Un rayon de soleil pointait à travers une fente des persiennes et vint chatouiller le visage de Paul. Il se retourna en grimaçant dans son sommeil mais il finit par entrouvrir un œil.
Où suis-je ? se dit-il en se
redressant sur le lit.
Il regarda autour de lui et viy sa
compagne endormie. Il lui caressa les cheveux du revers de la main tout en
douceur pour ne pas la réveiller. Puis il décida de se lever. Il ne souvenait
de rien de bien précis après cette folle farandole dans la forêt. Des images de
leur retour plus ou moins titubants et arrivés à la maison, ils étaient montés
rapidement dans la chambre pour se dévêtir. La position des vêtements dans la
pièce traduisait cette hâte. Il rougit en voyant où les sous-vêtements
d'Elisabeth avaient atterri, mais il ne se souvenait vraiment de rien ensuite.
Attrapant son jean et un polo, il descendit silencieusement à la cuisine.
— Il faut que je remonte à la source.
Je dois comprendre ce qui s'est passé. De plus, ces inscriptions m'intriguent.
Il prit son téléphone et regarda les
images prises la veille.
— Elles ne sont pas assez détaillées,
il faut que je les fasse avec l'appareil photo. Laurence saura bien me dire de
quoi il retourne.
Tout en réfléchissant aux implications
de la présence de ces gravures sur cette pierre, il préparait le café et tout
ce qu'il fallait pour Elisabeth lorsqu'elle se réveillerait.
Il prenait son café debout et prépara
un petit sac à dos, sans oublier l'appareil photo.
Il laissa un petit mot à l'attention
de son amie et attrapant le bâton de marche du vieil oncle, il se dirigea vers
le sentier qui grimpait vers la source. Il appréciait cette balade matinale en
respirant à pleins poumons les odeurs de la nature endormie qui s'éveillait
doucement. Il était attentif au chant des oiseaux et aux stridulations des
grillons qui se réveillaient grâce à la chaleur du soleil. Encore une chaude
journée en perspective, pensa-t-il.
Connaissant les pièges du chemin, il
observa plus attentivement les alentours en cherchant des indices de vestiges cachés.
Son instinct l'avait rarement trompé et là, il se disait que la pierre ne
pouvait pas être isolée. La végétation touffue de cette fin de printemps ne lui
permettait pas de bien distinguer les variations du sol. Il faudrait presque
ratisser cette forêt centimètre par centimètre pour découvrir des indices qui
ne semblaient pas avoir laissé de souvenirs dans la mémoire collective des
habitants, à part cette légende liée à la source.
Il arriva enfin à la clairière et
retrouva l'arbuste couvert de baies noires qu'ils avaient mangées juste avant
de s'approcher de la source. Elisabeth lui avait dit qu'elles étaient
délicieuses. Il se rendit compte que ce qu'ils avaient vécu la veille n'était
pas un simple rêve. Ils étaient bien arrivés jusqu'ici et ils avaient piétiné
le sol de nombreuses fois. Les herbes étaient couchées et formait un cercle
autour de la pierre.
Il s'en approcha et s'agenouilla
devant elle. Les inscriptions étaient bien là. En prenant ses précautions, il
la dégagea bien de toute la végétation qui la recouvrait encore et alors qu'il
arrachait une liane de lierre, un fragment se détacha Il le ramassa et le mit
dans son sac. Il dégagea aussi sur quelques dizaines de centimètres autour en
espérant découvrir quelques indices.
Cela lui prit quelques dizaines de
minutes pendant lesquelles il était penché, accroupi sur le sol. Comme il
sentait son dos endolori par la position, il se releva et regarda à nouveau la
clairière autour de lui. Son regard fut accroché par un morceau de tissu rose
fuchsia suspendu à un buisson. Il fut surpris car il ne lui semblait pas
l'avoir vu en arrivant. Il s'en approcha et découvrit ébahi qu'il s’agissait du
soutien-gorge qu’Elisabeth portait la veille. Il le ramassa en se demandant
vraiment ce qui s'était passé car il n'en gardait aucun souvenir. Cela le
travailla.
— Je poserai la question à Elizabeth,
elle se souviendra peut- être mieux que moi.
Il mit ses pensées de côté pour
prendre de nombreux clichés du site, sous tous les angles et avec le plus de
détails possibles.
Regardant l'heure, il rangea alors le
matériel et redescendit vers la bâtisse, Elisabeth devait être levée et l'attendre.
Ils avaient prévu de commencer un rapide inventaire des lieux.
Sur le chemin du retour, il fut
attentif à la nature autour de lui. Il remarqua une chose étrange, il avait
beau entendre les oiseaux au loin, il n'en entendait aucun autour de lui. Comme
s'ils se taisaient à son passage, il nota aussi des frémissements dans la
végétation alors qu'aucun souffle d'air ne le caressait.
Il dut aussi reconnaître qu'il avait
l'esprit préoccupé par la pierre et il se dit qu'il n'avait sûrement pas été
attentif à tous ces menus détails.
Tout en marchant, il en profitait pour
observer le paysage autour de lui, cherchant des indices qui indiqueraient la
présence d'autres pierres, ce qui pourrait signaler la présence d'un ancien
sanctuaire.
— Quand Laurence aura identifié avec
certitude les glyphes sur la pierre nous en saurons plus. Je devrais revenir
avec elle, pensa-t-il en redescendant le sentier.
En arrivant à la maison, il aperçut
Elisabeth qui prenait son petit déjeuner. Elle s'était installée sur la terrasse
pour profiter du soleil matinal. Elle lui fit un signe en le voyant approcher
et se leva pour venir vers lui. Ils s'embrassèrent tendrement et main dans la
main, ils s'installèrent à table où Paul reprit un café.
— Je suis remonté à la source et
regarde ce que j'ai trouvé, dit-il en montrant le soutien-gorge à Elisabeth.
Elle le prit, étonnée, pensent : je ne
comprends rien, je me suis réveillée ce matin, nue dans le lit. Avec des
douleurs comme si j'avais couru un marathon.
Mais elle n'osa pas raconter ses rêves
à son compagnon.
— Nous avons dû être victime d'une
hallucination hier soir. Peut—être ces baies que nous avons grappillées en
montant ?
— Je ne pense pas, même si elle ne
pousse qu'ici, j'en mangeais enfant et dans mon souvenir, je n'ai jamais été
prise d'hallucination après mais peut-être que fatigués nous étions plus
sensibles. Et pris par le charme du site, nous nous sommes laissés aller. Ce
qui est dommage c'est de ne plus s'en souvenir.
Elle lui sourit malicieusement en se
caressant le ventre.
— Pas grave, cela nous reviendra ! lui
répondit-il en la serrant tendrement contre lui et passant à l'autre sujet qui
le préoccupait. Il enchaîna sur la pierre et la source.
— J'en ai profité pour prendre des
photos du site, je vais les montrer à Laurence en rentrant, je suis sûr qu'elle
saura nous dire l'origine de ce site. Et même si nous avons oublié ce que nous
avons fait hier soir, l'herbe autour de la source est bien piétinée. Ce que je
ne comprends c'est comment nous sommes rentrés et couchés. J'ai dormi comme une
masse d'un sommeil sans rêve.
— Oui moi de même ! murmura Elisabeth
en rosissant un peu.
— Il ne faut pas que nous traînions si
nous voulons explorer la maison, le grenier est rempli de malle et je ne sais
pas ce que renferme la cave.
— Oui ! J'imagine que ta tante a dû
accumuler des souvenirs de ses voyages, c'était une vraie globe-trotter.
— Je sais qu'elle a parcouru le Népal
dans sa jeunesse et ensuite qu'elle a fait de nombreux voyages dans les Andes,
au Mexique et en Australie. Mais à part les quelques statuettes présentes dans
le salon, je n'ai jamais vu grand-chose d'autre. Peut-être, le grenier nous
livrera-t-il ses secrets ?
— Qui sait ?
Pendant qu'Elisabeth se rendait dans
la salle de bain pour se doucher et enfiler une tenue pratique pour leurs
explorations, Paul rangea le petit déjeuner tout en tentant de mettre de
l'ordre dans sa tête.
Il lança à sa compagne.
— Au fait ! J'ai aussi pris des photos
de l'arbuste et des baies, je regarderai ce que c'est à la maison.
— Janis et maman les appelaient les
baies du diable. Elles m'interdisaient de les manger, mais je le faisais quand
même en cachette. J'en mangeais une ou deux dans leur dos. Hier soir nous en
avons peut-être dégusté un peu trop, répondit-elle depuis la salle de bain dont
comme à son habitude elle avait laissé la porte ouverte.
En se douchant, elle remarqua que son
dos et ses fesses étaient couverts de griffures laissées par de la végétation,
comme celle qu'elle s'était faite sur les cuisses en montant à la source. Son rêve
n'était peut-être pas totalement une hallucination mais pourquoi Paul n'en
avait-t-il aucun souvenir. Songeuse, elle finit de se préparer et sortit de la
salle de bain en short et tee-shirt. Elle montra ses griffures à Paul qui
faisait la vaisselle. Il lui dit qu'elle avait dû faire une sacrée glissade
dans les ronces en rentrant la veille au soir.
Elle alla prendre la clé du grenier
qu'ils avaient laissée sur la commode du salon.
— Je suis prête !
— J'arrive, je finis la vaisselle,
monte, je te rejoins !
Elisabeth, un peu nerveuse, ouvrit la
porte du grenier et montait lentement les marches de bois qui grinçaient à
chaque pas. Baigné dans la lumière des vasistas poussiéreux, l'endroit semblait
magique. Elle était émerveillée.
Un nombre incroyable de malles
jonchaient le sol, toutes aussi poussiéreuses que le vasistas, mais
terriblement attrayantes par les secrets qu’elles pourraient renfermer. A la
différence du reste de la maison, on voyait clairement que le grenier n'avait
pas été visité depuis des années.
— Il faudra donner un bon de balai la
prochaine fois que nous viendrons.
Elle souleva le dessus d’une des
premières malles, près d’elle. Rien de particulier : des vêtements de toutes
sortes et de tous pays, des breloques et des souvenirs. La dernière, la plus
attrayante, était fermée par plusieurs dispositifs, un gros cadenas, une chaîne
et ensuite un code.
Elisabeth passa sa main pour enlever
la couche de poussière qui cachait le mécanisme de la malle. Elle cherchait
fébrilement comment l’ouvrir. Elle se mit à quatre pattes pour mieux observer
l’ouverture et sentit un frôlement contre ses fesses. Elle se retourna,
surprise mais ne vit rien.
Le mécanisme était simple, il
suffirait juste d’en trouver le code à quatre chiffres, mais comme elle ne le
connaissait pas, elle décida d’en essayer quelques-uns avant de se dire qu'elle
devrait le trouver dans les cahiers de sa tante. Puis, elle se souvint que sa
tante avait eu énormément d’affection pour elle et tenta sa date de naissance
et… Bingo ! C’est à ce moment que Paul la rejoignit.
— Regarde ! lui dit-elle toute
excitée, je viens de découvrir la malle la plus importante.
Elle l’ouvrit le regard attisé par la
curiosité de savoir ce qu’ils pourraient y découvrir.
La malle renfermait entre autre un
grand nombre de cahiers dont les pages étaient recouvertes de la fine écriture
de tante Janis. Et sous une couverture, ils trouvèrent divers objets insolites,
voir mystiques. L’inventaire leur prit plus de temps qu’il n’y paraissait au
premier abord et ils en oublièrent l’heure du repas. Mais leur estomac leur
rappela qu’il fallait se nourrir pour pouvoir continuer. Ils allèrent déjeuner
et le débat tourna autour des objets et des carnets. Ils firent un lien entre
la source, la pierre et les voyages de Janis. Le déjeuner terminé, une
trempette dans le ruisseau fut la bienvenue. Leurs ablutions ne purent
qu’inévitablement tourner en câlins sur l’herbe.
Alors qu’ils se remettaient doucement,
Elizabeth, la tête posée sur l’épaule de Paul, un frisson étrange les parcourut
qui créa un amalgame étrange entre malaise et bien-être. Ils se rendirent aussi
compte qu'il n'y avait plus de bruit autour d'eux et ils remarquèrent le
frémissement des feuillages comme la veille lors de leur montée à la source.
De retour à la maison, ils
commencèrent à préparer leur départ. Paul hésitait à emporter le bâton de
marche pour mais il se dit sans réellement en connaître la raison qui l’y
poussait, qu’il serait un appoint pour accompagner le déchiffrage des clichés.
Elizabeth quant à elle, embarqua son
vieux doudou confectionné par sa tante. Ils décidèrent d’un commun accord de
prendre les cahiers qui tiendraient dans une valise de cabine car elle comptait
bien les compulser dans l’avion du retour. Impatiente, elle en lut un sur le
chemin de l’aéroport.
Dans la voiture, Elizabeth éprouva à
nouveau ce sentiment de "dérangement" dont elle ignorait l’origine,
elle ressentait des choses étranges sans réellement les comprendre.
Pendant le vol, Paul qui avait
transféré les photos sur sa tablette les regardait avec attention. Quant à Elisabeth,
elle était plongée dans le déchiffrage de l’écriture fine et régulière de sa
tante. Aussi, ils ne remarquèrent pas les regards intrigués et un peu gênés des
hôtesses qui sursautaient à chaque passage à proximité du couple. Néanmoins,
Elizabeth avait de nouveau des frissons qui la parcouraient à chaque frôlement
qu’elle attribuait à la proximité de son ami. Elle le regardait avec
insistance, intriguée par son flegme et sa concentration sur les clichés de la
source et de la pierre.
Plongée dans sa lecture, elle constata
que certains passages étaient écrits en latin, d’autres dans des langues
inconnues ou d’origines incertaines et sur certaines pages, il y avait des
sigles, des dessins et d'autres bizarreries qui la perturbaient un peu. Mais
elle ne laissait pas transparaître son trouble. Elle venait de faire le
rapprochement entre les objets découverts sous la couverture et ce qui était
retranscrit dans les cahiers. Elle referma celui qu’elle tenait dans les mains
et ferma les yeux. Des images dansaient dans son esprit un peu embrumé par tant
de lecture. Elle réfléchissait au meilleur moyen d’optimiser son temps pendant
son prochain voyage.
C’était décidé, elle ferait également
des recherches sur son prochain lieu de travail, sur les origines de son aïeul,
celte d'origine qui avait émigré dans la région suite à son opposition au
régime anglais au début du vingtième siècle.
De retour chez eux, la première chose
qu’elle fit en déballant ses affaires fut de sortir le vieux doudou et de le
déposer sur la commode de leur chambre. A côté de lui, elle posa délicatement
les précieux carnets dont elle avait compris l’importance de la teneur. Mais
elle n'en avait pas encore vraiment le sens car sa tante, dans sa hâte
d’écrire, avait mélangé toutes les informations.
Mais il était temps de se reposer pour
repartir au travail le lendemain matin, Paul avait ramené de quoi manger sur le
pouce vu l’heure tardive et, avant de se coucher, ils firent un petit point sur
leur mésaventure à la source sans parvenir à trouver ce qui n'allait pas dans
leurs souvenirs communs
Le lendemain matin, Paul arriva au
bureau. Dans sa hâte de montrer à sa collègue Laurence, toutes les photos qu’il
avait prises, il en avait oublié d’emporter la canne. Elle en connaissait un
brin sur les écritures anciennes et ses symboles allaient la passionner.
— Je suis intriguée de voir ce genre
de graphisme aussi loin dans le Sud-Ouest de la France, mais je te promets de
m’y pencher.
— Tiens ! Lui dit-il en tendant sa
main, voici un fragment de la pierre qui s'est décrochée quand je l'ai dégagée
de la végétation.
— Elle a quelque chose de spécial,
cette pierre ?
— Je ne sais pas, je l’ai prise à tout
hasard et j’aimerais que tu regardes aussi, j’en ai un autre éclat à la maison.
Quand Laurence prit la roche dans la
main, elle sursauta et regarda Paul surprise. Elle avait ressenti une sorte de
choc électrique.
Pendant ce temps, Elizabeth, occupée
par ses traductions, reçut un appel de sa mère, Natacha, la nièce de Janis.
— Oh maman, je suis contente de
t’avoir au téléphone. Tu n’imagineras jamais ce qui nous est arrivé en allant
chez tante Janis.
— Ma chérie, je te propose de déjeuner
ce midi avec moi afin que tu me racontes tout cela, répondit-elle
malicieusement.
A priori, elle ne fut pas aussi
surprise qu’Elisabeth l’avait espéré. Ce qui la perturba encore plus, d’autant
qu’elle avait encore ressenti ces frôlements contre ses fesses et le haut de
son dos alors même que Paul était parti au travail.
Pendant qu’elle se préparait doucement
à sortir, elle ressentit une nouvelle fois un profond malaise. Elle sentait une
"présence" indéfinissable autour d'elle. Prenant peur, elle sortit
avec précipitation en claquant la porte d’entrée, comme si elle fuyait
quelqu’un… ou quelque chose.
Elle courut presque pour arriver au
point de rendez-vous et arriva essoufflée. Pouvant à peine parler, elle
baragouina quelques mots qui rendirent sa mère perplexe.
Dans sa hâte de lui narrer leur
redécouverte de la maison familiale, elle mélangeait les mots, les phrases et
les événements.
Natacha lui proposa de se calmer avant
tout chose car même si elle avait deviné ce qu’il se passait, il fallait
remettre les choses en ordre.
Après quelques instants et un petit
apéro-maison, Elizabeth fut enfin en mesure de pouvoir s’exprimer dans un langage
plus ou moins correct.
A l’écoute de son récit, Natacha
devint de plus en plus blême, jusqu’à devenir d’une pâleur extrême.
— Vous n’avez touché à rien, j’espère
! Arriva-t-elle à exprimer avec beaucoup de difficulté.
— Non, je te rassure, nous avons
laissé en place les grigris de Janis. J’ai juste emporté les cahiers que nous
avons trouvés dans la malle fermée de plusieurs mécanismes.
— Vous avez bien fait de ne pas
toucher aux grigris, il ne faut pas jouer avec le feu ! Dit-elle d’un air
mystérieux, le regard soudain voilé mais visiblement soulagée.
Elizabeth, un peu décontenancée par
les yeux et les propos énigmatiques de sa mère, décida de ne pas en dire plus
pour l’instant. Elle se résolut à parler de tout autre chose en attendant d’en
connaître plus à travers les cahiers et les objets Elle était bien décidée à
retourner au plus vite dans cette maison pleine de mystères et de secrets.
— Bientôt l’été, s’exclama Elizabeth,
je me réjouis de partir faire ces traductions en Irlande, je sens que je vais
pouvoir profiter de ces instants privilégiés pour faire plus ample connaissance
avec nos ancêtres.
— Comment cela ? Nous n'avons pas
d'ancêtres irlandais, juste un écossais.
— Oui je sais, mais j'ai trouvé dans
les cahiers de Janis des tas de notes qui parlaient de lui et d’autres
personnages de notre lointaine famille également. Je compte bien faire un
regroupement de tous ceux qui ont eu affaire de loin ou de près à la maison
dans laquelle j’ai passé une grande partie de mon enfance et toi, Natacha, la
plus grande partie de ton temps.
Natacha sourit et elle lui dit qu’elle
risquait d’être surprise en lisant ces carnets. Sa tante avait souvent mélangé
ses rêves et la réalité.
Le repas terminé, elles se baladèrent
pour profiter des rayons du soleil de cette fin de printemps. En flânant de boutique
en boutique, elles rentrèrent dans une échoppe de produits naturels. Natacha
était très attachée à son bien-être et au respect de son corps, chose qu’elle
avait réussi à transmettre à sa fille.
Elles firent quelques achats et au
comptoir, le regard d'Elisabeth fut irrésistiblement attiré par une pile de
cartes de visite au nom de Madame Rose, énergéticienne, rebouteuse et
guérisseuse. Elle rangea sa carte-bleue dans son étui ainsi que la carte en se
promettant de se renseigner sur cette personne qui se disait énergéticienne en
rigolant intérieurement des gogos qui croyaient à ces fadaises. Elle en fit
part à sa mère.
— Tu sais ! Ce n’est peut-être pas si
farfelu que ça, lui fit-elle remarquer. Beaucoup de personnes sont convaincues
de l’existence du surnaturel. Ne néglige jamais cette option de pensée.
— Ah bon ! Qu’est-ce qui te fait dire
ça ?
— Tu le découvriras sûrement par
toi-même, si tu t'intéresses à l'histoire familiale...
Elizabeth était de plus en plus intriguée
par les propos de sa mère, mais celle-ci se tut et elle ne put pas en savoir
davantage.
Pourquoi ne lui en avait-elle jamais
parlé auparavant ? Elle savait plus de chose qu’elle ne le laissait croire.
Elle devait en avoir le cœur net, pour cela elle devait terminer de parcourir,
du moins survoler, les cahiers de Janis, se dit-elle en son fors intérieur.
Natacha interrompit ses pensées :
— Regarde, nous sommes arrivées près
du lieu de travail de Paul, on peut s’installer à une terrasse et boire un café
en l’attendant.
— Oui ! Tiens ! Il ne va pas tarder à
arriver justement.
Paul se dirigea vers le café en les
apercevant à la terrasse. Ils discutèrent passionnément avec Laurence, sa
collègue, de la signification des glyphes sur la pierre.
— J’ai mis Laurence au courant de tout
ce que nous avons vu autour de la pierre et nous étions justement en train d’en
discuter. Elle s’y connaît bien en écrits anciens… Laurence ! Tu connais déjà
Elizabeth et voici Natacha, ma future belle-mère…
Ces mots firent sourire Natacha et
rougir Elisabeth.
— Drôle de manière de faire sa demande
en mariage, pensa-t-elle. Mais elle se leva pour enlacer son amoureux avec
tendresse et passion.
Laurence était traversée par un
sentiment de jalousie exacerbée. Elle qui n’éprouvait d’habitude pas de
sentiments négatifs aussi fort, s'inquiétait de cette sensation et ne
comprenait pas la raison de cette colère. Elle aurait dû se réjouir pour son
collègue et ami.
Ils commandèrent une bière et Paul
exposa son projet au sujet de la source. Natacha les écouta, attentive au
moindre détail mais ne jugea pas utile d’intervenir dans la conversation pour
l’instant. Captivée par les événements relatés, elle était surprise d’entendre
parler de cette pierre et de ses inscriptions. Selon elle, la source
jaillissait d’une souche pleine de lierre.
— Je veux fouiller de manière
méthodique le site, Laurence veut bien m’y accompagner, on peut toujours
compter sur ses connaissances approfondies.
— Oui, la pierre et ses inscriptions
sont un grand mystère et les photos ne sont pas suffisamment bonnes pour
pouvoir tout déchiffrer d’une traite, affirma Laurence véhémente.
Et puis, il y a cette source dont vous
décrivez les effets et ça pour moi, c’est imparablement lié. Je pense également
que les pierres font partie d’un ensemble qui forme un sanctuaire. Donc, il
faut trouver les autres. Et Thibault qui vient de rejoindre notre équipe, se
passionne pour les différents lieux magiques en France, c'est son sujet de
thèse. Il a créé un algorithme d'analyse pour vois s'il pouvait mettre en
évidence un lien entre ces lieux et les différentes légendes dans un cadre de
l'évolution sociale de notre culture. C’est un geek, dès qu'il voit un site
archéologique et des inscriptions, il fait mouliner ses machines.
— Bien ! dit Natacha, le terrain et sa
maison appartiennent désormais à Elizabeth, c’est à elle de décider de ce que
vous pouvez faire dessus.
— C’est une très bonne idée, ces
fouilles, mais on ne peut pas attendre que je sois revenue de mon voyage pour
les faire, j’aimerais bien être présente pour les découvertes...
— On peut peut-être attendre ton
retour… commença Paul, mais de suite il fut interrompu par Laurence.
— Il est urgent de commencer les
fouilles le plus tôt possible, car tu pourrais ainsi les présenter au congrès,
à l’automne, sur le néolithique de l’Europe du Sud-Ouest.
— Oui ! Je trouve ça parfait, dit
Elisabeth. Donc, vous partez avec Thibault sur le domaine pour des fouilles
pendant que moi, je serai en Irlande. Je vous rejoindrai dès mon retour,
directement là-bas. Foncez ! Vous pourrez profiter au mieux de la maison,
tous ensemble.
Laurence jubilait, elle arriverait à
ses fins avec Paul, c’est clair. Elle ne comprenait pas pourquoi elle avait ses
pensées.
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