jeudi 29 octobre 2020

Le Manoir aux Fleurs -03- Emménagement

 

Quelques jours après sa réponse laissée sur le répondeur du comte Van Dyck, un autre courrier arriva au camping à l'attention de Viviane. Celui-ci était plus conventionnel, une simple enveloppe Kraft, contenant un jeu de clés. Cependant le même parfum émanait de l'enveloppe, signant son auteur. Elle était aux anges : elle avait résolu son principal souci, le logement.

Le jour de son départ, elle alla faire les démarches à l'accueil du camping pour solder sa note. La vieille femme qui tenait le poste lui demanda ce qu'elle avait trouvé.

— Le propriétaire du manoir sur la colline accepte de me louer un petit meublé, sous réserve de quelques menus services.

Elle ne lui parla pas des autres conditions estimant qu'elle n'avait pas à le savoir mais il lui sembla voir une ombre passer sur son visage. Elle l'entendit maugréer quelque chose au sujet du passé et de son éternel recommencement.

Le cœur léger, sa valise à la main, elle prit bien soin d'entrer dans la demeure par l'arrière. La vieille porte grinça, preuve qu'elle n'avait pas été beaucoup ouverte ces derniers temps. Elle monta une volée d'escalier, après avoir aperçu une autre porte et sur le palier deux portes se faisant face.

— Sûrement la porte de service, se dit-elle. Elle prit alors le trousseau de clés et ouvrit la porte qui lui semblait donner sur son appartement.

La porte s'ouvrit sans un bruit. Viviane resta sans voix. Hormis le fait que ce logement n'avait pas dû servir depuis un moment, il était en parfait état, sans fioriture, bien aménagé, lumineux sans être immense mais suffisant pour une personne seule. Il était meublé et la qualité du mobilier n'avait rien à envier aux pauvres meubles en kit qu'elle avait connus dans d'autres appartements pendant ses études et qui avaient rarement résisté à plus d'un déménagement.

Tout dans l’ameublement indiquait une vie de solitaire, une petite table, une seule chaise, un lit simple, une petite armoire. Elle l'ouvrit pour y poser sa valise et y aperçut du linge de chambre, de toilette, et même une garde-robe.

— La locataire précédente les a sûrement oubliés, pensa-t-elle, je les donnerais au comte pour qu'il les lui rende.

Elle les regarda rapidement et découvrit des sous-vêtements dont certains la firent rougir. Qui pouvait porter ce genre de chose ? Elle tenait entre ses doigts un sous-vêtement minimaliste et elle vit aussi ce qui semblait être une robe de soirée en tissu très léger. Mais ce qui la surprit le plus, c'est que ces vêtements semblaient tous à sa taille.

Elle ouvrit la fenêtre pour aérer un peu et profiter de la fraîcheur de la soirée et elle crut voir une silhouette déambuler dans le jardin. Elle se rappela alors une des consignes du comte, respecter scrupuleusement son intimité. Elle ignorait si cela en faisait partie mais ne voulait pas subir dès son arrivée les foudres de son logeur, elle détourna le regard. Taraudée par l'envie d'en savoir plus sur son hôte, elle sortit son ordinateur et se rendit compte bien vite qu'il n'y avait aucune prise de téléphone et elle constata aussi qu'aucun signal ne parvenait à son téléphone portable. Elle sourit en se disant que le Professeur avait décidément bien des mystères.

Elle réfléchit alors au loyer et à son règlement. Rien n'avait été indiqué à ce sujet. Elle décida qu'elle déposerait un chèque dans la boîte aux lettres qu'elle avait remarquée à l'entrée.

Détendue, elle se prépara un repas frugal. Elle finit de ranger ses maigres possessions et se coucha. Pour la première fois depuis bien longtemps, elle trouva le sommeil rapidement malgré les bruits étranges qui lui parvenaient du jardin et d'autres pièces du manoir.

Le lendemain, c'est le cœur joyeux qu'elle retrouva son amie Marie qui l'avait invitée à venir prendre le café. A son arrivée, Marie l'accueillit en robe de chambre prétextant qu'elle sortait de la douche. Viviane s'excusa et lui dit qu'elle pouvait repasser plus tard. Mais elle la fit entrer en lui indiquant le salon attenant à la chambre. Elle se débarrassa vite fait du peignoir qui l'habillait pour passer un long t-shirt. Au passage, Viviane remarqua une petite marque sur le haut de la fesse de son amie et sans la reconnaître elle se disait qu'elle l'avait déjà vue, mais impossible de se rappeler où.

Elle se leva pour retrouver dans la cuisine son amie qui préparait le café, elle n'aimait pas discuter quand l'autre personne n'était pas dans la même pièce. Après leur café, elles passèrent la journée ensemble, profitant du soleil sur la plage et aux terrasses des restaurant du front de mer. Avec la volonté de prolonger leur intimité, Viviane accepta l'invitation de Marie de rester la nuit avec elle. La nuit fut plus le théâtre de joutes amoureuses entre les deux amantes qu'un moment calme et tranquille.

Au petit matin presqu'un peu gênée, Viviane quitta à regret son amie qui dormait comme un loir. Elle reprit le chemin de la demeure et manqua d'outrepasser la première des règles en entrant par la porte d'entrée. Ce fut le grincement furieux de celle-ci qui la ramena sur terre. Contrite, honteuse comme si elle avait été prise en fraude, Viviane rebroussa chemin rapidement pour regagner son nid douillet mais austère. Sa nuit suivante fut à nouveau peuplé de rêves tous plus étranges les uns que les autres. Ce fut en se réveillant dans la nuit qu'elle comprit que les cris qu'elle entendait n'étaient pas que dans son rêve. Elle se tourna longuement dans son lit, troublée et elle eut du mal à trouver le sommeil en dépit des efforts qu'elle fit pour retrouver son calme après les images qui lui trottaient dans la tête.

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