mercredi 15 juillet 2020

Ille -04- Grossesse

Les jours passaient, j'étais de moins en moins surpris par les réactions du corps de Mireille, mais je me méfiais malgré tout en pensant à mon corps et à la manière dont il pourrait réagir à l'hôpital surtout quand j'étais en présence de Claire qui ne ratait jamais une occasion de me frôler ou de m'embrasser. Cela allait faire quelques semaines que mon corps était allongé là-bas. Je commençais à prendre du plaisir à choisir mes vêtements en me posant même la question de savoir si j'allais plaire à ma patronne. Mes gestes pour me maquiller se faisaient de plus en plus sûrs.

Je commençais à bien connaître ce corps, mais ce matin-là une nausée brutale me fit courir aux toilettes. Je mis quelques minutes à me remettre et alors que je préparai mon café, son odeur me gêna. Je ne me sentais pas bien. Pourtant la veille, nous n'avions rien mangé de lourd au restaurant avec Claire et nous n'avions pas abusé des mojitos et autres cocktails.

Je pris ma douche et je m'habillai sans avoir réussi à avaler ne serait-ce qu'une miette de pain.

En arrivant au bureau, Claire remarqua de suite que j'avais quelque chose.

— Que t'arrive-t-il ma chérie ?

— Je me sens nauséeuse, dis-je en grimaçant et en portant la main à mon ventre. Je grimaçai lorsque Ludovic entra dans le bureau avec sa tasse de café.

— Tu ne serais pas enceinte, toi ? me lança Claire, avec le sourire de celle qui découvrait que sa meilleure amie lui cachait un secret.

— Euh ! Non ! Je ne crois pas.

Je réalisai alors que Mireille m'avait dit qu'elle avait dû arrêter de prendre la pilule en raison d'un problème avec celle que lui avait prescrit son médecin et lors de notre dernière nuit ensemble, nous nous étions dit que ce n'était pas grave. Je viens d'arrêter, ce serait étonnant que je tombe enceinte, m'avait-elle lancé en se jetant goulûment sur moi.

— Tu crois vraiment ? Comment vais-je faire avec Clément à l'hôpital ?

— Va acheter un test à la pharmacie et tu seras fixée demain.

— Oui ! J'y passerai en sortant du bureau ce soir.

La journée se passa entre nausées et dégoûts dues aux odeurs. Je mangeai peu de peur de vomir ensuite. Ce n'était pas possible, ce n'était pas cela, je devais avoir attrapé un virus. Cependant pour être certaine, je m'arrêtai à la pharmacie pour acheter un test de grossesse avant de passer à l'hôpital.

Madame Rose était de service et s'aperçut de mon mal-être. Je lui racontai ma journée nauséeuse et la réflexion de Claire au sujet de mon état potentiel. Je la vis se rembrunir.

— Ce ne serait pas du tout bon pour le désenvoûtement. Si vous portez un bébé, ce pourrait être dangereux pour tous les deux.

— Comment cela ?

— Oh ! L'esprit immature du bébé pourrait empêcher le sort de marcher et vous pourriez vous retrouver dans son esprit.

— Mais est-ce possible malgré tout ?

— Oui mais je devrai être prudente et utiliser un sort de désenvoûtement beaucoup moins puissant.

Les mots de Madame Rose ne me rassuraient qu'à moitié. Je ne serais fixée que demain matin en ce qui concernait la grossesse.

Comme tous les soirs depuis que mon corps était sur ce lit d'hôpital, Claire me proposa de passer la soirée avec elle. J'étais fatiguée et nauséeuse.

— Non, merci ! J'ai besoin de me reposer. Je l'entendis rire au téléphone.

— Toi ! Tu es vraiment enceinte !

— On verra demain… Bonne nuit !

Avant de me coucher, je me préparai une tisane de Madame Rose pour me détendre. Elle m'avait assuré qu'il n'y aurait aucun risque pour le bébé si j'étais enceinte. Je passais donc une nuit plus calme que la précédente.

Au réveil, avec un peu d'appréhension, je fis ce fameux test. Les quelques secondes d'attente me semblèrent interminables et avec horreur, je vis apparaître la bande confirmant la grossesse. Je restais hébété. Qu’allais-je faire ?

Ce fut dans un état second après avoir encore une fois rendu mon café du matin que je me rendis au bureau. Claire devina le résultat à la tête que je faisais en arrivant.

— C'est merveilleux ma chérie !

— Si tu le dis. Je ne suis pas du tout convaincu que cela va me rendre heureuse. Les médecins ne sont pas très optimistes pour Clément. Je ne sais pas si j'aurai la force d'élever seule ce bébé.

Elle se leva et vint me prendre dans ses bras. Je frissonnai.

— Je serai là pour toi et pour le bébé.

J'étais trop perturbée pour réagir quand elle posa ses lèvres sur les miennes et m'embrassa non plus comme une amie, mais plus comme une amante. Je savais que Mireille n'était pas du tout attirée par les relations entre femmes, mais je dus avouer que le baiser de ma patronne m'émoustilla. Je profitai de sa compassion pour ne pas l'interrompre et lors qu'elle se recula en souriant, je ne pus que la remercier d'un mot.

Je m'installai à mon bureau et toute la matinée, nous avons travaillé sur les différents projets comme s'il ne s'était rien passé. Cependant je ne pouvais pas m'empêcher de voir les yeux brillants de Claire quand elle me regardait comme une lionne certaine que sa proie ne lui échapperait plus.

Alors que nous allions nous préparer à sortir pour déjeuner, Claire répondit au téléphone. La femme de Ludovic l'informait qu'il était arrivé quelque chose de grave à son époux. La femme de chambre de l'hôtel l'avait découvert ce matin inconscient dans son lit.

— C'est comme m… Clément ! Me reprenant juste à temps. Il faut aller voir ! Où est-il ? Dis-je paniqué.

— Il était en déplacement. Je demande à Florence de nous prendre un billet d'avion et de nous réserver une chambre. Nous pouvons être là-bas en fin d'après-midi. Ne t'affole pas pour les bagages, je t'offrirai ce qu'il faut en arrivant.

Quelques minutes après, elle rappela Ludivine pour lui dire de nous rejoindre à l'agence dans une heure. Pendant tout le vol, j'essayais de la rassurer en lui disant que tout allait bien se passer et que les médecins allaient le soigner.

— Au téléphone, ils m'ont dit qu'il était dans une sorte de coma, mais que cela ne correspond pas à un AVC, et qu’ils n'avaient rien détecté d'anormal aux examens.

Je l'écoutais parler sans répondre. Je compris qu’il avait été victime comme moi de la même malédiction. Serait-ce lié aux évènements de Russie ? Car ce coup-ci Mireille et son ésotérisme n'y était pour rien. Ce soir, il faudra que je téléphone à Madame Rose afin d'avoir des éclaircissements.

Le taxi nous conduisit directement à l'hôpital où nous la laissâmes tranquille au chevet de son mari. Pendant que Claire discutait avec un médecin, une nausée me permit de m'éloigner un peu pour appeler discrètement. J'eus de la chance, Madame Rose était de repos et me répondit immédiatement. Je lui exposais brièvement la situation.

— C'est très bizarre, deux personnes travaillant au même endroit… Il faudrait que je puisse venir voir dans vos bureaux et ressentir s'il y a des énergies négatives.

— Je ne crois pas que cela soit nécessaire, dis-je. Je pense savoir d'où cela vient !

Je lui racontai alors notre séjour dans l'Oural avec Ludovic et cet incident sur ce site mégalithique ou nous avions bousculé cette "sorcière" et sa petite fille. Nos clients nous avaient dit de ne pas nous en faire, ce n'était qu'une vieille magicienne gâteuse qui lançait des sortilèges à tous les hommes qui importunaient les jeunes femmes, "mais sans succès !" avaient-ils rajouté en riant grassement.

— Pourquoi ne m'en avez-vous pas parlé avant ?

— Je n'avais pas fait le lien et j'étais tellement sous le choc que je n'y ai pas pensé.

— Ce n'est pas grave, cela va me faciliter les choses pour le désenvoûtement, car il y a deux magies qui ont opéré. Je ne connais pas bien les entités magiques sibériennes alors je dois me renseigner. Mais il va falloir que vous trouviez la personne de substitution de votre collègue. Pour que je puisse vous désenvoûter ensemble. Et il faudrait qu'il soit rapatrié ici. Mais pour lui, le sortilège doit être un peu différent.

— Je pense que sa femme va le demander, dès que les médecins donneront leur accord pour le transfert. Mais cela risque d'être plus compliqué pour retrouver la personne avec qui il a passé la nuit.

— Fait sans elle, le désenvoûtement ne sera pas complet.

— Je ferai de mon mieux ! dis-je en raccrochant au moment où Claire vint s'enquérir de ma santé.

— À qui parlais-tu ma chérie ?

— J'étais avec l'infirmière de l'hôpital de Clément. Je voulais avoir des nouvelles.

— Je te comprends ! Après Clément ! Ludovic ! J'espère que cela va s'arrêter là ! Il ne va plus me rester personne dans la boîte. Allez viens ! Je vais te changer les idées. Allons trouver le nécessaire pour la nuit.

L'arrivée inopinée de Claire ne m'avait pas permis d'avoir les réponses aux nouvelles questions que je me posais. L'incident "Ludovic" n'était pas pour me rassurer.

Nous avons dit à Ludivine que nous repasserions d'ici une heure et demie pour la prendre pour aller à l'hôtel et nous prîmes le chemin de la galerie commerciale voisine. Nous passâmes rapidement au supermarché pour prendre dentifrice, brosse à dents et déodorant et un peu plus de temps dans les boutiques de vêtement pour prendre un pantalon et une tunique pour le lendemain. Claire me dit alors que nous passions devant une boutique de lingerie :

— Et si nous allions voir ce qu'ils ont, on va se trouver quelque chose de sympa pour la nuit, non ?

Je fus un peu gêné, rougis et marmonnai un petit, oui ! Si tu veux ! Je commençai à ne plus avoir de doute sur ses intentions depuis le baiser de ce matin et la réservation d'une chambre pour nous deux à l'hôtel.

Malgré tout, je ne protestai que pour la forme quand elle me présenta une nuisette légère et courte.

— Décidément, peu importe que nous soyons un homme ou une femme, nous aimons voir la femme que nous aimons dans des tenues sexy, pensais-je.

Elle me demanda comment je trouvais celle qu'elle se choisit.

— Tu es ravissante ! lui dis-je sans mentir.

L'imaginer dans cette tenue me fit réagir et je n'osais pas imaginer dans quel état se trouverait mon corps dans la chambre en me rappelant l'épisode précédent à l'hôpital avec Claire où elle m'avait serré contre elle si fortement que j'avais été excité. Nous avions alors remarqué une bosse sans équivoque déformait le drap qui recouvrait Clément.

À notre arrivée dans le service, Ludivine nous attendait dans la salle de repos, ne pouvant supporter de les voir s'occuper de son mari. Elle laissa son numéro à l'infirmière de garde. Au cas où il se passerait quelque chose de nouveau ! Je ne disais rien, mais je savais qu'il ne se passerait rien de neuf avant l'intervention de Madame Rose.

Dans le taxi, je lui demandais comment cela se passait avec Ludovic ces derniers temps.

— Depuis son retour de Russie, il est étrange. Et surtout, il ne m'a pas touchée depuis. Ce qui est inhabituel chez lui, s'il pouvait le faire trois fois par jour, il ne se gênerait pas.

J'entendis Claire pouffer à côté du chauffeur et je compris mieux maintenant son comportement avec moi l'autre jour. Je réalisai alors ce qui avait dû se produire et pourquoi seulement maintenant pour lui. Le transfert s'effectuait après une relation sexuelle. Je devrais en informer Madame Rose. Mais comment expliquer cela à Ludivine sans la traumatiser davantage ? Je ne pouvais pas lui dire que son mari avait sûrement passé la nuit avec une femme et pas uniquement pour jouer aux dominos. J'étais plongée dans mes pensées quand le taxi s'arrêta. Soudain alors que nous nous apprêtions à franchir le seuil de l'hôtel, nous entendîmes un cri et un crissement de pneu.

— Ludivine… !

Nous nous sommes retournées surprises et nous avons vu le corps d'une jeune femme projeté au loin par un fourgon. Je la regardai.

— Tu la connais ?

— Non ! Je ne suis jamais venu ici, et je ne connais personne dans cette ville, elle devait appeler quelqu'un d'autre.

Oui sûrement ! Fit Claire en nous montrant une femme se précipiter vers le corps inerte sur le sol et hurler pour que l'on appelât les secours.

Voyant qu'un attroupement s'était fait autour de la victime et en entendant une sirène au loin, nous nous sommes présentées à la réception pour obtenir les clés de nos chambres sans plus nous préoccuper de l'accident.

— On se retrouve dans une demi-heure et je vous offre le repas de ce soir !

— Merci Claire ! Répondit Ludivine encore sous le choc entre l'état de son mari et l'accident qui venait de se produire.

Je profitai de ce temps pour prendre une douche tranquillement et enfiler la robe que Claire m'avait offerte tout à l'heure. Puis je descendis rejoindre les autres dans le hall.

Ludivine était là, les yeux rivés sur son téléphone.

— Tu seras la première prévenue si son état change.

— Je le sais bien, mais je ne suis pas aussi forte que toi. Comment fais-tu pour tenir avec Clément ?

— Je peux te confier un secret ?

Elle me regarda étonnée.

— Oui bien sûr !

J'allais commencer à lui raconter mon histoire quand Claire apparut radieuse.

— Vous êtes prêtes ? Je viens de réserver dans ce qui est, paraît-il l'un des meilleurs restaurants de la ville. Changeons-nous les idées.

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