dimanche 20 septembre 2020

Fantômes -02- Découvertes

              Un rayon de soleil pointait à travers une fente des persiennes et vint chatouiller le visage de Paul. Il se retourna en grimaçant dans son sommeil mais il finit par entrouvrir un œil.

Où suis-je ? se dit-il en se redressant sur le lit.

Il regarda autour de lui et viy sa compagne endormie. Il lui caressa les cheveux du revers de la main tout en douceur pour ne pas la réveiller. Puis il décida de se lever. Il ne souvenait de rien de bien précis après cette folle farandole dans la forêt. Des images de leur retour plus ou moins titubants et arrivés à la maison, ils étaient montés rapidement dans la chambre pour se dévêtir. La position des vêtements dans la pièce traduisait cette hâte. Il rougit en voyant où les sous-vêtements d'Elisabeth avaient atterri, mais il ne se souvenait vraiment de rien ensuite. Attrapant son jean et un polo, il descendit silencieusement à la cuisine.

— Il faut que je remonte à la source. Je dois comprendre ce qui s'est passé. De plus, ces inscriptions m'intriguent.

Il prit son téléphone et regarda les images prises la veille.

— Elles ne sont pas assez détaillées, il faut que je les fasse avec l'appareil photo. Laurence saura bien me dire de quoi il retourne.

Tout en réfléchissant aux implications de la présence de ces gravures sur cette pierre, il préparait le café et tout ce qu'il fallait pour Elisabeth lorsqu'elle se réveillerait.

Il prenait son café debout et prépara un petit sac à dos, sans oublier l'appareil photo.

Il laissa un petit mot à l'attention de son amie et attrapant le bâton de marche du vieil oncle, il se dirigea vers le sentier qui grimpait vers la source. Il appréciait cette balade matinale en respirant à pleins poumons les odeurs de la nature endormie qui s'éveillait doucement. Il était attentif au chant des oiseaux et aux stridulations des grillons qui se réveillaient grâce à la chaleur du soleil. Encore une chaude journée en perspective, pensa-t-il.

Connaissant les pièges du chemin, il observa plus attentivement les alentours en cherchant des indices de vestiges cachés. Son instinct l'avait rarement trompé et là, il se disait que la pierre ne pouvait pas être isolée. La végétation touffue de cette fin de printemps ne lui permettait pas de bien distinguer les variations du sol. Il faudrait presque ratisser cette forêt centimètre par centimètre pour découvrir des indices qui ne semblaient pas avoir laissé de souvenirs dans la mémoire collective des habitants, à part cette légende liée à la source.

Il arriva enfin à la clairière et retrouva l'arbuste couvert de baies noires qu'ils avaient mangées juste avant de s'approcher de la source. Elisabeth lui avait dit qu'elles étaient délicieuses. Il se rendit compte que ce qu'ils avaient vécu la veille n'était pas un simple rêve. Ils étaient bien arrivés jusqu'ici et ils avaient piétiné le sol de nombreuses fois. Les herbes étaient couchées et formait un cercle autour de la pierre.

Il s'en approcha et s'agenouilla devant elle. Les inscriptions étaient bien là. En prenant ses précautions, il la dégagea bien de toute la végétation qui la recouvrait encore et alors qu'il arrachait une liane de lierre, un fragment se détacha Il le ramassa et le mit dans son sac. Il dégagea aussi sur quelques dizaines de centimètres autour en espérant découvrir quelques indices.

Cela lui prit quelques dizaines de minutes pendant lesquelles il était penché, accroupi sur le sol. Comme il sentait son dos endolori par la position, il se releva et regarda à nouveau la clairière autour de lui. Son regard fut accroché par un morceau de tissu rose fuchsia suspendu à un buisson. Il fut surpris car il ne lui semblait pas l'avoir vu en arrivant. Il s'en approcha et découvrit ébahi qu'il s’agissait du soutien-gorge qu’Elisabeth portait la veille. Il le ramassa en se demandant vraiment ce qui s'était passé car il n'en gardait aucun souvenir. Cela le travailla.

— Je poserai la question à Elizabeth, elle se souviendra peut- être mieux que moi.

Il mit ses pensées de côté pour prendre de nombreux clichés du site, sous tous les angles et avec le plus de détails possibles.

Regardant l'heure, il rangea alors le matériel et redescendit vers la bâtisse, Elisabeth devait être levée et l'attendre. Ils avaient prévu de commencer un rapide inventaire des lieux.

Sur le chemin du retour, il fut attentif à la nature autour de lui. Il remarqua une chose étrange, il avait beau entendre les oiseaux au loin, il n'en entendait aucun autour de lui. Comme s'ils se taisaient à son passage, il nota aussi des frémissements dans la végétation alors qu'aucun souffle d'air ne le caressait.

Il dut aussi reconnaître qu'il avait l'esprit préoccupé par la pierre et il se dit qu'il n'avait sûrement pas été attentif à tous ces menus détails.

Tout en marchant, il en profitait pour observer le paysage autour de lui, cherchant des indices qui indiqueraient la présence d'autres pierres, ce qui pourrait signaler la présence d'un ancien sanctuaire.

— Quand Laurence aura identifié avec certitude les glyphes sur la pierre nous en saurons plus. Je devrais revenir avec elle, pensa-t-il en redescendant le sentier.

En arrivant à la maison, il aperçut Elisabeth qui prenait son petit déjeuner. Elle s'était installée sur la terrasse pour profiter du soleil matinal. Elle lui fit un signe en le voyant approcher et se leva pour venir vers lui. Ils s'embrassèrent tendrement et main dans la main, ils s'installèrent à table où Paul reprit un café.

— Je suis remonté à la source et regarde ce que j'ai trouvé, dit-il en montrant le soutien-gorge à Elisabeth.

Elle le prit, étonnée, pensent : je ne comprends rien, je me suis réveillée ce matin, nue dans le lit. Avec des douleurs comme si j'avais couru un marathon.

Mais elle n'osa pas raconter ses rêves à son compagnon.

— Nous avons dû être victime d'une hallucination hier soir. Peut—être ces baies que nous avons grappillées en montant ?

— Je ne pense pas, même si elle ne pousse qu'ici, j'en mangeais enfant et dans mon souvenir, je n'ai jamais été prise d'hallucination après mais peut-être que fatigués nous étions plus sensibles. Et pris par le charme du site, nous nous sommes laissés aller. Ce qui est dommage c'est de ne plus s'en souvenir.

Elle lui sourit malicieusement en se caressant le ventre.

— Pas grave, cela nous reviendra ! lui répondit-il en la serrant tendrement contre lui et passant à l'autre sujet qui le préoccupait. Il enchaîna sur la pierre et la source.

— J'en ai profité pour prendre des photos du site, je vais les montrer à Laurence en rentrant, je suis sûr qu'elle saura nous dire l'origine de ce site. Et même si nous avons oublié ce que nous avons fait hier soir, l'herbe autour de la source est bien piétinée. Ce que je ne comprends c'est comment nous sommes rentrés et couchés. J'ai dormi comme une masse d'un sommeil sans rêve.

— Oui moi de même ! murmura Elisabeth en rosissant un peu.

— Il ne faut pas que nous traînions si nous voulons explorer la maison, le grenier est rempli de malle et je ne sais pas ce que renferme la cave.

— Oui ! J'imagine que ta tante a dû accumuler des souvenirs de ses voyages, c'était une vraie globe-trotter.

— Je sais qu'elle a parcouru le Népal dans sa jeunesse et ensuite qu'elle a fait de nombreux voyages dans les Andes, au Mexique et en Australie. Mais à part les quelques statuettes présentes dans le salon, je n'ai jamais vu grand-chose d'autre. Peut-être, le grenier nous livrera-t-il ses secrets ?

— Qui sait ?

Pendant qu'Elisabeth se rendait dans la salle de bain pour se doucher et enfiler une tenue pratique pour leurs explorations, Paul rangea le petit déjeuner tout en tentant de mettre de l'ordre dans sa tête.

Il lança à sa compagne.

— Au fait ! J'ai aussi pris des photos de l'arbuste et des baies, je regarderai ce que c'est à la maison.

— Janis et maman les appelaient les baies du diable. Elles m'interdisaient de les manger, mais je le faisais quand même en cachette. J'en mangeais une ou deux dans leur dos. Hier soir nous en avons peut-être dégusté un peu trop, répondit-elle depuis la salle de bain dont comme à son habitude elle avait laissé la porte ouverte.

En se douchant, elle remarqua que son dos et ses fesses étaient couverts de griffures laissées par de la végétation, comme celle qu'elle s'était faite sur les cuisses en montant à la source. Son rêve n'était peut-être pas totalement une hallucination mais pourquoi Paul n'en avait-t-il aucun souvenir. Songeuse, elle finit de se préparer et sortit de la salle de bain en short et tee-shirt. Elle montra ses griffures à Paul qui faisait la vaisselle. Il lui dit qu'elle avait dû faire une sacrée glissade dans les ronces en rentrant la veille au soir.

Elle alla prendre la clé du grenier qu'ils avaient laissée sur la commode du salon.

— Je suis prête !

— J'arrive, je finis la vaisselle, monte, je te rejoins !

Elisabeth, un peu nerveuse, ouvrit la porte du grenier et montait lentement les marches de bois qui grinçaient à chaque pas. Baigné dans la lumière des vasistas poussiéreux, l'endroit semblait magique. Elle était émerveillée.

Un nombre incroyable de malles jonchaient le sol, toutes aussi poussiéreuses que le vasistas, mais terriblement attrayantes par les secrets qu’elles pourraient renfermer. A la différence du reste de la maison, on voyait clairement que le grenier n'avait pas été visité depuis des années.

— Il faudra donner un bon de balai la prochaine fois que nous viendrons.

Elle souleva le dessus d’une des premières malles, près d’elle. Rien de particulier : des vêtements de toutes sortes et de tous pays, des breloques et des souvenirs. La dernière, la plus attrayante, était fermée par plusieurs dispositifs, un gros cadenas, une chaîne et ensuite un code.

Elisabeth passa sa main pour enlever la couche de poussière qui cachait le mécanisme de la malle. Elle cherchait fébrilement comment l’ouvrir. Elle se mit à quatre pattes pour mieux observer l’ouverture et sentit un frôlement contre ses fesses. Elle se retourna, surprise mais ne vit rien.

Le mécanisme était simple, il suffirait juste d’en trouver le code à quatre chiffres, mais comme elle ne le connaissait pas, elle décida d’en essayer quelques-uns avant de se dire qu'elle devrait le trouver dans les cahiers de sa tante. Puis, elle se souvint que sa tante avait eu énormément d’affection pour elle et tenta sa date de naissance et… Bingo ! C’est à ce moment que Paul la rejoignit.

— Regarde ! lui dit-elle toute excitée, je viens de découvrir la malle la plus importante.

Elle l’ouvrit le regard attisé par la curiosité de savoir ce qu’ils pourraient y découvrir.

La malle renfermait entre autre un grand nombre de cahiers dont les pages étaient recouvertes de la fine écriture de tante Janis. Et sous une couverture, ils trouvèrent divers objets insolites, voir mystiques. L’inventaire leur prit plus de temps qu’il n’y paraissait au premier abord et ils en oublièrent l’heure du repas. Mais leur estomac leur rappela qu’il fallait se nourrir pour pouvoir continuer. Ils allèrent déjeuner et le débat tourna autour des objets et des carnets. Ils firent un lien entre la source, la pierre et les voyages de Janis. Le déjeuner terminé, une trempette dans le ruisseau fut la bienvenue. Leurs ablutions ne purent qu’inévitablement tourner en câlins sur l’herbe.

Alors qu’ils se remettaient doucement, Elizabeth, la tête posée sur l’épaule de Paul, un frisson étrange les parcourut qui créa un amalgame étrange entre malaise et bien-être. Ils se rendirent aussi compte qu'il n'y avait plus de bruit autour d'eux et ils remarquèrent le frémissement des feuillages comme la veille lors de leur montée à la source.

De retour à la maison, ils commencèrent à préparer leur départ. Paul hésitait à emporter le bâton de marche pour mais il se dit sans réellement en connaître la raison qui l’y poussait, qu’il serait un appoint pour accompagner le déchiffrage des clichés.

Elizabeth quant à elle, embarqua son vieux doudou confectionné par sa tante. Ils décidèrent d’un commun accord de prendre les cahiers qui tiendraient dans une valise de cabine car elle comptait bien les compulser dans l’avion du retour. Impatiente, elle en lut un sur le chemin de l’aéroport.

Dans la voiture, Elizabeth éprouva à nouveau ce sentiment de "dérangement" dont elle ignorait l’origine, elle ressentait des choses étranges sans réellement les comprendre.

Pendant le vol, Paul qui avait transféré les photos sur sa tablette les regardait avec attention. Quant à Elisabeth, elle était plongée dans le déchiffrage de l’écriture fine et régulière de sa tante. Aussi, ils ne remarquèrent pas les regards intrigués et un peu gênés des hôtesses qui sursautaient à chaque passage à proximité du couple. Néanmoins, Elizabeth avait de nouveau des frissons qui la parcouraient à chaque frôlement qu’elle attribuait à la proximité de son ami. Elle le regardait avec insistance, intriguée par son flegme et sa concentration sur les clichés de la source et de la pierre.

Plongée dans sa lecture, elle constata que certains passages étaient écrits en latin, d’autres dans des langues inconnues ou d’origines incertaines et sur certaines pages, il y avait des sigles, des dessins et d'autres bizarreries qui la perturbaient un peu. Mais elle ne laissait pas transparaître son trouble. Elle venait de faire le rapprochement entre les objets découverts sous la couverture et ce qui était retranscrit dans les cahiers. Elle referma celui qu’elle tenait dans les mains et ferma les yeux. Des images dansaient dans son esprit un peu embrumé par tant de lecture. Elle réfléchissait au meilleur moyen d’optimiser son temps pendant son prochain voyage.

C’était décidé, elle ferait également des recherches sur son prochain lieu de travail, sur les origines de son aïeul, celte d'origine qui avait émigré dans la région suite à son opposition au régime anglais au début du vingtième siècle.

De retour chez eux, la première chose qu’elle fit en déballant ses affaires fut de sortir le vieux doudou et de le déposer sur la commode de leur chambre. A côté de lui, elle posa délicatement les précieux carnets dont elle avait compris l’importance de la teneur. Mais elle n'en avait pas encore vraiment le sens car sa tante, dans sa hâte d’écrire, avait mélangé toutes les informations.

Mais il était temps de se reposer pour repartir au travail le lendemain matin, Paul avait ramené de quoi manger sur le pouce vu l’heure tardive et, avant de se coucher, ils firent un petit point sur leur mésaventure à la source sans parvenir à trouver ce qui n'allait pas dans leurs souvenirs communs

Le lendemain matin, Paul arriva au bureau. Dans sa hâte de montrer à sa collègue Laurence, toutes les photos qu’il avait prises, il en avait oublié d’emporter la canne. Elle en connaissait un brin sur les écritures anciennes et ses symboles allaient la passionner.

— Je suis intriguée de voir ce genre de graphisme aussi loin dans le Sud-Ouest de la France, mais je te promets de m’y pencher.

— Tiens ! Lui dit-il en tendant sa main, voici un fragment de la pierre qui s'est décrochée quand je l'ai dégagée de la végétation.

— Elle a quelque chose de spécial, cette pierre ?

— Je ne sais pas, je l’ai prise à tout hasard et j’aimerais que tu regardes aussi, j’en ai un autre éclat à la maison.

Quand Laurence prit la roche dans la main, elle sursauta et regarda Paul surprise. Elle avait ressenti une sorte de choc électrique.

 

Pendant ce temps, Elizabeth, occupée par ses traductions, reçut un appel de sa mère, Natacha, la nièce de Janis.

— Oh maman, je suis contente de t’avoir au téléphone. Tu n’imagineras jamais ce qui nous est arrivé en allant chez tante Janis.

— Ma chérie, je te propose de déjeuner ce midi avec moi afin que tu me racontes tout cela, répondit-elle malicieusement.

A priori, elle ne fut pas aussi surprise qu’Elisabeth l’avait espéré. Ce qui la perturba encore plus, d’autant qu’elle avait encore ressenti ces frôlements contre ses fesses et le haut de son dos alors même que Paul était parti au travail.

Pendant qu’elle se préparait doucement à sortir, elle ressentit une nouvelle fois un profond malaise. Elle sentait une "présence" indéfinissable autour d'elle. Prenant peur, elle sortit avec précipitation en claquant la porte d’entrée, comme si elle fuyait quelqu’un… ou quelque chose.

Elle courut presque pour arriver au point de rendez-vous et arriva essoufflée. Pouvant à peine parler, elle baragouina quelques mots qui rendirent sa mère perplexe.

Dans sa hâte de lui narrer leur redécouverte de la maison familiale, elle mélangeait les mots, les phrases et les événements.

Natacha lui proposa de se calmer avant tout chose car même si elle avait deviné ce qu’il se passait, il fallait remettre les choses en ordre.

Après quelques instants et un petit apéro-maison, Elizabeth fut enfin en mesure de pouvoir s’exprimer dans un langage plus ou moins correct.

A l’écoute de son récit, Natacha devint de plus en plus blême, jusqu’à devenir d’une pâleur extrême.

— Vous n’avez touché à rien, j’espère ! Arriva-t-elle à exprimer avec beaucoup de difficulté.

— Non, je te rassure, nous avons laissé en place les grigris de Janis. J’ai juste emporté les cahiers que nous avons trouvés dans la malle fermée de plusieurs mécanismes.

— Vous avez bien fait de ne pas toucher aux grigris, il ne faut pas jouer avec le feu ! Dit-elle d’un air mystérieux, le regard soudain voilé mais visiblement soulagée.

Elizabeth, un peu décontenancée par les yeux et les propos énigmatiques de sa mère, décida de ne pas en dire plus pour l’instant. Elle se résolut à parler de tout autre chose en attendant d’en connaître plus à travers les cahiers et les objets Elle était bien décidée à retourner au plus vite dans cette maison pleine de mystères et de secrets.

— Bientôt l’été, s’exclama Elizabeth, je me réjouis de partir faire ces traductions en Irlande, je sens que je vais pouvoir profiter de ces instants privilégiés pour faire plus ample connaissance avec nos ancêtres.

— Comment cela ? Nous n'avons pas d'ancêtres irlandais, juste un écossais.

— Oui je sais, mais j'ai trouvé dans les cahiers de Janis des tas de notes qui parlaient de lui et d’autres personnages de notre lointaine famille également. Je compte bien faire un regroupement de tous ceux qui ont eu affaire de loin ou de près à la maison dans laquelle j’ai passé une grande partie de mon enfance et toi, Natacha, la plus grande partie de ton temps.

Natacha sourit et elle lui dit qu’elle risquait d’être surprise en lisant ces carnets. Sa tante avait souvent mélangé ses rêves et la réalité.

Le repas terminé, elles se baladèrent pour profiter des rayons du soleil de cette fin de printemps. En flânant de boutique en boutique, elles rentrèrent dans une échoppe de produits naturels. Natacha était très attachée à son bien-être et au respect de son corps, chose qu’elle avait réussi à transmettre à sa fille.

Elles firent quelques achats et au comptoir, le regard d'Elisabeth fut irrésistiblement attiré par une pile de cartes de visite au nom de Madame Rose, énergéticienne, rebouteuse et guérisseuse. Elle rangea sa carte-bleue dans son étui ainsi que la carte en se promettant de se renseigner sur cette personne qui se disait énergéticienne en rigolant intérieurement des gogos qui croyaient à ces fadaises. Elle en fit part à sa mère.

— Tu sais ! Ce n’est peut-être pas si farfelu que ça, lui fit-elle remarquer. Beaucoup de personnes sont convaincues de l’existence du surnaturel. Ne néglige jamais cette option de pensée.

— Ah bon ! Qu’est-ce qui te fait dire ça ?

— Tu le découvriras sûrement par toi-même, si tu t'intéresses à l'histoire familiale...

Elizabeth était de plus en plus intriguée par les propos de sa mère, mais celle-ci se tut et elle ne put pas en savoir davantage.

Pourquoi ne lui en avait-elle jamais parlé auparavant ? Elle savait plus de chose qu’elle ne le laissait croire. Elle devait en avoir le cœur net, pour cela elle devait terminer de parcourir, du moins survoler, les cahiers de Janis, se dit-elle en son fors intérieur. Natacha interrompit ses pensées :

— Regarde, nous sommes arrivées près du lieu de travail de Paul, on peut s’installer à une terrasse et boire un café en l’attendant.

— Oui ! Tiens ! Il ne va pas tarder à arriver justement.

Paul se dirigea vers le café en les apercevant à la terrasse. Ils discutèrent passionnément avec Laurence, sa collègue, de la signification des glyphes sur la pierre.

— J’ai mis Laurence au courant de tout ce que nous avons vu autour de la pierre et nous étions justement en train d’en discuter. Elle s’y connaît bien en écrits anciens… Laurence ! Tu connais déjà Elizabeth et voici Natacha, ma future belle-mère…

Ces mots firent sourire Natacha et rougir Elisabeth.

— Drôle de manière de faire sa demande en mariage, pensa-t-elle. Mais elle se leva pour enlacer son amoureux avec tendresse et passion.

Laurence était traversée par un sentiment de jalousie exacerbée. Elle qui n’éprouvait d’habitude pas de sentiments négatifs aussi fort, s'inquiétait de cette sensation et ne comprenait pas la raison de cette colère. Elle aurait dû se réjouir pour son collègue et ami.

Ils commandèrent une bière et Paul exposa son projet au sujet de la source. Natacha les écouta, attentive au moindre détail mais ne jugea pas utile d’intervenir dans la conversation pour l’instant. Captivée par les événements relatés, elle était surprise d’entendre parler de cette pierre et de ses inscriptions. Selon elle, la source jaillissait d’une souche pleine de lierre.

— Je veux fouiller de manière méthodique le site, Laurence veut bien m’y accompagner, on peut toujours compter sur ses connaissances approfondies.

— Oui, la pierre et ses inscriptions sont un grand mystère et les photos ne sont pas suffisamment bonnes pour pouvoir tout déchiffrer d’une traite, affirma Laurence véhémente.

Et puis, il y a cette source dont vous décrivez les effets et ça pour moi, c’est imparablement lié. Je pense également que les pierres font partie d’un ensemble qui forme un sanctuaire. Donc, il faut trouver les autres. Et Thibault qui vient de rejoindre notre équipe, se passionne pour les différents lieux magiques en France, c'est son sujet de thèse. Il a créé un algorithme d'analyse pour vois s'il pouvait mettre en évidence un lien entre ces lieux et les différentes légendes dans un cadre de l'évolution sociale de notre culture. C’est un geek, dès qu'il voit un site archéologique et des inscriptions, il fait mouliner ses machines.

— Bien ! dit Natacha, le terrain et sa maison appartiennent désormais à Elizabeth, c’est à elle de décider de ce que vous pouvez faire dessus.

— C’est une très bonne idée, ces fouilles, mais on ne peut pas attendre que je sois revenue de mon voyage pour les faire, j’aimerais bien être présente pour les découvertes...

— On peut peut-être attendre ton retour… commença Paul, mais de suite il fut interrompu par Laurence.

— Il est urgent de commencer les fouilles le plus tôt possible, car tu pourrais ainsi les présenter au congrès, à l’automne, sur le néolithique de l’Europe du Sud-Ouest.

— Oui ! Je trouve ça parfait, dit Elisabeth. Donc, vous partez avec Thibault sur le domaine pour des fouilles pendant que moi, je serai en Irlande. Je vous rejoindrai dès mon retour, directement là-bas.  Foncez ! Vous pourrez profiter au mieux de la maison, tous ensemble.

Laurence jubilait, elle arriverait à ses fins avec Paul, c’est clair. Elle ne comprenait pas pourquoi elle avait ses pensées.


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