vendredi 18 septembre 2020

Ille -08- Décision

 Lorsque je me réveillais le lendemain matin, je me suis précipitée sur l'ordinateur pour voir si j'avais reçu une réponse au message envoyé dans la nuit. Je m'y attendais un peu, mais je fus tout de même déçu de ne pas voir de réponse, après trois mois sans nouvelles, il devait penser que sa correspondante avait renoncé.

Claire était partie dans sa famille pour le week-end. J’étais seule. Je passais la journée à me reposer et comme je me l'étais dit la veille, j'ai marché le long du canal en réfléchissant à la situation. Plus le temps passait et mieux je maîtrisais ce corps, de plus j'avais accès de plus en plus facilement aux souvenirs de Mireille. L'amitié intime de Claire ne me déplaisait pas et je commençais à remarquer que les hommes me regardaient. Je n'avais jamais eu ce type de regards avant. J'ai donc décidé de vérifier cela au cours de ma promenade.

Profitant des rayons du soleil, je me suis installée sur un banc pour lire tranquillement. Je restais attentive aux promeneurs, des amoureux en goguette, des familles plus ou moins unies, de gens seuls à la recherche de l'âme sœur. Je vis des regards vers moi, des sourires enjôleurs auxquels je répondis. Comme je m'en doutais, un homme s'approcha de moi et me demanda si j'attendais quelqu'un. Je lui répondis par la négative et il s'assit à côté de moi.

Un peu plus tard, nous étions assis à la terrasse d'un restaurant pour profiter d'un début d'automne radieux. Je réalisais le pouvoir de séduction que j'avais. Je décidais de ne pas pousser plus loin et je le remerciais pour ce moment passé ensemble en lui promettant de le revoir un autre jour.

En rentrant, je jetais de nouveau un coup d'œil sur l'ordinateur, mais ma boîte de messages restait vide. Je continuais mes recherches sur le net pour essayer de comprendre ce que je vivais. Je ne trouvais absolument rien de plus que ce que le site mystérieux en disait et ce que Madame Rose m'en avait dit. D'après ce que je découvris, nos esprits devaient fusionner plus ou moins rapidement et logiquement je pourrais réintégrer mon corps à l'issue de ce processus. Cela me donna un peu d'espoir, mais il n'y avait aucune indication sur le temps que prendrait cette fusion

Je m'endormis avec cette interrogation et lorsque je vis un message qui m'attendait, je l'ouvris avec excitation. Ce n'était que Ludivine qui me demandait si je n'avais pas oublié son invitation à sa petite fête. Je n'avais pas oublié et je me préparais tranquillement en choisissant un des ensembles que nous avions achetés.

Ludivine m'accueillit avec plaisir.

— Mireille ! Quel plaisir de te voir. Ludovic est dans le jardin, il prépare le barbecue. Avec le temps qu'il fait, on va encore profiter du jardin.

— Merci pour l'invitation ! Ça va me changer les idées.

— Profite du moment ! Je vais te présenter aux invités.

Elle me conduisit sur la terrasse où je saluai Ludovic qui avait bien changé depuis sa mésaventure, il était devenu un homme charmant. Après avoir fait le tour de leur petite propriété, je proposai mon aide à mon hôtesse.

— Non ! Profite de la journée ! Tiens ! Prends ce plateau et emmène le dehors je te suis dans quelques minutes.

Je pris le plateau d'amuse-gueules qu'elle m'avait donné et je retournais avec les autres. Mon regard croisa alors celui de Laurent, si je me souvenais bien, il s'agissait d'un cousin de Ludivine.

— Merci ! me dit-il avec un sourire ravageur.

Mon corps se mit à réagir comme lorsque Claire m'avait prodigué ces massages dans les premiers jours de mon aventure. Je réalisai que cela faisait maintenant trois mois que le corps de Mireille avait été privé de relation avec un homme. Et devant ces yeux d'un bleu profond, les instincts de Mireille étaient en train de revenir en force. Je ne pouvais pas la blâmer, j'avais bien cédé aux charmes de Claire.

— De rien ! Je posais le plateau sur la desserte et je vins m'asseoir à côté de lui.

— Vous êtes une collègue de Ludovic ?

— Oui, mais disons qu'il travaillait surtout avec mon fiancé. Cela me faisait de moins en moins bizarre de parler de moi de cette manière, j'avais accepté de vivre dans le corps de Mireille.

— Pourquoi parlez-vous au passé ?

— On peut se tutoyer, non ?

— Oui ! Bien sûr ! me dit-il en riant. Bien sûr !

— Ils ne t'ont pas raconté ce qui lui est arrivé ?

— Plus ou moins, mais il va s'en sortir.

— Je l'espère, mais je n'y crois plus trop.

Et soudain sans que je comprenne pourquoi, je me suis effondrée en larmes. Était-ce la sensibilité féminine de Mireille qui reprenait le dessus ?

Laurent me prit dans ses bras pour me consoler. Je me suis blottie dans ces bras, ce corps féminin appréciait cette sensation de protection. Je repris contenance et je me suis reculée en luis souriant.

— Merci, excuse-moi !

— Je comprends. Ne t'inquiète pas !

Il me tenait la main quand Ludivine arriva avec les plats pour que son mari les mette sur le barbecue. Elle me fit un sourire, mais ne releva pas le fait que je fusse presque dans les bras de son cousin.

À la fin de la journée, Laurent me demanda si j'acceptai de le revoir. Nous avions presque passé toute l'après-midi à parler ensemble, il m'avait raconté son histoire, je savais ce qu'il aimait et ce qu'il détestait. Je lui avais parlé de moi, de nous en fait. J'étais troublée, j'étais en train de tomber amoureuse de cet homme et j'avais bien vu à son regard que je ne le laissais pas indifférent.

Je me rendis à l'hôpital au chevet de mon corps. Assise là devant lui, je ne pus m'empêcher de me dire que la situation ne pouvait pas durer, il fallait que je fasse quelque chose pour arrêter cela.

— Vous allez bien ?

Je me suis retournée, Madame Rose se tenait derrière moi. C'était la première fois que nous nous reparlions depuis son échec.

— Non ! Je ne sais plus où j'en suis. Je suis en train de devenir Mireille.

— Oui ! Je m'en rends compte, mais vous ne le serez jamais totalement. Tant que votre corps sera vivant, vous resterez Clément.

Je la regardais et je compris alors ce que je devais faire.

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