Au matin,
Viviane venait à peine de finir son petit déjeuner que Marie frappa à la porte
du mobil-home.
— Entre ! Mais
je ne suis pas encore prête !
Elle sortit de
la salle d'eau nue sous sa serviette de bain.
— Je m'habille
et j'arrive.
Elle passa
devant son amie qu'elle embrassa avant de rentrer dans la chambre pour passer
une robe sans fermer la porte pour pouvoir l'entendre et lui répondre.
— J'ai prévu
de t'emmener dans un ancien bois sacré avec quelques ruines intéressantes. Je
crois que Chateaubriand venait y trouver l'inspiration pour rédiger ses
"Mémoires d'Outre-Tombe".
— J'ai hâte de
découvrir ce lieu, alors !
Marie put
entrevoir les formes voluptueuses de son amie quand elle enfila ses dessous.
Elle en fut troublée mais ne dit rien quand Viviane sortit de la chambre vêtue
d'une petite robe d'été qui, tout en restant sage, laissait suggérer un corps
fait pour le plaisir.
— Pense à
prendre un maillot de bain, au retour nous ferons une pause près d'un petit
étang discret où nous pourrons nous baigner tranquillement loin des touristes.
— OK ! Je
prépare cela !
Après de
longues minutes au milieu de la campagne, elle obliqua sur une petite route qui
s'enfonçait dans un bois de chêne. Elles s'arrêtèrent au milieu de la forêt et
l'historienne guida sa compagne sur le sentier qui les menait aux ruines. Elle
découvrit un ensemble de murs, de colonnes en pierre de taille plus ou moins
grosses.
— D'après les
archéologues, il s'agirait d'un sanctuaire néolithique transformé en temple par
les romains puis qui est devenu un ermitage abandonné pendant la Grande Peste
qui a ravagé l'Europe au Moyen Age.
— Ce lieu est
envoûtant. Je comprends pourquoi on imagine Chateaubriand dans ces ruines. On a
presque l'impression que l'on est en contact avec l'au-delà.
Viviane
frissonna et se retourna.
— Qu'est-ce
que tu as ?
— J'ai eu
l'impression d'être caressée entre les cuisses.
— C'est le
vent ! rigola Marie. Il n'y a pas de fantôme ici !
— Oui je sais
bien mais j'ai l'impression d'être observée.
— Regarde !
Avec tous les touristes qui traînent, ce n'est pas étonnant !
Elle
s'approcha de son amie et elle lui posa une bise sur la joue en lui murmurant à
l'oreille :
— Deux jeunes
femmes pas trop moches qui sont seules, ça ne laisse pas les hommes
indifférents.
— Oui, tu as
raison !
Malgré ces
propos, elle était mal à l'aise. Les deux femmes poursuivirent leur visite et
Marie expliqua l'histoire du site, les légendes qui l'accompagnaient. En
particulier celle que lui avait rapportée le Professeur : à certaines périodes
de l'année, ce serait un point de passage entre les mondes. Si les rituels
étaient respectés, des démons pouvaient passer et venir choisir des épouses
parmi les femmes humaines pour se reproduire.
Elles finirent
leur visite en prenant un repas frugal au restaurant qui jouxtait le monument
puis elles se dirigèrent vers l'étang pour y passer une après-midi de farniente
au soleil.
Seules au bord
de l'eau, elles étaient allongées en maillot de bain et continuaient leur
discussion. C'était la première fois qu'elles passaient autant de temps
ensemble.
— Veux-tu que
je te mette de la crème dans le dos, tu es en train de rougir.
— Oui et je te
ferai de même ensuite.
Viviane se mit
sur le ventre et de douces mains commencèrent à enduire son dos de crème. Elle
ferma les yeux et ne dit rien quand Marie dénoua le haut de son maillot pour
mieux couvrir la peau. Elle se détendait même si son esprit était toujours
occupé par les fameuses conditions de son futur logeur. Elle appréciait les
caresses de son amie sur son dos et elle se détendit. A son tour, elle enduisit
la peau de Marie de crème et une fois préparées pour affronter le soleil, elles
s'allongèrent pour discuter et commencèrent à se câliner plus comme des amantes
que comme des amies.
— Tu as l'air
songeuse.
— Oui ! J'ai
eu l'impression d'avoir été épiée toute la journée. A un moment quand nous nous
câlinions, j'ai eu l'impression qu'une ombre furtive nous regardait.
— Tu as trop lu de
romans fantastiques.
— Non je t'assure,
j'ai bien vu quelque chose s'approcher de nous mais disparaître quand j'ai levé
les yeux.
— Tu devais encore
être en train de rêver.
— Je ne sais pas, cela
semblait si réel.
— Il est temps de
rentrer…
Elles
reprirent la route du camping et elles se racontèrent leurs expériences amoureuses
et les qualités et les défauts hommes quand ils faisaient l'amour. Elles se
moquèrent de ceux qui fiers de la taille de leur sexe ignoraient le mode
d'emploi d'un corps féminin.
Le cœur
battant, après cette journée passionnante et riche en émotions de toutes
sortes, Viviane regagna son mobil-home.
A l'intérieur
l'attendait une enveloppe posée sur la table. Une odeur la troubla car c'était
la même que dans les souvenir de son rendez-vous nocturne. De nombreuses
questions l'assaillaient : comment cette lettre s'était-elle retrouvée là ? Qui
l'avait amenée et comment était-il entré ? Etait-il encore présent ? La porte
et les fenêtres étaient bien fermées quand elle était arrivée et il n'y avait
aucune trace d'effraction.
Elle prit le
pli. La matière était noble, le grain de l'enveloppe était agréable au toucher.
Fébrilement, elle décacheta le sceau de cire rouge orné d'armoiries inconnues
de Viviane. Elle était aussi excitée que lors de la réception de son courrier
de validation de l’agrégation. Ce soir-là, elle était tellement heureuse de sa
réussite qu'elle n'avait pas hésité à profiter pleinement d'un coup d'un soir
qui l'avait laissée sans voix au matin, ivre de plaisir. Elle se souvint alors
que cet homme portait un parfum très proche de la fragrance de ce courrier. Un
signe ?
Elle put lire
les phrases suivantes.
"Mademoiselle,
Après avoir
réfléchi à votre demande, j'ai décidé d'y répondre favorablement.
Cela me permet
de vous faire l'offre suivante que vous êtes libre de refuser mais sachez que
tout acceptation ne pourra faire l'objet d'un retour en arrière sans
conséquences importantes."
Viviane
s'arrête un moment pour peser ces mots plein de double sens. Elle est troublée
car cela lui rappelait le ton de son maître de chaire à l'Université. Elle reprit
sa lecture.
"La
proposition est la suivante : vous disposerez du logement de mon ancienne
domestique qui comprend les pièces suivantes :
-une chambre,
-une cuisine,
-un petit
salon,
- un petit
cabinet de toilette, sur le palier accessible par la porte de service.
Par contre en
échange de ce logement j'impose les obligations suivantes à ma locataire :
-discrétion,
-allers et
venues par la cour arrière et en aucun cas par la porte principale,
-interdiction
de recevoir sous aucun prétexte,
-interdiction
d'user de la porte de service pour un autre motif que l'accès au cabinet de
toilette,
-respect le
plus strict de l'intimité du propriétaire,
-à cela il
faudra ajouter quelques services rendus (courses, dépôt de courrier ...) compte
tenu que vous vous rendrez en ville pour votre travail."
—
C'est la meilleure ! pensa Viviane.
—
Voilà qu'il me prend pour une vulgaire femme de chambre et pourquoi pas sa
soubrette tant qu'il y est, le vieux pervers. Je ne vais pas m'enfermer dans ce
cloître tout de même ! j'ai besoin de vivre.
En colère,
elle ne faillit pas lire le reste du courrier.
"Comprenant
parfaitement que mes conditions peuvent être extrêmement sévères le montant du
loyer sera fixé à…" Elle n'en crut pas ses yeux en lisant le montant
et elle dut le relire plusieurs fois pour être certaine du chiffre. Ce loyer
était bien en dessous des tarifs prohibitifs pratiqués dans la région.
"Cette
offre vaut pour une semaine après quoi elle sera nulle et non avenue."
Elle posa la
lettre et commença à réfléchir. Au vu de la somme, elle pouvait bien faire le
sacrifice d'un peu de liberté et satisfaire aux exigences un peu surannées du
Professeur. Il ne lui interdisait pas non plus de sortir et de vivre sa vie de
jeune femme.
Elle décida
donc d'accepter la proposition et se demanda comment le lui faire savoir.
Répondre par courrier, message sur le répondeur qu'est ce qui froisserait le
moins la susceptibilité de son futur propriétaire ?
— Après tout,
nous sommes au vingt et unième siècle et ce n'est pas parce que Monsieur
utilise du papier vélin et cachette ses enveloppes à la cire que je dois faire
de même… se dit-elle.
Elle prit la
décision de laisser un message sur le répondeur du Professeur Van Dyck pour
l'informer qu'elle acceptait toutes ses conditions.
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