Oui ! Exactement !

— Venez en discuter autour d'un café.

Elle me précéda à la terrasse de ce bar qui fait l'angle de la rue en face de l'hôpital. Et nous avons commencé à discuter. Intrigué, je la laissai parler et ce qu'elle me raconta me troubla.

— Vous n'êtes pas la première à qui cela arrive. Nous croyons vivre dans un monde où la science explique tout et où ce qui n'est pas expliqué le sera un jour. Mais ce n'est pas si simple ! Il y a beaucoup de choses qui sortent encore du domaine de la science. Et ce qui vous est arrivé en fait partie. Ce matin en vous réveillant, vous n'étiez plus vous-même, n'est-ce pas ?

— Oui, quand je me suis réveillée, je me suis demandée ce qui m'arrivait. Je ne comprenais rien.

— Je pense pouvoir vous aider à faire remonter vos souvenirs. Cela vous permettra de mieux vivre ce qui vous arrive.

— Comment cela ?

— Vous avez ma carte ?

— Oui ! Je l'ai toujours au fond de mon sac.

— J'ai une certaine expérience de la magie vaudou et je suis certaine qu'un désenvoûtement pourra vous faire retrouver celle que vous étiez hier soir.

Je rigolais, je ne pouvais pas m'en empêcher.

— Rigolez ! Je vous comprends. Mais gardez ma carte et n'hésitez pas à m'appeler n'importe quand dès que vous en ressentirez le besoin et je sens que cela ne va pas tarder.

— Je vous le promets, lui dis-je.

Même, si je pensai qu'elle divaguait et que je ne voyais pas comment sa magie pourrait m'aider.

Nous avons fini notre café et je repris la voiture et instinctivement, je pris la route de l'appartement de Mireille. J'étais devant la porte de cet appartement que je connaissais sans connaître, car même si nous étions ensemble, nous n'avions pas encore pris la décision de vivre ensemble et le plus souvent c'était elle qui venait chez moi, car j'avais la chance d'avoir hérité de mes grands-parents cette maison avec un petit jardin bien agréable aux beaux jours avec sa terrasse ombragée par une glycine. Mireille ne s'était pas encore décidée à mettre son appartement en location pour venir vivre avec moi.

C'était avec une pointe d'angoisse que je tournai la clé dans la serrure et ouvris la porte. Je frissonnais, le nez assailli par des odeurs que je reconnaissais, Mireille avait l'habitude de faire brûler des bâtonnets d'encens dans son salon pour éloigner les mauvais esprits disait-elle en riant. Je n’étais plus sûr qu'elle rigolait tant que cela en le disant. Je posai mon sac, enfin son sac sur le canapé et allumai la télé comme je le faisais lorsque je rentrai chez moi. Je déambulais dans l'appartement, et cherchais ce que j'allais bien pouvoir me faire pour le dîner.

J'ouvris les placards pour découvrir ce qu'ils recelaient. Je finis par mettre une casserole d'eau sur le feu pour me préparer un plat de pâtes avec du jambon dont j'avais découvert un reste dans le réfrigérateur. Pendant que l'eau chauffait, je me dirigeais vers la porte qu'elle n'ouvrait jamais quand j'étais chez elle et qui piquait ma curiosité. Mais par respect pour Mireille, je ne lui avais jamais demandé ce qu'il y avait derrière.

Je l'ouvris et la poussai doucement comme si j'avais peur d'être surpris alors que j'étais seul et je restais étonné par ce que je vis. Dans cette petite pièce sombre dont les rideaux étaient tirés, j'aperçus contre le mur qui faisait face à la fenêtre une petite table recouverte d'une nappe blanche avec des bougies et une statuette en ivoire. Je m'approchais. Je n'arrivai pas à identifier la divinité représentée. Mais ce qui m'interpella, c'était la petite coupelle avec des restes à moitié calcinés indéfinissables.

L'eau qui débordait dans la cuisine me rappela que mon repas ne devrait pas tarder à être prêt. Je refermai la porte de cette pièce étrange et en même temps que je passai à table, je pris mon téléphone et composai le numéro de Madame Rose.

Elle devait s'attendre à mon appel, car à peine la première sonnerie avait-elle retenti que j'entendis sa voix.

— Mireille ! Que se passe-t-il ?

— Écoutez ! J'ai fait une découverte étrange, pourriez-vous passer ?

Je lui décrivis rapidement ma découverte en essayant d'être le plus calme possible.

— Surtout, ne touchez à rien. J'arrive. Attendez-moi !

Mon repas à peine fini, elle sonna à la porte. Je la fis entrer.

— Suivez-moi et dites-moi ce que c'est ?

Je lui ouvris la porte de la pièce avec l'autel, elle me précéda et je la vis se raidir en découvrant la statuette. Elle ne me disait rien, mais elle sortit de son sac à main un petit sac en plastique et y vida le contenu de la coupelle.

— Si c'est ce que je pense, me dit-elle d'un air aussi pâle que sa peau noire le permettait, votre amie a fait appel à des puissances dont elle ne maîtrisait pas la nature et la puissance.

Que voulez-vous dire ?

— Vous savez, il existe des choses que tout le monde ne peut pas voir. Et je crois que votre amie a entrouvert une porte qu'elle aurait dû laisser fermer.

— Vous voulez parler de sorcellerie ?

— Oui, si vous voulez appeler cela comme cela. J'ai besoin de savoir ce qu'elle a fait brûler pour comprendre le charme qu'elle a voulu lancer. Quel qu'il soit, de toute manière, nous ne pourrons l'annuler au plus tôt qu'au prochain équinoxe.

Elle dut voir mon visage pâlir et mon abattement à ses mots car elle me dit de ne pas m'en faire.

— Vous savez, même si votre amie a lancé un puissant sortilège, je pense être plus puissante qu'elle pour pouvoir réussir à le contrôler et l'annuler. La puissance d'un sort est proportionnelle à la puissance de la personne qui le lance. Et la magie n'est pas comme ce que vous pouvez voir dans les films. Je dois juste bien savoir ce qu'elle a fait et ensuite je pourrais l’effacer, comme on efface les mots sur la page d’un cahier.

Je la remerciai pour ses paroles rassurantes et lui proposai de finir la soirée avec moi et je finissais alors de lui raconter toute mon histoire afin qu'elle puisse bien saisir la situation.

— C'est la première fois que je découvre que ce sort marche entre un homme et une femme. Soit Mireille est plus puissante que je ne le pensais, soit elle a invoqué un esprit puissant. Mais ne vous inquiétez pas, je vous libérerai.

Avant de partir, elle me donna un sachet avec des herbes en disant "Faites- vous une infusion avec ces herbes, cela vous détendra et vous permettra de dormir."

Comme elle me l'avait dit, je me préparais cette tisane que je buvais tranquillement devant la télévision. Rapidement la tisane fit son effet et je ressentis une forte envie de dormir. Je me levai et passai aux toilettes avant. Depuis ce matin, je maîtrisais ce passage avec mon corps de femme. Et je m'allongeais nue sous la couette comme Mireille avait l'habitude de le faire lorsque nous dormions ensemble.

Lorsque le réveil sonna, je me réveillais détendue. La tisane de Rose avait rempli son office, je n'avais pas eu de mauvais rêves. Par principe je regardai mon entrejambe, mais comme je m'en doutais, j'étais toujours dans ce corps étranger. L'effet de surprise ne joua pas ce matin et je me préparai pour profiter de ces trois jours de repos tranquillement. Je pris mon temps pour déjeuner et pour passer à la salle de bain afin de parfaire du mieux possible le peu de maquillage dont Mirelle se parait le matin. Je m'estimais satisfaite du résultat. Je restai tranquille tout la matinée et l'après-midi au chevet de mon corps, je me rendis au bureau pour rejoindre Claire qui m'avait invité pour passer la soirée avec elle.

Dans la voiture pour me rendre au bureau, je repensais aux mots prononcés par Rose au sujet de ma "guérison". J'allais donc devoir rester quelques semaines dans cet état avant de pouvoir réintégrer mon corps, mais tout devrait bien aller. Je devais avouer que j'étais dubitatif sur la méthode qu'elle allait employer, mais après ce qui m'arrivait, je ne devrais m'étonner de rien. Je me garai à ma place habituelle sur le parking déjà bien vide à cette heure tardive.

— Bonjour tout le monde, dis-je à la cantonade. Les quelques collègues encore présents me saluèrent du regard ou d'un bonjour rapide. Je vis que Ludovic me regardait avec son regard de prédateur depuis son bureau. Je n'avais jamais remarqué ce regard quand j'étais dans mon corps. Je me disais que nous devrions toutes lui donner une petite leçon de savoir-vivre.

— Bonjour Mireille ! Viens dans mon bureau s'il te plaît ?

— Oui Claire, j'arrive.

Claire debout dans l'embrasure de la porte m'invita à entrer. Elle ferma la porte derrière moi et elle m'embrassa.

— Tu pourras venir travailler sur ce poste, cela t'évitera les questions et les réflexions des autres. Tu as peut-être besoin de rester un peu au calme après les évènements d’hier.

— Merci, c'est gentil ! Oui je pense que cela me fera du bien.

— Comment va-t-il ?

C'est stable, les médecins ne comprennent pas ce qui lui est arrivé. Pour eux, il n'est ni mort ni vivant et ce n'est même pas comme un coma classique. Un mystère.

— Ça va s'arranger, non ?

— Je l'espère.

Je n'osais pas lui raconter mes discussions avec Madame Rose, elle allait me prendre pour une folle.

— En tout cas, il y en a un qui n'a pas l'air d'apprécier que tu m'aies proposé de venir dans ton bureau. Regarde la tête de Ludovic !

— Ah lui ! Je ne sais pas quoi en faire. Il fait du bon boulot, je ne peux pas le virer, mais c'est vrai que son comportement est limite.

— Pourtant il est marié et sa femme est adorable, je la connais un peu.

— Oui, mais je pense qu'il cherche à se venger de quelque chose ou de quelqu'un… Il n'était pas comme cela quand je l'ai embauché. Il a changé depuis quelques semaines et son voyage avec Clément dans le sud de l'Oural.

— Oui, Clément en est revenu enthousiaste, ils avaient visité les ruines d'une cité antique… Mais je ne vois pas le rapport.

Je me dis que je devrais peut-être en parler avec Madame Rose, elle semblait avoir des connaissances sur les mystères anciens.

— Tu sais en Russie, il y a des jolies filles… Il s'est peut-être laissé tenter. Je me souviens juste de cette soirée arrosée ou en sortant avec des clients, Ludovic avait apostrophé vulgairement une jeune femme accompagnée de sa grand-mère qui nous avait regardés méchamment et avait crié quelque chose en russe.

— Au point de devenir le mufle qu'il est ? Si c'était cela, il serait plutôt à traîner dans les quartiers chauds.

— Oui tu as peut-être raison… Mais ne le laissons pas envahir nos pensées, ce soir, je t'invite pour te changer les idées.

Elle me proposa de prendre un café en attendant qu'elle ait fini le dossier sur lequel elle travaillait.

Une nouvelle fois la proximité de Claire et son parfum me troublaient. Je l'avais toujours trouvée superbe et je devais avouer que je n'aurais pas refusé une aventure avec elle si l'occasion s'était présentée. Tandis que je buvais mon café, Claire vint derrière moi et commença à me masser les épaules.

— Détends-toi ma chérie !

Je ne disais rien et je la laissais faire, je réalisais alors que ce corps que je ne connaissais pas encore bien, se mettait à réagir à ce massage. Je me mordis les lèvres pour ne pas laisser échapper un gémissement de contentement. Que m'arrivait-il ?

Je ressentais comme des papillons dans mon ventre. Quelque chose se passait entre mes cuisses. J'aurais bien dit que je bandais, mais c'était impossible avec ce corps. Je me sentais tendue et soudain, je laissais échapper un petit cri quand je sentis quelque chose de mouillé dans ma culotte. Je me ressaisis et je remerciais Claire avant de me lever et de me diriger vers les toilettes. Je remarquais une lueur dans son regard.

Sous le coup de l'émotion et de l'habitude, je poussais la porte des toilettes hommes et je fus bousculé par un de mes collègues.

— Mireille ! Que fais-tu ? Tu te trompes de porte !... Je bafouillais une explication rapide avant d'entrer dans la bonne pièce.

Je m'enfermais dans une toilette où je m'assis sur la cuvette pour comprendre et réaliser ce qui venait de m'arriver. Je repris mes esprits et je m'aspergeais d'eau afin de me calmer avant de retourner au bureau.

Claire me souriait quand elle me vit revenir, mais ne me dit rien. Son sourire recommençait à me troubler.

— Excuse-moi ! Dis-je à Claire.

J'avais besoin de prendre l'air. Je sortis du bureau pour aller sur le parking. Elle me rejoignit quelques minutes plus tard et me serra dans ses bras. Cette proximité me fut fatale. Se méprenant sur mon état émotionnel, elle me dit : Je vais tout faire pour te faire aller mieux.

Elle me déposa alors une bise au coin des lèvres qui me fit tomber en larmes. Je n'arrivais plus à contenir mes émotions. Elle me soutint jusqu'à la voiture.

— Je connais un petit bar très sympa où nous serons tranquilles pour discuter et te remettre de tes émotions.

Elle se gara dans une petite rue du centre-ville et me fit entrer dans un lieu où elle semblait avoir ses habitudes. Je compris très vite pourquoi je ne connaissais pas ce bar, c'était le point de rendez-vous de la communauté homosexuelle de la ville. Claire embrassa quelques femmes qui lui sourirent et me présenta comme sa collaboratrice qui vivait un moment difficile de son existence. Nous nous sommes installées à une table isolée et nous avons commandé un cocktail chacune avec de quoi grignoter.

Je découvris Claire sous un jour nouveau. Elle me prit la main et je lui souris. Quand elle se pencha vers moi pour m'embrasser, j'hésitai et reculai le visage. Elle leva simplement son verre pour que nous trinquions.

— À cette soirée et que tout s'arrange pour toi !

Quelques verres plus tard, nous avons décidé de rentrer. Elle ne se sentait pas en état de conduire et elle héla un taxi qui nous ramena à l'appartement de Mireille. Au pied de l'immeuble, je ne refusais pas le baiser qu'elle me donna et elle me souhaita une bonne nuit avant de remonter dans la voiture.