jeudi 6 mai 2021

Eruptions -08- Soirée

  

Quelques semaines plus tard, Jane et Luc venaient enfin de pouvoir réintégrer l'appartement qu'ils avaient quitté à l'automne après de longues démarches administratives. Les clients recommençaient à trouver le chemin de la petite boutique de Jane et Luc avait pu retrouver son travail et y avait gagné une collaboratrice. Il avait demandé à ce que la personne qui avait été embauchée à sa place pendant son absence ne soit pas licenciée.

La pierre que leur avait donnée la déesse Athéna avait rejoint la collection de galets de Jane, et seul un œil averti pouvait voir qu'il était légèrement différent des autres. La nuit, elle luisait légèrement dans le salon et libérait des ondes positives afin de protéger les deux jeunes gens de l'influence maléfique du comte Van Dyck. Elle avait aussi d'autres propriétés dont ils ne se rendraient compte que plus tard.

Pour fêter leur retour à la vie, ils avaient organisé une petite soirée avec leurs amis proches. Ce soir-là, ils étaient sept dans le salon autour de la table basse. Thibault et sa copine, Sandrine, la nouvelle collègue de Luc, Kathryn, l'amie d'enfance de Jane et son mari Dieter les pressaient de questions. Ils voulaient tous savoir comment ils avaient pu survivre plusieurs mois dans les entrailles de la Terre.

— On se souvient seulement d'avoir entendu une explosion, puis le tunnel s'est effondré derrière nous… Nous nous sommes évanouis et quand nous nous sommes réveillés, nous étions à quelques mètres de la sortie du souterrain.

C'est la version qu'ils avaient présentée aux médecins et aux gendarmes. Des psychiatres les avaient rencontrés et tous avaient conclu à une amnésie partielle. Les gendarmes, les services spécialisés dans les recherches géologiques et minières et des spéléologues avaient exploré les souterrains sans rien trouver. Une enquête judiciaire avait même été demandée pour enlèvement et séquestration, mais en l'absence d'éléments concrets, tous ces dossiers étaient classés au fond d'armoire dans les différentes administrations concernées. Seuls les spéléologues avaient trouvé un nouveau terrain de jeu surtout depuis la fin de l'éruption du Pavin.

Alors que les filles et Dieter admiraient les créations de Jane, Thibault prit Luc à l'écart.

— Ne me raconte pas de conneries, je sais bien que vous n'avez pas disparu pendant six mois sans vous souvenir de rien. J'ai vu les photos du coffret… et du parchemin.

— Effectivement ! Nous ne sommes pas restés six mois sous terre. Mais si on raconte la vérité, personne ne nous croira.

— Vous connaissant, vous avez pris des photos de votre exploration et tu sais que je suis un fan de l'exploration souterraine…

— Oui ! Bien sûr ! mais nous ne les avons montrées à personne. Personne ne nous les a demandées non plus. Qu'espères-tu découvrir ?

— Tu te souviens que l'été dernier, j'ai participé à des fouilles avec mon chef sur la propriété que sa femme a reçu en héritage.

— Oui ! Très bien ! Tu m'avais même dit que vous aviez trouvé un truc incroyable…

— Oui ! Exact, mais je ne t'ai pas non plus tout raconté… Il y avait aussi une grotte, ou plutôt un souterrain…

— Et…

— Tu me connais, je n'ai pas pu m'empêcher d'aller l'explorer.

— Oui, je me doute.

— L'entrée ressemblait à une entrée de mine, mais après quelques mètres j'ai découvert des sortes de bas-reliefs sur les parois.

Le regard de Luc changea.

— Des bas-reliefs ! De quelle sorte ?

— Je dirai qu'ils remonteraient à la période de la préhistoire, un peu comme ceux que l'on peut voir sur certains menhirs sculptés.

— Viens dans la chambre, je vais lancer mon ordi et prendre la carte mémoire sur laquelle il y a les photos que nous avons prises avec Jane.

Les deux hommes s'isolèrent du groupe et ils commencèrent à regarder les images prises quelques mois plus tôt dans la montagne auvergnate.

— C'est sympa comme endroit, je ne connais pas…

— Oui, mais avec l'éruption, le paysage a pas mal changé.

— Je m'en doute… Là ! Regarde ce symbole au-dessus de l'entrée, c'est le même que celui que j'ai vu chez Élisabeth.

— Attends ! Tu n'as pas tout vu. Luc fit défiler rapidement le dossier et il s'arrêta sur la photo de la chouette gravée sur la paroi.

— Cela me dit quelque chose ! Attends ! Tu permets ? Lui dit-il en commençant à taper quelques mots sur le clavier de l'ordinateur pour faire une recherche d'images.

— Voilà ! C'est la chouette qui était gravée sur le bouclier de la statue de la déesse Athéna qui se trouvait dans le Parthénon.

— Tu ne crois pas si bien dire…

— Explique-moi !

— Tu te souviens que dans le coffre, en plus du parchemin, il y avait aussi une pierre !

— Oui, une pierre grise qui ne payait pas de mine…

— Oui exactement ! Mais cette pierre s'encastrait parfaitement dans un des yeux de la chouette.

— Et vous l'avez placée ?

— Oui et c'est là que tout a commencé…

Luc baissa le ton et il raconta l'arrivée inopinée de Keireen puis leur sauvetage inattendu par Sophia et enfin leur arrivée dans cette immense bibliothèque.

— La chouette serait donc une sorte de porte ?

— Pas une porte, c'est un point de passage. Regarde la suite des photos !

Il lui montra donc les quelques photos prises pendant qu'ils découvraient les différents ouvrages réunis avant que la déesse n'arrive.

— C'est stupéfiant ! Ne put se retenir de s’exclamer Thibault. Tout ce savoir à portée de main !

— Oui…

— Et maintenant tout cela a été perdu au cours de l'éruption. J'en connais une qui, si elle savait cela serait complètement désespérée.

Luc ne répondit pas immédiatement. Il se demandait ce qu'il pouvait dire à son ami. Il lui faisait confiance.

— Tu me promets de ne pas répéter ce que je vais te dire.

— Promis.

— Bon ! Alors voilà comment cela s'est passé… Luc se tut un instant.

— Chéri ! Je descends montrer ma boutique… On revient dans quelques minutes…

— Pas de problèmes !

— Ne buvez pas tout ! s'exclama-t-elle dans un grand éclat de rire.

Ils entendirent la porte de l'appartement se refermer et Luc reprit son récit.

— Lorsque Jane a posé la pierre dans l'œil de la chouette, il y a eu une vibration et une sorte de lumière bleuâtre est apparue, surpris, nous nous sommes reculés. C'est à ce moment que Keireen nous a sauté dessus. Nous avons d'abord cru qu'elle était folle, mais quand elle a sorti une épée, nous avons bien cru que nous étions fichus. Sophia a alors émergé du portail et s'est jetée sur l'autre en nous criant de le traverser en entrant dans la lueur… Tu te doutes bien que fichu pour fichu, nous avons obéi.

— Oui ! Normal ! Je pense que j'aurais fait comme vous…

— On a donc atterri dans un vestibule qui donnait sur cette immense salle que tu as vue sur les photos. Il n'y avait aucun bruit et nous avons commencé à avancer pour nous éloigner du portail. Avec les deux femmes qui s'affrontaient dans la mine, nous avons surtout pensé à nous éloigner pour sauver notre peau. De plus, l'atmosphère était apaisante et rassurante. On avait presque fini de traverser la bibliothèque quand Jane a posé une question et devine qui nous a répondu ?

— Aucune idée… répondit Thibault qui n'avait pas envie de jouer aux devinettes.

— La déesse Athéna en personne…

— Non ! Arrête tes blagues.

— Je suis sérieux. C'est elle qui nous a expliqué où nous étions et qui étaient les deux guerrières.

— Luc continua son récit jusqu'au moment où ils avaient trouvé les gendarmes dans la vallée.

— En fait vous ne mentez pas vraiment en disant que vous ne vous ne souvenez de rien… le regarda Thibault.

— Oui pour nous, c'est comme s'il ne s'était écoulé que quelques heures.

— Ce que tu me racontes me rappelle quelque chose que j'ai cru voir lorsque nous étions dans le sud pour les fouilles.

— Quoi donc ?

Un soir, alors que je travaillais sur la terrasse avec mon ordi, j'ai levé la tête, car il me semblait avoir entendu un bruit et j'ai cru apercevoir une lueur bleue dans la chambre de ma collègue. Je pensais qu'elle était elle aussi devant un écran, mais ce qui était bizarre c'est qu'il y avait comme une sorte de vibration dans l'air.

— Suis-moi ! Luc entraîna Thibault de nouveau dans le salon et lui donna la pierre que leur avait confiée Athéna.

Thibault sursauta, c'était la même vibration !

— Oui et cette vibration lorsqu'elle est placée à certains endroits doit permettre d'ouvrir des passages vers la bibliothèque.

— Ou ailleurs… Une clé pour passer de monde en monde.

— Je ne sais pas. Je n'ai pas encore pu me pencher sur le sujet, mais dès que cela sera plus calme, je pense que je vais m'y atteler.

— Quand tu m'as parlé de ce professeur "je ne sais plus qui"...

— Van Dyck !

— Oui c'est ça ! Tu m'as bien dit qu'il habitait un manoir dans une cité balnéaire ?

— Oui ! C'est ce que nous a dit la déesse. J'ai du mal à concevoir que c'est bien Athéna, mais avec ce que nous avons vécu, je me dis, pourquoi pas !

— J'ai un ami qui est prof dans un lycée là-bas. C'est lui qui m'a initié à l'exploration des catacombes. De plus, il a l'air super calé dans l'ésotérisme. Il est un peu barré, un soir où on avait un peu trop bu, il m'a sorti qu'il avait plusieurs siècles…

— In vino veritas…

Les deux jeunes hommes rigolèrent puis Thibault enchaîna.

— S'il y en a bien un qui peut t'aider à découvrir le mystère qui se cache derrière votre aventure et ce Van Dyck, c’est lui. Je vais l'appeler pour lui en parler.

Au même moment, les autres revenaient de leur visite. Thibault fit découvrir à Kathryn et Dieter la subtilité du mélange entre le foie gras et le Sauternes.

Jane se liait avec Sandrine et Margaux, la copine de Thibault. Et lorsqu'ils se séparèrent, ils se promirent de refaire ce genre de soirées même si les deux Sud-Africains seraient rentrés chez eux.

Une fois seuls, Jane regarda Luc.

— Toi ! Tu as quelque chose à me dire…

— C’est-à-dire que… Il baissa la tête, honteux comme un enfant pris la main dans le sachet de bonbons.

— Dis-moi ! Allez !

Luc se lança d'un seul coup et souffla après avoir dit la phrase fatidique.

— J'ai tout raconté à Thibault.

— Tu es malade ! On s'était juré de ne rien dire à personne et de s'en tenir à la phrase que l'on a sortie aux gendarmes en ressortant de la grotte.

— Je sais ma chérie ! Mais c'est mon meilleur pote et je sais que je peux lui faire confiance.

— Lui, peut-être ! Mais Margaux est journaliste… Une histoire comme cela, c'est le scoop du siècle pour elle.

— Je te garantis qu'il ne dira rien, d'ailleurs écoute-moi…

— Non pas ce soir ! Putain… Bordel… La soirée s'était super bien passé et faut que tu gâches tout en racontant tout à Thibault.

Jane se leva du canapé et elle alla s'enfermer dans la chambre exaspérée. Luc l'entendit marmonner : "on dit que les filles ne savent pas se taire, mais les mecs, c'est pas mieux."

Il finit de ranger seul les restes du repas et de nettoyer le salon sans faire trop de bruit. Il éteignit la lumière avant d'aller tenter une approche en douceur de sa bien-aimée. Il remarqua alors que la pierre d'Athéna luisait bien plus que les autres nuits

vendredi 23 avril 2021

Eruptions -07- Retour

 


— Voilà ! Je vous quitte ici.

La déesse les laissa devant un bas-relief représentant une chouette comme celui qu'ils avaient trouvé dans la caverne.

— De retour dans votre monde, prenez la pierre qui se trouve dans l'œil gauche et vous pourrez revenir ici quand vous le voudrez.

— Merci pour tout ! répondit Luc, ne sachant pas comment on devait remercier une antique déesse pour son hospitalité.

Comme pour leur arrivée dans la bibliothèque, ils franchirent la lueur bleue du portail et ils se retrouvèrent face à la même chouette que celle devant laquelle ils étaient de l'autre côté du passage. Jane tendit la main et prit l'améthyste qui faisait la pupille de l'œil et la glissa dans la poche. Ils durent attendre un peu que leurs yeux s'habituent à l'obscurité de la grotte où ils se trouvaient. Peu à peu, ils distinguèrent la lueur de la sortie et se dirigèrent vers le monde extérieur.

— Avons-nous rêvé ? demanda Luc.

— Je ne crois pas, dit Jane qui faisait tourner le caillou entre ses doigts dans sa poche.

— Si ce qu'elle nous a dit est vrai, c'est incroyable, mais personne ne voudra nous croire.

— Pourquoi devrions-nous le raconter ?

***

Pendant qu'ils étaient en train de se restaurer quelques heures plus tôt, Athéna entreprit de leur narrer la véritable histoire du monde. Elle leur parla de l'Entité créatrice de l'univers, comment celle-ci avait orienté l'évolution des humains pour qu'ils deviennent ce qu'ils sont aujourd'hui. Elle leur fit le récit de la naissance des dieux. C'est en leur parlant des Veilleurs et de leur fonction qu'elle leur expliqua qui était Keireen.

Il y a de longues années, un veilleur choisit de renoncer à son rôle de guide de l'humanité et au lieu de recruter des Appelés. Il asservit des êtres humains pour le servir lui. Il avait découvert une partie du secret de la pierre philosophale et réussit à franchir les protections mises en place pour protéger la bibliothèque. Il déroba quelques objets et sa puissance s'accrut. Avec ses nouveaux pouvoirs, il put invoquer des démons et des dieux mineurs pour le servir. Quelques Veilleurs réussirent à le combattre et à lui prendre le coffret contenant la pierre et le parchemin qu'ils avaient découverts dans les catacombes. Le hasard, ou la destinée, fit que Luc et Jane découvrirent ce coffre au moment où celui qui se fait appeler le Comte ou le Professeur Van Dyck venait de le repérer. Il envoya ainsi tout d'abord un homme-chat puis la guerrière à leurs trousses, car il lui manque encore un artéfact qui lui permettrait d'atteindre son but.

Ils étaient en train de se remémorer ces paroles quand ils atteignirent enfin la sortie de la grotte. Dans le lointain, un grondement les fit sursauter mais comme ils se trouvaient dans une forêt assez épaisse, ils ne pouvaient pas en voir la cause.

On dirait que nous sommes à la fin du printemps.

— Oui ! Je te le confirme. Combien de temps sommes-nous restés avec Athéna ?

— Nous ne le saurons que lorsque nous croiserons du monde… dit Luc très inquiet. Mon oncle et ma tante ont dû s'inquiéter terriblement… Tout le monde doit nous croire morts…

Jane pâlit elle aussi en pensant à ses parents. Ils arrivèrent en bordure d'une route et commencèrent à la descendre. Luc ne reconnaissait pas l'endroit où ils étaient.

— Je connais bien les environs de la ferme de l'oncle Robert, et là je ne sais absolument pas où nous sommes, même si au vu de la végétation et des rochers environnants nous ne devons pas en être très éloignés.

— Tu entends ce bruit sourd au loin ?

— Oui et je me demande ce que c'est ?

Au même instant, une voiture de gendarmerie s'arrêta juste après les avoir dépassés et deux gendarmes en sortirent.

— Que faites-vous ici ?  Vous ne savez pas que cette zone est interdite à toute circulation.

— Non ! Nous ne le savions pas, mais pourquoi ?

Le volcan du lac Pavin est entré en éruption il y a quelques mois. Cela a surpris tout le monde et du coup tout le secteur a dû être évacué à titre de sécurité.

Les deux amants se regardèrent.

— Et la ferme de mon oncle ? demanda alors Luc

L'un des gendarmes comprit alors qui ils étaient et leur posa la question fatidique.

— Vous êtes les deux randonneurs disparus en janvier ? Tout le monde vous a cherché après l'éruption et l'effondrement des cavernes. Tout le monde vous a cru morts. Où étiez-vous ?

Jane et Luc se regardèrent, ne sachant que répondre.

— Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous sommes entrés par les cavernes au-dessous de la ferme et que nous sommes ressortis par cette grotte. dit Jane aux gendarmes.

— Mouais ! fit le plus vieux en se frottant le menton. Nous allons vous emmener à l'hôpital pour des examens et pour que vous puissiez récupérer de votre aventure et nous y prendrons votre déposition.

Pendant ce temps, l'autre gendarme avait prévenu l'hôpital, l'oncle Robert et la tante Claire de la réapparition inattendue des deux jeunes gens.

À leur arrivée, ils furent pris en charge par une équipe de médecins qui leur fit passer toute une batterie de tests avant de leur permettre de se reposer dans une chambre où ils purent enfin serrer dans leurs bras leur oncle et leur tante qui pleuraient de bonheur.

L'oncle Robert raconta que la ferme avait eu de la chance. Toute l'eau du lac Pavin s'était répandue dans la vallée par les cavernes et quelques minutes plus tard, de la lave suivit en obstruant toutes les galeries. Ils les avaient cherchés pendant quelques jours, mais rapidement, les pompiers leur avaient dit qu'ils avaient dû être piégés et emportés par l'inondation. Ils avaient sondé les rivières et les lacs en aval, mais ils ne remontèrent que les corps de deux femmes que personne n'avait encore pu identifier.

Jane et Luc réalisèrent que l'oncle parlait de Keireen et Sophia. Quand la tante Claire lança.

— L'éruption s'est arrêtée aussi subitement qu'elle avait commencé. On vient de nous dire que nous allions pouvoir bientôt regagner notre ferme.

mardi 20 avril 2021

Eruption -06- Révélations

 

Luc et Jane avançaient lentement dans les cavernes, ignorant qu'ils avaient été suivis. Il les guidait lentement en se remémorant ses explorations épiques avec ses cousins et cousines et les colères de leur tante qui leur interdisaient d'y retourner. Mais cette fois-ci, ils avançaient dans des galeries qu'il n'avait encore jamais foulées. Plus ils avançaient et plus l'atmosphère leur semblait lourde, mais ils se sentaient aussi entourés par quelque chose de bienveillant qui les rassurait et leur donnait envie de progresser. Dans le faisceau de leur torche, ils commencèrent à découvrir des marques sur les parois.

Ils décidèrent de faire une pause et Jane ouvrit son sac pour prendre quelques barres de céréales. Elle sursauta en voyant la pierre briller.

– Que se passe-t-il ?

– Regarde la pierre, elle brille !

Luc prit alors la pierre. Lorsqu'elle fut complètement sortie du sac, elle brilla encore plus fort et soudain des symboles apparurent sur le plafond.

– Lorsque Luc déplaçait la pierre, les symboles se déplaçaient aussi.

Cette pierre semble être le moyen de nous guider dans ces galeries. Prends la torche pour nous éclairer et je vais tenir la pierre au-dessus de nos têtes.

Avec Jane qui dirigeait la lumière de la torche vers le sol et Luc qui tenait la pierre qui illuminait le plafond, ils avancèrent plus rapidement sans se poser de questions sur le chemin à prendre à chaque bifurcation.

 

Au même instant, en prenant une grande inspiration, Keireen franchit le seuil de la caverne. Elle ressentait la présence des sorts de protection qui protégeaient les couloirs. Elle savait que plus elle avancerait et plus elle devrait lutter contre les sortilèges tant qu'elle ne serait pas en possession de la pierre. Heureusement pour elle, ces sorts s'étaient affaiblis au cours des millénaires sinon elle n'aurait même pas pu entrer. Grâce à ses talents de chasseresse, elle avait repéré le chemin parcouru par ses proies. Elle savait qu'elle les rattrapait. Elle serait bientôt à leur contact. Elle avançait sans bruit, ils ne l'entendraient que lorsqu'elle leur sauterait dessus pour prendre possession de la pierre philosophale. Elle apercevait parfois au détour d'un corridor la lueur de la torche.

Soudain elle entendit un cri de surprise et de joie. Ils étaient là, devant elle, à quelques mètres. Elles les entendaient parler.

— Nous sommes dans un cul-de-sac ! Dit une voix masculine.

— Regarde sur le mur, on dirait une chouette ! Approche la pierre, elle me semble commencer à luire.

Elle s'approcha sans bruit et les vit.

Luc remarqua un trou au niveau d'un œil. Il présenta la pierre qui s'y ajusta parfaitement et la luminosité augmenta.

Au même instant, Keireen sauta dans la pièce. Elle fut aveuglée tout comme les jeunes gens par une puissante lueur bleue. Une forme se matérialisa au centre du halo. Une femme en toge blanche, une lance à la main et un casque sur la tête se mit entre les amants et la guerrière.

— Toi ! Tu es revenue !

— Oui Sophia… et cette fois-ci, tu ne me feras pas fuir.

Ils regardèrent alors les deux femmes immobiles qui se faisaient face, n'en croyant ni leurs yeux ni leurs oreilles. Qui pouvaient être ces deux femmes qui semblaient tout droit sorties d'un vieux péplum ?

Elle les regarda quelques instants et leur cria.

— Franchissez ce portail, je vais la retenir ici. N'ayez pas peur, vous serez en sécurité de l'autre côté.

Trop effrayés par la rage qui émanait du visage de la guerrière, ils se jetèrent dans la lumière et disparurent aussitôt.

Hurlant de rage, Keireen se jeta sur sa rivale qui cherchait à l'empêcher de franchir le passage. Aussitôt la blonde parât l'assaut avec sa lance et le duel s'engagea. La brune cherchait à faire reculer son adversaire du halo bleu qui marquait le point d'entrée de ce lieu dans lequel Jane et Luc venaient de se réfugier.

 

Hébétés, ils mirent quelques secondes à se remettre. Ils avaient l'impression que leur estomac s'était retourné dans leur ventre.

— Où sommes-nous ? questionna Jane.

— Je l'ignore… Mais ce que je peux dire, c'est que nous ne sommes plus dans les grottes.

Ils étaient entourés d'une colonnade de marbre blanc dans une sorte de temple rectangulaire.

— Je vous attendais, leur dit une voix provenant du fond de l'immense salle. Approchez !

Lentement ils se dirigèrent en direction de la voix. Une porte majestueuse s'ouvrait devant eux. Ils en franchirent le seuil et découvrirent un ensemble de rayonnage à perte de vue dont les étagères étaient recouvertes de papyrus, parchemins, livres.

— Avancez !

À mesure de leur progression, ils découvraient des documents et des objets que tout le monde croyait disparus. Les écrits étaient classés par auteurs du plus ancien au plus récent.

— Regarde ! Des rouleaux d'Homère, d'Épicure…

— Et là… Saint Paul !

Tout en continuant de s'extasier sur le contenu de ce temple, il avançait. Les papyrus laissaient la place aux parchemins puis aux livres.

— Shakespeare, Cervantes, Goethe, Dante, Dostoïevski… C'est incroyable, ils y sont tous !

— Mais comment se fait-il que je comprenne les étiquettes ?

— C'est une encre psycho-réactive ! répondit la voix en provenance du fond de la salle. Chacun les lit écrit dans sa propre langue. D'ailleurs ! Ne les voyez-vous pas écrits à la fois en français, anglais et afrikaans ?

— Si ! C'est vrai ! remarqua Jane. Je n'avais pas fait attention. Mais comment connaissez-vous mon prénom ?

— Je l'ai su dès que vous avez ouvert ce coffre et touché la pierre. Je vous suis depuis ce moment-là, et j'avais compris que vous arriveriez jusqu'ici. Mais je ne m'attendais pas à ce que vous soyez suivis par cette créature.

— Où sommes-nous et qui êtes-vous ?

— Vous êtes aux sources de la sagesse comme vous l'avez lu sur le texte du parchemin, et moi j'en suis la gardienne ou la déesse si vous préférez…

Ils virent alors apparaître devant eux une grande femme vêtue d'une toge, portant un bouclier avec une chouette, un casque et une lance à la main.

— Athéna ? déclara Luc ébahi. Tout aussi stupéfaite, Jane osa une question.

— Mais la pierre n'est-elle pas la pierre philosophale que recherchent tous les alchimistes ?

— Si bien sûr, mais l'immortalité ne s'acquiert-elle pas par le savoir et la sagesse ? Tous les écrits réunis ici, n'ont-ils pas rendu ces hommes immortels ?

— D'une certaine manière, vous avez raison…

— Ne restons pas là, je ne suis pas sûre que Sophia réussisse à retenir Keireen encore longtemps. Je vais devoir user de ma puissance pour condamner cette entrée. Allez dans la pièce suivante et quoiqu'il se passe où que vous entendiez, surtout n'en sortez pas et attendez mon retour.

— Qui est cette Keireen qui nous a attaqués ?

— Chaque chose en son temps ! Faites ce que je vous dis ! Allez !

Impressionnés par la puissance de la voix de la déesse, ils se dépêchèrent de changer de pièce et une lourde porte métallique se referma derrière eux. Ils étaient seuls dans une autre salle qui semblait tout aussi immense que la première, mais ce n'étaient plus des œuvres littéraires qui les entouraient, mais des objets.

Ils sursautèrent lorsqu'un puissant grondement de tonnerre retentit de l'autre côté de la porte qui se mit à rougir puis à briller. Ils tremblaient sans oser bouger, puis au bout de quelques minutes tout redevint silencieux et la porte reprit sa couleur grise naturelle. Ils étaient de nouveau dans le silence, du plafond émanait une douce lumière qui leur permettait de découvrir les divers artéfacts qui les entouraient. Ici des silex préhistoriques, là un char égyptien, un peu plus loin une yourte mongole des steppes, des objets du monde entier et de toutes les époques les entouraient. Lorsque qu'Athéna les rejoignit, ils étaient en admiration devant le trident de Poséidon qui faisait face au marteau de Thor.

— Eh oui ! Ces objets et ces dieux ont vraiment existé ! leur dit la déesse Athéna. Ils étaient aussi réels que je le suis devant vous.

— Et que sont-ils devenus ?

— C'est une longue histoire, mais ce n'est pas à moi de vous le dire. Je suis la gardienne de la sagesse, c'est à vous d'en trouver la voie comme Bouddha le fit en son temps et d'autres le feront après vous.

Jane regardait autour d'elle et naïvement posa une question.

— Je ne vois ni les tables des dix commandements, ni l'Arche d'Alliance, et encore moins le Graal…

Le rire de la déesse résonna alors dans l'immense salle.

— Ma petite ! Ces artéfacts dont tu parles, ils n'ont jamais existé tels que vous les imaginez… ce dieu fut imaginé par des hommes il y a longtemps, mais il n'a jamais eu d'existence réelle.

Abasourdis Luc et Jane n'en croyait pas leurs oreilles. Les mots qu'ils venaient d'entendre les laissaient muets.

— Comment cela ?

— C'est une longue histoire. Pour le moment, sachez que certaines personnes ont des capacités particulières et sont invitées à prendre des décisions qui influent sur le destin de l'Humanité. Une petite action a parfois de grandes conséquences !

— Le battement d'aile du papillon… dit Jane.

— C'est à peu près cela, oui ! Moïse et Jésus ont réellement existé, ils étaient de ces hommes particuliers. Moïse a pris une décision qui a entraîné tout son peuple derrière lui. Ensuite Jésus a complété ce choix. Cela a eu les conséquences que vous connaissez, mais cela a peut-être empêché un destin plus funeste aux hommes. Ils ont imaginé ce Dieu unique pour être écoutés dans le monde dans lequel ils vivaient, mais l'histoire de l'Exode n'a jamais eu lieu…

— Le jeune couple ne perdait pas une parole de ce que leur racontait cette femme si étrange.

Ensuite, l'histoire a été enjolivée et si les dix commandements ont bien été rédigés, ils le furent dans les rouleaux de la Bible, mais ils n'ont pas été gravés sur des pierres par un dieu.

— Et pour le Graal ?

— Les conteurs médiévaux avaient beaucoup d'imagination ! leur lança-t-elle en partant d'un rire tonitruant. Vous avez toujours aimé les histoires fantastiques. Regardez ! Maintenant vous imaginez des histoires dans l'espace…

— Oui ! C'est vrai !

Alors qu'ils parlaient, elle les avait conduits dans une autre pièce où une table recouverte de divers mets était dressée.

—Restaurez-vous avant que je vous reconduise dans votre monde ! 

jeudi 1 avril 2021

Eruptions -05- La Guerrière

  

À des centaines de kilomètres de là, dans un vieux manoir isolé sur les hauteurs d'une cité balnéaire, un vieil homme attendait dans son fauteuil devant sa cheminée allumée, mais qui ne le réchauffait plus depuis longtemps. Il tourna la tête vers la porte quand il entendit les pas de la gouvernante sur le parquet.

— Maître ! Asterias est là !

— Dites-lui d'entrer Myriam, et veuillez nous laisser, je vous prie.

La jeune femme invita la chose qui se présentait devant elle à pénétrer dans le salon. Depuis quelques années qu'elle était au service de cet homme sans âge, elle ne s'étonnait plus de rien, ni de la nature des invités, ni de ce qui se passait dans ce manoir.

— Maître ! J'ai le coffret !

L'homme esquissa un sourire en voyant s'approcher un être humanoïde recouvert d'une fourrure d'un brun orangé avec une queue comme celle des chats.

— As-tu la pierre avec ?

— Il y a eu un problème Maître… Un jeune couple a découvert le coffre avant moi. J'ai pu le récupérer ainsi que ce qu'il contenait, mais je pense qu'ils se doutent de quelques choses.

— Pourquoi ne m'as-tu pas prévenu plus tôt ? Sais-tu ce qu'ils ont découvert ? Hurla-t-il à destination de son serviteur.

— Excusez- moi Maître, j'ai pensé que récupérer le coffret primait sur toute autre considération.

— Tu as eu raison ! Apporte-moi cet objet.

Effrayé, Asterias déposa humblement le coffre de bois sur la table basse qui se trouvait entre le Maître et la cheminée. Il recula ensuite en attendant d'être congédié. En se levant avec une souplesse inattendue de la part d'un homme de son âge, il se pencha et ouvrit le coffre, objet de son désir. Soudain il rugit et pointa son doigt en direction de l'homme-chat.

— Ce n'est pas la pierre ! Imbécile ! Retourne d'où tu viens et ne remets plus jamais les pieds ici !

En hurlant, la pauvre créature enveloppée de flammèches bleuâtres se débattit et disparut de la pièce.

En déroulant le parchemin avec précaution, il commença à lire. Aussitôt ses yeux s'illuminèrent.

— Enfin, je te tiens ! Pensa-t-il.

Il murmura alors une invocation et une femme à la peau pâle et aux longs cheveux bruns apparut nue devant lui.

— Que désirez-vous Maître ?

— Keireen, je désire que tu te rendes le plus rapidement possible dans ces grottes. Méfie-toi, tu seras sûrement précédée par des humains. Peu importe ce qui leur arrivera. Je veux que tu leur reprennes la pierre philosophale et ensuite laisse-la te guider jusqu'aux sources de la sagesse.

— Oui Maître ! Mais comment puis-je aller là-bas rapidement ? C'est à des lieues de votre domaine.

— Cela fait bien longtemps que tu n'es pas revenue dans ce monde, Keireen. Les humains ont fait d'énormes progrès dans leurs déplacements et ils peuvent aller n'importe où en moins d'une journée.

La femme le regarda, étonnée.

— Approche je vais te montrer.

Elle s'approcha et baissa la tête. Il posa ses mains sur la chevelure de et elle frissonna.

— Oui Maître ! J'ai compris. Je sais comment rejoindre ce lieu.

— Va te vêtir convenablement et pars le plus vite possible ! Prends ce pendentif qui me permettra de conserver un lien avec toi.

Elle passa le pendentif retenu par une lanière de cuir autour de son cou et sortit de la pièce. Myriam la conduisit dans une chambre du manoir où elle put choisir une tenue adaptée à sa mission. Avant de partir, elle revint saluer le Maître et franchit à pied les grilles du manoir pour se diriger vers la gare.

Au contact des personnes qu'elle croisait, elle apprit et comprit rapidement comment le monde avait évolué et toutes les modifications qu'il avait subies depuis sa dernière visite. Les hommes n'étaient presque plus reliés à la nature et seules quelques rares personnes frémissaient en croisant son regard. C'étaient celles qui sans le savoir la reconnaissaient pour ce qu'elle était : "la Guerrière Vengeresse".

Dans le train qui la menait vers Paris, qui s'appelait encore Lutèce lors de sa dernière venue, elle lisait divers revues et journaux qu'elle avait achetés avant le départ. Elle se put se rendre compte de l'ensemble des changements. Les hommes étaient bien plus puissants qu'ils n'étaient autrefois et même si leur esprit était toujours aussi limité, leur savoir et leur science commençaient à leur permettre de découvrir les secrets de l'univers. Elle sourit en se rendant compte par ses lectures que la plupart des hommes refusaient de croire en l'existence du monde magique, et même ceux qui y croyaient avaient oublié la réalité des entités surréelles. Ces religions monothéistes qui s'étaient imposées en étaient peut-être la cause ou alors leur trop grande confiance en leur science.

Elle passa une nuit dans cette ville immense et, de nouveau, elle comprit la rupture totale entre les hommes et la nature. Elle fit un détour par les arènes et effleura du bout des doigts les pierres où elle s'était assise lors de leurs inaugurations quelques millénaires auparavant.

Comme le lui avait dit le Maître, il lui fallut à peine plus d'une journée pour arriver aux grottes. Elle dut utiliser son pouvoir de persuasion pour louer un véhicule afin de finir son voyage. Elle se souvenait de ces lieux où elle s'était battue aux côtés des guerriers gaulois et où ils avaient vaincu ensemble les légions romaines. Retrouvant son instinct de guerrière et de chasseresse, elle abandonna sa voiture à quelques kilomètres de son but. En pénétrant dans les sous-bois, elle fut de nouveau liée avec le monde et mit tous ses sens au service de sa quête. Elle ne tarda pas à entendre et trouver la trace des deux jeunes amants. Le passage ouvert à la machette par Luc lui facilitait les choses. Elle s'arrêta devant l'entrée de la caverne et se mit à trembler.

— Le Maître ne m'a pas tout révélé, pensa-t-elle en colère et effrayée. Ces lieux sont sacrés et protégés par une magie puissante. Je ne pourrais jamais récupérer la pierre et franchir le portail.

dimanche 7 mars 2021

Eruptions -04- La Grotte

 

Après un petit-déjeuner copieux, ils descendirent les petits sentiers à travers bois que Luc avait si souvent parcourus pendant son enfance. Ils restaient attentifs aux bruits qui les entouraient. La forêt était silencieuse en ce début d'hiver et le moindre craquement de bois s'entendait de loin. Ils étaient rassurés, car ils semblaient seuls mis à part le ronronnement du moteur du tracteur qui traversait les champs sur le versant opposé.

— Encore un tournant et nous arriverons à la première grotte.

Ils durent se frayer un passage au milieu de ronces qui avaient poussé en travers du sentier. Habitué à ces escapades, Luc avait pensé à prendre en plus d'une bonne lampe torche et de son inséparable boussole, une petite machette.

— Ce qui est rassurant, c'est que si tu dois dégager le sentier, c'est que personne n'est passé par là avant nous.

— Oui apparemment ! Avec mes cousins, nous avons dû être les derniers à passer ici…

De longues minutes plus tard, ils furent devant l'entrée d'une caverne. Luc était essoufflé par les efforts qu'il avait faits pour dégager des tiges parfois aussi grosses que son poignet.

— Ce n'est pas une grotte naturelle ?

— Non ! D’après des archéologues qui sont venus il y a des années, ce sont des sortes de carrières, mais personnes ne sait ni par qui ni quand elles ont été creusées.

— Et elles sont profondes ?

— Personne ne le sait exactement. Certaines légendes racontent que ces entrées permettent d'atteindre le château de Murol voire même que les souterrains traverseraient toute la région pour atteindre le château de Ventadour.

— Je ne connais pas…

Au moyen-âge, la cour des vicomtes de Ventadour était réputée pour être l'une des cours les plus raffinées du royaume voire même d'Europe, tous les érudits s'y rencontraient.

— Et Murol ?

— C'est une forteresse du Moyen-Age, je t'y emmènerai avant de rentrer.

— OK ! Entrons alors ! Voyons ce que nous réservent ces grottes.

Eruptions -03- La Ferme

 

Quelques jours plus tard, les deux amants roulaient en direction de Clermont-Ferrand. Jane venait de reprendre le volant après une pause. Luc regardait sur sa tablette divers documents qu'il avait téléchargés pour préparer leur expédition. Depuis les évènements de la nuit où ils avaient ouvert le coffret, ils n'avaient plus recroisé l'inconnu à l'imperméable.

Que regardes-tu ? demanda Jane ?

— Je cherche les endroits où il peut y avoir des grottes autour de Clermont-Ferrand.

— Pourquoi penses-tu que c'est par là ?

— Le lieu où César fut vaincu, c'est Gergovie.

— Oui ça tout le monde le sait, mais pour les lacs et les châteaux, il y en a des dizaines dans cette région.

— Je pense que mon oncle pourra nous en dire plus, il a toujours vécu ici.

Il se replongea dans sa lecture et passait de page en page en notant sur un petit carnet les éventuels sites intéressants. Jane restait attentive sur sa conduite, car le crachin qui tombait depuis leur départ de Paris se transformait peu à peu en neige fondue.

— J'espère qu'il n'habite pas trop loin de l'autoroute !

— Non, il est à Saint Nectaire. Normalement les routes sont toujours dégagées, et ensuite il devrait faire beau.

— On verra bien…

Lorsqu'ils arrivèrent dans la cour de la ferme, l'oncle et la tante de Luc les accueillirent chaleureusement. Ils se mirent à table après qu'ils eurent déposé leurs affaires dans la chambre spécialement préparée pour eux.

— Depuis le temps que tu n'étais pas venu, tu as bien changé !

— J'avais quinze ans, la dernière fois ! Tante Claire.

— Et quand comptais-tu nous présenter ton amie ? Elle n'est pas auvergnate ! dit l'oncle Joseph avec un clin d'œil.

— Non ! Reprit Luc alors que Jane rougissait en baissant la tête. Mais presque, ces ancêtres sont cévenols et ont fui la France pour s'installer en Afrique du Sud lors des dragonnades sous Louis XIV.

— Oui ! Je suis un peu française malgré tout ! Dit-elle en ajoutant, mes parents possèdent aussi une ferme dans la province du Cap.

— Bienvenue dans la famille ! déclara Tante Claire en ouvrant les bras.

— Qu'est-ce qui vous amène ici ? Tu as été très mystérieux dans ton message au téléphone.

Luc commença à raconter son histoire et plus il avançait, plus le visage de son oncle s'assombrissait.

Tu es sûr que tu as bien traduit ? Car je ne vois pas de grottes entre le château de Murol et le lac Pavin.

— Ce sont peut-être d'autres lieux ?

— Montre-moi ce texte et cette pierre.

Jane sortit la pierre d'un petit sac pendant que Luc allumait son ordinateur.

Tante Claire prit la pierre entre ses mains et la regarda attentivement.

— Ce n'est pas une pierre de la région, ici on n'a que de la roche volcanique or celle-ci ressemblerait plus à une pierre de la plaine que de la montagne. De plus elle semble avoir été polie par les eaux.

— Et si au lieu de traduire tel que tu l'as fait, tu écris : "Le profond lac, le château, au fond de la grotte entre, la porte de l'éternelle jeunesse ouvrira."

— Vous avez appris le latin ? demanda Jane surprise.

— Ma chère petite, avant de reprendre la ferme de mon grand-père, j'étais agrégé de lettres classiques, mais je préfère la compagnie des vaches à celles des élèves… Au moins elles, elles me rendent bien les efforts que je fais pour elles…

Mais alors la grotte pourrait être les grottes qui se trouvent en dessous de la ferme.

— Pas impossible ! Oui ! Je ne me suis jamais aventuré au fond de ces grottes qui sont plus des anciennes mines que des grottes naturelles, et du peu que j'ai pu en explorer jeune, je ne me souviens pas avoir vu de porte.

— Je vois d'où tu tiens ton goût des explorations souterraines ! s'exclama Jane.

— C'est de famille ! Oui je crois ! Et tous partirent d'un grand éclat de rire.

— Ce qui m'intrigue c'est ce mystérieux cambrioleur. Méfiez-vous, car il est peut-être déjà dans la région.

— Je n'ai vu personne nous suivre et la route pour arriver ici est assez peu fréquentée.

— Oui ! Tu as raison, mais j'ouvrirai les yeux demain quand j'irai aux champs et je connais bien les recoins du secteur.

— Et si nous passions à table, l'aligot est chaud, ordonna Tante Claire en apportant le plat fumant sur la table déjà couverte de charcuterie.

Alors qu'ils profitaient des mets préparés par sa tante, Luc racontait sa rencontre avec Jane. Il relatait les nombreuses années pendant lesquelles il ne les avait pas vus. Il racontait son séjour en Afrique du Sud où il avait fini ses études et où avait commencé son histoire d'amour. C'était Jane qui l'avait poussé à revenir en France, car elle lui avait soutenu que Paris était la ville idéale pour faire connaître ses créations. Il avait eu du mal à s'adapter à la vie parisienne, mais il se plaisait dans son travail et Jane avait réussi à ouvrir une petite boutique où les touristes et les autres venaient acheter ce qu'elle fabriquait. Il la regardait fièrement en disant ces mots. Jane l'écoutait souriante.

— Et pour un bébé ? Vous y avez pensé ? S'exclama Tante Claire.

— Laisse-les vivre un peu ! Rétorqua l'oncle Robert Ta tante rêve de pouponner de nouveau des petits neveux…

Luc sourit, il savait que le couple n'avait jamais pu avoir d'enfants et qu'ils avaient toujours accueilli leurs neveux et nièces avec plaisir et amour.

— On y pense, on y pense, mais on veut être sûr de pouvoir bien s'occuper de lui… dit Jane, en souriant à Tante Claire.

— Je vous comprends, lui répondit celle-ci en lui caressant la joue.

Le repas terminé, ils se retrouvèrent seuls dans une chambre de cette grande maison. Ils entendaient les vaches mugir dans l'étable pendant que le vieil homme faisait une dernière tournée d'inspection de ses bêtes.

— Qui va reprendre la ferme après eux ? demanda Jane.

— Je ne sais pas exactement, mais je crois qu'une de mes cousines en a très envie, elle vient régulièrement les aider et finit ses études pour cela… En tout cas, tu as séduit ma tante.

— Oui, je crois qu'elle m'aime bien.

— Demain, je t'emmène découvrir les grottes qui se trouvent en dessous de la ferme… Ça va être sportif !

— Même pas peur…

Ils rirent de concert et ils se couchèrent en rêvant à ce qu'ils allaient peut-être découvrir.