Mama So venait de fermer sa petite boutique d'articles ésotériques pour aller passer sa soirée chez sa sœur Rose qui avait redonné signe de vie quelques semaines après les évènements dramatiques du volcan.
Michaël avait activé son réseau de connaissance en Europe et avait facilité l'arrivée et l'installation de Mama So et James. Il se sentait responsable de la mort de leurs trois fils et quand James était venu le voir pour lui dire qu'ils souhaitaient se rendre en Europe avec sa femme pour rejoindre sa belle-sœur, il avait de suite proposé de les aider à s'y installer. Ils avaient reçu une lettre de Rose qui, après plusieurs années sans leur avoir donné de nouvelles, leur annonçait qu'elle travaillait comme infirmière dans un hôpital. Elle avait aussi rajouté un mot pour sa sœur. Elle avait été formée par une personne puissante à utiliser les pouvoir occultes qu'elles avaient hérités de leur mère et elle les mettait au service des personnes qui en avait besoin. Elle proposait à sa sœur de venir la rejoindre car elle écrivait qu'en Europe, beaucoup de savoir ancien s'était perdu et qu'il ne restait presque plus de survivants porteurs de l'Antique Sang.
Après le décès de leurs enfants, plus rien ne les liait à leur village, ils prirent leur décision rapidement et quelques mois plus tard, ils emménageaient chez Rose.
Toujours avec l'aide de Michaël, Mama So put trouver une petite boutique dans le centre-ville où elle commença son commerce de colifichets protecteurs, de sorts et de potions. En peu de temps, la réputation de Mama So s'étendit à tous les amateurs de mystère et de surnaturel de la cité et son échoppe ne désemplit pas.
Recommandé par Michaël, James avait rapidement trouvé une place de maître d'hôtel dans un bon établissement et le couple se reconstruisait doucement.
Elle repensait à cette renaissance après leurs épreuves. Elle avait parfois la nostalgie du pays mais elle se disait que maintenant leur avenir était ici loin des mauvais souvenirs africains. Ce soir, avec James et Rose, ils allaient assister au concert d'un de leurs chanteurs préférés. La soirée promettait d'être agréable quand elle vit cette jeune femme avec sa poussette.
Elle mit un peu de temps
à réaliser qu'il s'agissait d'Elodie, la jeune femme qui avait disparu lors de
l'éruption du volcan et de la bataille entre la Déesse et le Serpent. Il y
avait un petit garçon souriant d'environ deux ans qui baragouinait quelques
mots incompréhensibles en direction de sa mère qui le regardait avec amour.
Elle aurait aimé s'approcher pour mieux les voir et être certaine de ce qu'elle
voyait mais la jeune femme entra dans un immeuble. Elle ne pouvait plus les
suivre et elle resta discrète quand les yeux de la femme croisèrent les
siens. Elle eut l'impression que ce regard la transperçait jusqu'au tréfonds de
son âme puis Elodie, car c'était bien elle, se pencha pour attraper son enfant
en lui souriant. Comme si elle l'avait reconnu.
Pendant qu'elle dînait avec son mari et sa sœur, ceux-ci constatèrent son trouble.
— Que se passe-t-il ? demanda Rose, on dirait que tu as vu un fantôme.
— Tu ne crois pas si bien dire…
— Dis-nous !
— J'ai croisé Elodie avec un bébé…
— C'est impossible ! Elle est morte sous le volcan. Nous avons tous pu constater que la grotte où le Général s'était réfugié s'est effondrée après la frappe des français et surtout avec l'éruption volcanique.
— Oui je le sais ! Mais tu te souviens que je t'ai toujours dit qu’elle était vivante. La Déesse aussi me l'avait dit dans mes rêves…
— Ecoute So, si tu veux j'invoquerai les esprits pour savoir si c'est bien elle, ou si c'est un fantôme qui te hante, lui proposa sa sœur.
— Non ! Ce n'est pas nécessaire, mais comment peut-elle avoir un enfant aussi jeune, cela fait maintenant cinq ans que nous sommes ici…
— So ! Tu sais comme moi que le temps dans le monde de la Déesse et notre temps ne s'écoulent pas à la même vitesse… Et elle a pu rencontrer un autre homme que son mari disparu…
— Non ! J'en suis sûre, ce petit est le fils de Franck, il a le même regard, les mêmes yeux… Demain, j'irai lui parler…
— N'oublie pas que tu n'es plus au village, tu n'es plus Mama So la sorcière du village. Ici tu n'es que So, la vendeuse de sorts et de grigris…
— Je le sais mais si c'est Elodie, elle me reconnaîtra… Et je suis certaine que c'est elle, elle porte toujours le porte-bonheur que je lui donné avant son départ. Je l'ai deviné, caché sous son gilet. J’ai senti sa présence même s'il est différent.
Rose était pensive, comment n'avait-elle pas pu ressentir un artefact aussi puissant aussi près d'elle. Cette pierre de la Déesse qui permettait de franchir les portails pour les non-initiés, devrait être aussi lumineuse qu'un phare quand elle se projetait dans le monde des esprits…
— Elle n'est pas en ville depuis longtemps, sinon nous nous en serions rendu compte. Mais tu dis qu'il est différent ?
— Oui je ne saurais dire comment ni pourquoi mais il me semble bien plus pur que lorsque je le lui avais donné, comme s'il était vierge, comme si elle était la première à le porter.
— Tu as bien dit que la Déesse t'avais dit qu'elle était en sécurité ?
— Oui…
— Et si elle avait été avec la Déesse dans le Sur-Monde ? N’aurait-elle pas pu survivre au volcan ?
Mama So devait avouer que sa sœur avait raison. Seule la Déesse avait pu la sauver. D'ailleurs Vivien avait bien raconté que les soldats du général lui avait dit qu'Elodie avait disparu comme par enchantement de la caverne. Elodie n'était pas un esprit donc elle n'avait pu disparaître que si le pendentif lui avait ouvert un portail dans le vieux sanctuaire sous la montagne où le Général avait trouvé refuge. Elle en aurait le cœur net le lendemain.
Dans leur lit, James enlaça son épouse en tentant de lui faire penser à autre chose qu'à ses interrogations. Mais même s'il y parvint, elle était plus déterminée que jamais à en avoir le cœur net.
Au petit matin, elle sortit discrètement de l'appartement et se rendit devant le porche où elle avait vu disparaître Elodie. Elle ne voulait pas la manquer. Son attente fut récompensée quand elle la vit sortir avec son enfant, Mama So la suivit. Elodie entra dans un nouvel immeuble et en ressortit seule quelques minutes plus tard. C'est le moment qu'elle choisit pour s'approcher et aborder la jeune femme.
— Elodie ? Est-ce bien vous ?
La femme regarda avec surprise cette femme qui l'interpellait quand elle sortait de chez la nourrice de son enfant.
— Elodie ? Non, je m'appelle Séverine… Vous devez vous tromper de personne.
— N'êtes-vous jamais allé en Afrique ? N'avez-vous jamais croisé une femme puissante ?
— Je ne vois pas de quoi vous voulez parler… Non je ne suis jamais allée en Afrique… Je n'ai jamais quitté cette ville.
Malgré les affirmations péremptoires de la jeune femme, Mama SO voyait bien que quelque chose la troublait. Elodie porta la main sur son pendentif qu'elle sera dans son poing et celui-ci se mit à luire, forçant Mama So à reculer.
— Excusez-moi ! dit-elle, comme vous me le dites, j'ai dû vous confondre avec quelqu’un d’autre.
— …
— Alors c'était Elodie ? lui demanda Rose quand sa sœur franchit la porte de la boutique.
— Oui je suis certaine que c'est elle, mais elle oublié qui elle était et elle est bien plus forte que je ne le pensais. Elle m'a repoussée avec le pendentif.
— C'est impossible. Tu es une prêtresse de la Déesse, le pendentif ne peut pas te rejeter…
—Sauf si la Déesse en a décidé autrement… Mais ce qui est le plus surprenant c'est qu'elle ne semble se souvenir de rien…
— Elle a vécu des choses très difficiles, et elle fait une amnésie pour se protéger…
— Je l'ignore mais je pense que nous ne le saurons jamais. Elle semble heureuse et c'est bien ce que j'avais vu quand je l'ai croisée au village.
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