Quelques jours
après sa réponse laissée sur le répondeur du comte Van Dyck, un autre courrier
arriva au camping à l'attention de Viviane. Celui-ci était plus conventionnel,
une simple enveloppe Kraft, contenant un jeu de clés. Cependant le même parfum
émanait de l'enveloppe, signant son auteur. Elle était aux anges : elle avait
résolu son principal souci, le logement.
Le jour de son
départ, elle alla faire les démarches à l'accueil du camping pour solder sa
note. La vieille femme qui tenait le poste lui demanda ce qu'elle avait trouvé.
— Le
propriétaire du manoir sur la colline accepte de me louer un petit meublé, sous
réserve de quelques menus services.
Elle ne lui
parla pas des autres conditions estimant qu'elle n'avait pas à le savoir mais
il lui sembla voir une ombre passer sur son visage. Elle l'entendit maugréer
quelque chose au sujet du passé et de son éternel recommencement.
Le cœur léger,
sa valise à la main, elle prit bien soin d'entrer dans la demeure par
l'arrière. La vieille porte grinça, preuve qu'elle n'avait pas été beaucoup
ouverte ces derniers temps. Elle monta une volée d'escalier, après avoir aperçu
une autre porte et sur le palier deux portes se faisant face.
— Sûrement la
porte de service, se dit-elle. Elle prit alors le trousseau de clés et ouvrit
la porte qui lui semblait donner sur son appartement.
La porte
s'ouvrit sans un bruit. Viviane resta sans voix. Hormis le fait que ce logement
n'avait pas dû servir depuis un moment, il était en parfait état, sans
fioriture, bien aménagé, lumineux sans être immense mais suffisant pour une
personne seule. Il était meublé et la qualité du mobilier n'avait rien à envier
aux pauvres meubles en kit qu'elle avait connus dans d'autres appartements
pendant ses études et qui avaient rarement résisté à plus d'un déménagement.
Tout dans
l’ameublement indiquait une vie de solitaire, une petite table, une seule
chaise, un lit simple, une petite armoire. Elle l'ouvrit pour y poser sa valise
et y aperçut du linge de chambre, de toilette, et même une garde-robe.
— La locataire
précédente les a sûrement oubliés, pensa-t-elle, je les donnerais au comte pour
qu'il les lui rende.
Elle les
regarda rapidement et découvrit des sous-vêtements dont certains la firent
rougir. Qui pouvait porter ce genre de chose ? Elle tenait entre ses doigts un
sous-vêtement minimaliste et elle vit aussi ce qui semblait être une robe de
soirée en tissu très léger. Mais ce qui la surprit le plus, c'est que ces
vêtements semblaient tous à sa taille.
Elle ouvrit la
fenêtre pour aérer un peu et profiter de la fraîcheur de la soirée et elle crut
voir une silhouette déambuler dans le jardin. Elle se rappela alors une des
consignes du comte, respecter scrupuleusement son intimité. Elle ignorait si
cela en faisait partie mais ne voulait pas subir dès son arrivée les foudres de
son logeur, elle détourna le regard. Taraudée par l'envie d'en savoir plus sur
son hôte, elle sortit son ordinateur et se rendit compte bien vite qu'il n'y
avait aucune prise de téléphone et elle constata aussi qu'aucun signal ne
parvenait à son téléphone portable. Elle sourit en se disant que le Professeur
avait décidément bien des mystères.
Elle réfléchit
alors au loyer et à son règlement. Rien n'avait été indiqué à ce sujet. Elle
décida qu'elle déposerait un chèque dans la boîte aux lettres qu'elle avait
remarquée à l'entrée.
Détendue, elle
se prépara un repas frugal. Elle finit de ranger ses maigres possessions et se
coucha. Pour la première fois depuis bien longtemps, elle trouva le sommeil
rapidement malgré les bruits étranges qui lui parvenaient du jardin et d'autres
pièces du manoir.
Le lendemain,
c'est le cœur joyeux qu'elle retrouva son amie Marie qui l'avait invitée à
venir prendre le café. A son arrivée, Marie l'accueillit en robe de chambre
prétextant qu'elle sortait de la douche. Viviane s'excusa et lui dit qu'elle
pouvait repasser plus tard. Mais elle la fit entrer en lui indiquant le salon
attenant à la chambre. Elle se débarrassa vite fait du peignoir qui l'habillait
pour passer un long t-shirt. Au passage, Viviane remarqua une petite marque sur
le haut de la fesse de son amie et sans la reconnaître elle se disait qu'elle
l'avait déjà vue, mais impossible de se rappeler où.
Elle se leva
pour retrouver dans la cuisine son amie qui préparait le café, elle n'aimait
pas discuter quand l'autre personne n'était pas dans la même pièce. Après leur
café, elles passèrent la journée ensemble, profitant du soleil sur la plage et
aux terrasses des restaurant du front de mer. Avec la volonté de prolonger leur
intimité, Viviane accepta l'invitation de Marie de rester la nuit avec elle. La
nuit fut plus le théâtre de joutes amoureuses entre les deux amantes qu'un
moment calme et tranquille.
Au petit matin
presqu'un peu gênée, Viviane quitta à regret son amie qui dormait comme un
loir. Elle reprit le chemin de la demeure et manqua d'outrepasser la première
des règles en entrant par la porte d'entrée. Ce fut le grincement furieux de
celle-ci qui la ramena sur terre. Contrite, honteuse comme si elle avait été
prise en fraude, Viviane rebroussa chemin rapidement pour regagner son nid
douillet mais austère. Sa nuit suivante fut à nouveau peuplé de rêves tous plus
étranges les uns que les autres. Ce fut en se réveillant dans la nuit qu'elle
comprit que les cris qu'elle entendait n'étaient pas que dans son rêve. Elle se tourna longuement dans son lit, troublée et
elle eut du mal à trouver le sommeil en dépit des efforts qu'elle fit pour
retrouver son calme après les images qui lui trottaient dans la tête.
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