mercredi 30 décembre 2020

Le Manoir aux Fleurs -13- L'Invocation

 

Elle se prépara alors selon les directives du professeur et après avoir pris une douche, elle enfila cette robe longue mais très légère, ainsi que les chaussures assorties et se rendit dans la salle d’honneur du manoir.

— Je vous présente Viviane Soubleyrans qui sera la star de notre soirée !

— Viviane rougit devant les regards qui la déshabillaient.

— Monsieur le comte, cette jeune personne est divinement belle, elle semble sortir d’un conte de fée.

— Vous ne croyez pas si bien dire, mais je vous propose de nous restaurer avant de nous rendre dans un endroit un peu particulier pour finir la soirée.

— Avec plaisir !

— Viviane, je vous présente un vieil ami ! Monsieur le baron de Montparcy, qui comme vous avez pu le constater est un amateur de jolies femmes, et son associé Diokel qui nous tiendront compagnie pendant ce repas et pendant la soirée.

— Merci de m’inviter, Monsieur le Comte, c’est un honneur pour moi.

Viviane fut invitée à s'asseoir à la droite du comte et en face de Marie, tandis que le baron s’installait à sa droite et Sékou à la droite de son amie. Elle prit peur en remarquant la pâleur de Marie qui portait une robe similaire à la sienne mais bleue.

Pendant le repas, les discussions portèrent sur des sujets historiques et philosophiques qui dévoilèrent à Viviane l’étendue du savoir du comte et de son invité.

— Il est temps de nous rendre sur le lieu de la soirée. Mon cher ami, je vous ai conviés pour participer à un antique rituel au cours duquel magie et érotisme se mêleront intimement. Je sais que vous êtes féru d'ésotérisme, mais je vous demanderai de ne pas être effrayé par ce que vous verrez se produire.

— Ne vous inquiétez pas, j’ai l’habitude de voir des choses peu ordinaires. J'organise moi-même des soirées très particulières chez moi.

Avant de partir, ils furent rejoints par Léonard et son épouse et Satiricon approcha, accompagné des deux jeunes servantes. Ils montèrent dans les berlines du comte qui se rendirent en convoi au couvent des pandorines.

Pour la première fois depuis des années la grande porte cochère du monastère s’ouvrit pour laisser entrer ces trois luxueuses berlines aux vitres teintées. Les voisins n'eurent pas le temps de regarder l’intérieur de la cour du couvent que les portes se refermèrent sur les mystérieux visiteurs.

La supérieure accueillit ses hôtes devant la porte de la chapelle dans laquelle les sœurs psalmodiaient.

— Soyez les bienvenus…

Elle regarda les motifs brodés sur les tenues portées par le petit groupe. Seul Satiricon n’en portait pas. La religieuse le regarda troublée et sembla soulagée quand il changea d’aspect, ses contours devinrent flous et une créature bleutée émergea du brouillard qui venait de se former autour de Satiricon.

Les deux invités de Van Dyck sursautèrent en découvrant le démon mais fidèle à leur promesse ils ne dirent rien.

Van Dyck et la prêtresse entrèrent les premiers dans la chapelle. Ils encadraient Viviane suivis par les autres couples, Satiricon et Marie fermant la procession.

Les religieuses, une petite vingtaine de femmes de tous âges et de toutes origines les saluèrent à leur entrée. Pour la première fois depuis la consécration de ce sanctuaire, des hommes étaient invités à y pénétrer.

La nuit venait de tomber sur la ville. Un léger vent tiède pour la saison faisait trembler les feuilles orangées sur les arbres. On pouvait entendre les feulements de chats se répondant de toits en toits. Les chiens poussaient des aboiements inquiets dans les jardins. Les personnes sensibles ressentirent un malaise leur parcourir la colonne vertébrale. Des femmes eurent envies de faire l’amour de manière incontrôlable.

Dans la chapelle, les sœurs suivirent la procession qui arrivait au centre du pentagone central. La grande prêtresse et le comte installèrent Viviane au centre de la figure géométrique dessinée sur le sol. Les hommes prirent place aux cinq coins du tracé leurs regards tournés vers Viviane, tandis que les femmes s'intercalèrent entre eux, regardant aussi la jeune femme au centre du cercle ainsi formé.

Les sœurs entamèrent une nouvelle mélopée et l’une d’elle alluma un brasero contenant des fleurs de pandora dont la fumée se répandit dans tout le sanctuaire et enveloppa les participants.

Le cérémonial pouvait commencer. Viviane frissonnait de froid et d’inquiétude, le baron était mélangé entre trouble et curiosité. Certes il savait que son ami cachait de nombreux mystères mais il ne s’était pas attendu à se trouver en présence d’une créature surnaturelle, Leonard et Diokel se souvenaient des rites ancestraux pratiqués dans leurs pays d’origine. Satiricon jubilait à l’idée de voir son maître traverser le voile et s’installer dans ce monde, il pourrait s’affranchir de la tutelle de cet humain qui le contrôlait. La prêtresse pensait qu’elle allait enfin voir la déesse qu’elle honorait depuis des siècles

Le professeur entama l’invocation, l’air sembla trembler autour de Viviane qui ne bougeait plus. Des sœurs apportèrent de petits encensoirs fumants de poudre séchée de pandora auprès de chacun des hommes qui reprenaient les paroles du comte tandis que les femmes restaient immobiles devant eux. Sur un signe de Van Dyck, deux religieuses s’approchèrent de Viviane et lui retirèrent sa robe. Sa nudité resplendissait au milieu de la chapelle.

La tonalité du chant changea et ce fut un air grave et lugubre qui se fit entendre. Par trois fois, le comte appela le Grand Maître dans une langue oubliée de tous puis le silence se fit.

Personne ne bougeait, l’invocation avait-elle réussie ? Le comte savait qu’il lui manquait un élément qui lui aurait facilité la tâche et surtout permis d'être sûr de maîtriser la créature qu’il avait appelée. Il savait aussi que c’était le jour idéal pour faire ce cérémonial, la nuit où les voiles entre les mondes sont les plus fins. La pierre ne lui serait indispensable que lorsque le bébé conçu par le Grand Maître dans le sein de Viviane naîtrait. Pour cette nuit, il n’avait besoin que d’une apparition temporaire de ce démon pour qu’il dépose sa semence démoniaque dans le ventre de la régénératrice.

Alors qu’il pensait avoir échoué, il aperçut la vibration de l’air devenir plus forte, le parfum de la pandora se fit presque étouffant. Viviane fut entourée d’une lueur bleutée. Elle tremblait. Une voix se fit entendre.

— Qui m’appelle ?

— Le comte Wilhelm Van Dyck, Appelé de la Dame, Possesseur de la pierre de la connaissance vous appelle Grand Maître du monde démoniaque.

— Que me voulez-vous ?

— Je vous présente la Régénératrice qui vous permettra de vous incarner dans ce monde. Insufflez-lui le souffle de votre vie et vous vivrez à jamais dans les deux mondes.

Le compte savait que le terme qu’il aurait dû utiliser était “régnerez” mais il se sentirait vraiment sûr de lui quand il serait en possession de la pierre.

Une créature mi féline mi humaine se matérialisa devant Viviane. La créature baissa le regard, la jeune femme ne pouvait plus bouger, le pouvoir hypnotique de ce démon était beaucoup plus fort que celui de Satiricon.

— Mon amant, je m’offre à toi pour que tu m’aimes et pour que tu me choisisses comme celle qui te portera dans ce monde.

Complètement sous l’emprise démoniaque, elle s’allongea sur le sol froid et ouvrit les cuisses. L’être qui venait d’apparaître se mit au-dessus d’elle et approcha son ventre du sien. Viviane tremblait de peur mais elle ne pouvait pas se soustraire à ce pouvoir qui la maîtrisait.

Les religieuses reprirent leur chant et le comte commença une nouvelle invocation.

Viviane ferma les yeux quand elle sentit le monstre contre son corps. Elle retint son inspiration en sachant ce qui allait suivre.

Il allait entrer en elle quand soudain il se retira en hurlant.

Il prononçait des paroles incompréhensibles même pour le professeur, il foudroya alors du regard l’homme qui venait de l’appeler. Il projeta Viviane hors du pentagone et en une fraction de seconde, il en fit le tour. Il disparut dans un éclair bleu en emportant les femmes qui étaient sur le cercle.

Viviane sonnée mais consciente vit les autres participant allongés autour d’elle, Marie et les autres femmes du cercle intérieur avaient disparu. Les religieuses et les hommes étaient inconscients, et Satiricon ne savait plus quelle apparence prendre.

Elle alla ramasser sa robe pour se couvrir et sortit en titubant de la chapelle pour quitter le monastère où personne ne la retenait. Elle comprenait simplement que la cérémonie ne s’était pas passée comme prévue.

Cela faisait de longues minutes qu’elle était prostrée devant la petite porte du couvent qu’elle connaissait bien quand Gérald arriva avec sa voiture.

Au moment où ces évènements se déroulaient dans la chapelle, Gérald venait en partie de comprendre ce que voulait réaliser son ennemi. Il savait que ce soir était le soir le plus propice à la mise en place de ce rituel, mais il ne comprenait pas pourquoi il se risquait à le faire alors qu’il n’était pas en possession de tous les éléments. Il avait aussi compris que Viviane était une pièce maîtresse sans savoir exactement quel rôle elle devait jouer. Le comte avait réussi à mettre la main sur des documents clés et possédait ainsi des informations que Gérald ne pouvait reconstituer que par ce qu’il avait pu découvrir par ailleurs.

Aussi quand le pic de Taranis et un éclair bleu illuminèrent la ville et mirent en panne tous les systèmes électriques et électroniques des environs, il sut que le comte avait échoué et que Viviane était potentiellement en danger. Il ignorait que l’éruption du volcan était en lien avec des évènements qui se déroulaient à des centaines de kilomètres de là et avec le combat de Keireen pour tenter de récupérer la pierre philosophale.

Il se félicita d’avoir conservé cette vieille voiture de collection. Elle n’avait pas été impactée par l’onde de choc qui avait mis à mal toutes les voitures modernes à démarreur électronique et il se dirigea alors vers le couvent où il trouva Viviane.

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