vendredi 9 octobre 2020

Fantômes -05- Dans l'entre deux mondes

 

Depuis quelques semaines, les spectres du vieux manoir étaient perplexes. Cela faisait des années que la maison était vide et ils en avaient presque oublié l'existence des humains. Lorsqu'en cette fin d'après-midi d'été, Paul et Elisabeth avaient franchi le seuil de la bastide, ils s'excitèrent. Ils commencèrent par observer de manière circonspectes ces deux jeunes gens qui prenaient possession des lieux. Emiliette leur annonça que la jeune femme était de la famille et ils se calmèrent, rassurés. A son habitude, Pierre frôla de très près Elisabeth qui se retourna pour comprendre ce qui lui arrivait.

Héloïse se mit en demeure de surveiller Paul afin de voir s'il ne faisait pas de mal à la jeune femme. Depuis son calvaire, elle s'était mise en tête de protéger toutes les femmes de la maison du danger que représentaient les hommes. Cela entraînait souvent des conflits avec Pierre pour lequel toutes les femmes étaient une occasion de s'amuser. Quant aux deux anciens dont nul ne connaissait ni le nom ni l'histoire, ils n'avaient guère réagi, Elisabeth n'était qu'une nouvelle gardienne et deviendrait une nouvelle geôlière dont les pouvoirs grandiraient au fur et mesure qu’elle s'initierait aux mystères de la demeure et du lieu où elle était construite.

Lorsque Paul prit le bâton de marche posé contre le mur près de la porte, ils exultèrent tous, ils allaient enfin pouvoir sortir de cette bâtisse dans laquelle les sortilèges mis en place par l’aïeule d’Elisabeth et renforcés par Janis les avaient enfermés. Si un seul des objets qui avait appartenu à l'un d'eux sortait de la maison, ils seraient libres et Paul tenait le bâton de l’oncle Pierre tandis qu’Elisabeth venait d’ouvrir la porte.

Ils emboîtèrent le pas des deux vivants et les accompagnèrent dans leur promenade. Ils sortirent ainsi de la maison pour la première fois depuis des années.

Enivrés par leur nouvelle liberté, ils ne se rendirent pas compte qu'ils risquaient d'être repérés. Ils passaient souvent trop près des feuilles qui remuaient à leur passage, sensibles à la présence des spectres.

Arrivés à la source, ils entrèrent en transe. Ils ressentaient la proximité du passage qui leur permettrait de trouver le repos éternel. Lorsque les deux amants commencèrent à s'embrasser, ils entamèrent une folle farandole à la tombée du soleil.

Tournant de plus en plus vite autour d'eux, ils les entraînèrent dans leur ronde. La nature d'Elisabeth permit aux spectres d'acquérir une certaine forme de matérialité qui autorisa un contact physique entre les deux amants. Emportés par l'ivresse de la danse, fantômes et humains se mélangèrent et s'unirent de manière de plus en plus intime jusqu'à l'épuisement de leurs corps physiques.

Reprenant plus rapidement conscience de la réalité que le jeune couple, les fantômes ramassèrent les vêtements éparpillés dans la clairière et soulevèrent les corps endormis d'Elisabeth et Paul pour les redescendre à la villa.

Ils les regardèrent dormir jusqu'à ce que les premiers rayons du soleil les rendissent à nouveau diaphanes.

— Cette Elisabeth est vraiment merveilleuse… soupira l'oncle Pierre.

Je t'interdis de t'approcher d'elle comme tu l'as fait avec sa grand-mère. Je vais la protéger. Lança Héloïse d'un ton qui ne laissait guère de doute sur ce qu'elle ferait subir à celui qui oserait blesser celle qu'elle considérait comme sa protégée.

L'oncle Pierre recula dans un coin du manoir et resta loin des autres qui continuaient à se demander ce qu'ils allaient faire de leur nouvelle liberté de déplacement.

Héloïse ne se posa pas la question bien longtemps et se fondit dans un ours en peluche qui était l’un des nombreux doudous d’Elisabeth enfant. Ainsi, elle veillerait sur elle. Les autres préféraient rester dans ces lieux qu’ils hantaient depuis des années voire des siècles pour certains. Même l’oncle Pierre ne partit pas avec les deux jeunes gens bien qu’il pestait d’être retenu dans ce lieu.

A chaque nouvelle visite du couple, ceux qui étaient restés demandait à Héloïse de leur raconter ce qu’elle avait vu et comment vivaient les deux jeunes gens. Quand elle leur annonça que Paul reviendrait avec des collègues pour faire des fouilles autour de la source, ils furent inquiets que de nouveaux étrangers viennent perturber leur tranquillité.

Ce fut ainsi qu'ils virent arriver, ce soir-là, les trois jeunes qui prirent rapidement possession des lieux. L'un des vieux fantômes sortit de l'espace où il restait reclu quand Laurence s'installa dans la chambre où il attendait la fin de l'éternité. Il sentit aussitôt que la jeune femme était particulière. Elle avait quelque chose que les autres humains ne possédaient pas. Il ressentit le besoin de se matérialiser, non pas par envie comme lors de leur danse autour de la source mais comme poussé par une force mystérieuse. Il la regarda se préparer pour dormir.

Quand elle fut endormie, l'esprit qui l'habitait devint plus puissant et l'excitation du spectre augmenta. Il reconnut cette puissance. La naïade de la source vivait dans le corps de cette humaine. Cette naïade dont il avait été le serviteur lorsqu'il était encore de chair et d'os mais elle était incomplète et surtout elle semblait souillée.

Elle servait la déesse de l'Amour pour offrir un amour pur et sincère aux amants qui venaient l'honorer. Chez cette femme endormie, il ne ressentait pas l'amour offert par sa maîtresse mais un amour perverti par un désir sexuel malsain.

Cette absence d'amour le gênait mais il se devait de lui rendre hommage comme il le faisait autrefois. Il tenta de se matérialiser pour le faire mais à part une lueur bleue qui illumina la pièce pendant quelques minutes, il ne réussit rien de plus. Il retourna dans les limbes, frustré de n'avoir pas encore pu honorer sa maîtresse.  Il continuerait de rester dans cet espace entre la vie et la mort jusqu'à ce que son esprit disparaisse à tout jamais sans pouvoir rejoindre l'esprit de la Création.

Il ressentait la baisse de l'intensité des sorts qui les maintenaient enfermés dans la demeure. Cela faisait si longtemps qu'aucune gardienne n'y avait vécu que les barrières tombaient peu à peu. Comme les autres, il était revenu ici pour ne pas terroriser les populations alentours. Seuls Léopold et Emiliette étaient restés de leur plein gré car depuis l'incendie tragique où ils avaient perdu la vie, ils avaient choisi de rester pour protéger la maison et ses habitants.

Bientôt son esprit désespéré par l'erreur commise de son vivant serait libre. L'effroi et la crainte se répandraient dans le voisinage. Il pouvait sentir les esprits humains qui habitaient le village de l'autre côté des gorges. Les bébés et les enfants commençaient à faire des cauchemars la nuit. Il devrait attendre encore un peu. Héloïse qui était encore puissante avait réussi à se fixer dans cette peluche qu'Elisabeth avait emportée et l'avait suivi. Pierre avait son esprit lié au bâton de marche et pouvait voyager avec lui s'il restait dans les limites du lieu sacré. Le dernier spectre encore plus ancien ne manifestait presque plus de volonté.

Léopold et Emiliette observaient l'agitation et l'excitation des jeunes gens. Eux aussi sentaient que les barrières qui les retenaient à l’intérieur de la maison étaient de plus en plus faibles. Ils avaient profité de l’extase commune lorsqu’ils avaient pu accompagner Elisabeth et Paul à la source. Si Pierre et Héloïse sortaient de la maison grâce aux objets auxquels ils étaient liés, eux ne voulaient pas s’en éloigner.

Ce soir-là, quand ils virent les images sculptées sur les parois de la grotte projetées sur l'écran, ils ne purent résister à l'envie de se manifester. Les sorts qui empêchaient leur matérialisation devenaient de plus en plus faibles. Pour la première fois depuis des siècles, ils retrouvaient leur apparence humaine.

Aussitôt ils virent la stupéfaction sur les visages des trois jeunes gens mais quand Laurence de sa voix possédée par la déesse de la source leur demanda où était Pierre, ils prirent peur et s'évanouirent de nouveaux dans les limbes. Cette présence les effrayait. Qui était cette femme qui possédait la voix de commandement ?

Ils partirent chacun de leur côté, effrayés par cette personne qui parlait avec l'autorité de l'esprit de la source. Ils étaient étonnés car il n’avait plus la douceur et la compassion d'autrefois. Il était évident que cet esprit avait été corrompu par un spectre mauvais et pervers.

L’oncle Pierre savait ce qu’il en était. Lorsque sa tête avait percuté la pierre, son esprit avait été fragmenté.

La nymphe de la source avait senti le désarroi et la surprise de cet homme. Il ne s'attendait pas à être repoussé aussi violemment. Au moment de sa mort, son âme n'était pas prête. Les tensions entre le bon et le mauvais étaient telles que malgré sa faiblesse depuis que plus personne ne l'honorait, elle avait réussi à piéger la partie mauvaise dans un fragment de roche. Elle avait ainsi libéré ce qui était bon en lui de l'emprise du mal pour qu'il puisse trouver le repos d'après vie.

Ce mal à l'état pur c'était presque incrusté dans l'âme de Laurence. Au fil des jours, les désirs les plus profonds qui avaient habité l'oncle Pierre prenaient vie en elle. Comme lui voulait de plaisir avec des jeunes filles, elle désirait trouver du plaisir avec Paul, peu importe ce qu'il en résulterait. Cependant, cet esprit incomplet n’avait pas encore la force de dominer la volonté de Laurence. Il ne pouvait que renforcer ses envies et profiter de ses moments de faiblesse.

Laurence ne voulait pas détruire le couple formé par Paul et Elisabeth, elle les enviait et était tombée amoureuse de Paul depuis leur première rencontre. Elle rêvait de lui toutes les nuits, l’esprit malin avait donc profité de ce désir pour le renforcer. Et ce soir là encore, elle ne put résister à l’envie de se retrouver avec Paul.

Au cours de cette nuit, l’entité qui la parasitait prit de l’assurance, plus elle restait dans la maison et proche de la source où cet esprit était né et plus Laurence risquait de ne plus pouvoir lui résister. Il lui soufflait le désir de séduire Thibault. Il profitait de son sommeil pour lui donner cette nouvelle envie.

A son réveil, elle avait du mal à comprendre ce qui lui arrivait. Certes elle jouait un jeu délicat avec son patron, mais pourquoi voulait-elle maintenant faire la même chose avec le jeune étudiant ? Elle sortit de la chambre pour préparer le café afin de penser à autre chose. Elle décida aussi de rester travailler dans la maison sur son ordinateur plutôt que de monter avec les garçons sonder les abords de la source au radar.

Les fantômes qui étaient restés discrets dans leur coin pendant la nuit s’approchèrent avec précaution de Laurence attablée face à son ordinateur. Ils se demandaient si elle était capable de sentir leur présence.

Le vieux fantôme qui avait presque oublié son existence humaine s’approcha d’elle. Il lui frôla le dos plusieurs fois sans qu’elle ne fit de mouvement. Elle eut juste un geste comme pour chasser une mouche. Il osa alors faire ce qu’il n’avait plus fait depuis qu’il était devenu un spectre. Il tendit ce qui aurait été ses mains vers la poitrine de la jeune femme qui aussitôt se leva de sa chaise. Elle fixa le milieu de la pièce et elle leur ordonna de se montrer.

Aucun des fantômes ne put résister à cette injonction. Elle les regarda les uns après les autres. Emiliette tremblait derrière Léopold qui lui se demandait pourquoi l’ordre était tombé aussi brutalement.

— Où est Pierre ?

Aucun d’eux ne pouvait répondre à cette question, ils ne l’avaient pas vu depuis plusieurs jours. Ils le suspectaient d’avoir renoué avec ses anciennes pratiques, il ne leur avait pas dit que son esprit avait été fragmenté.

Leur frayeur se manifestait par l'instabilité de leur avatar. La puissance de la voix les avait fait se matérialiser et aucun d'eux n'osait disparaître avant d'en avoir reçu l'autorisation. Ils ressentaient pourtant que Laurence n'avait pas la maîtrise pour les retenir. Le plus vieux des fantômes, mort bien avant que les romains n'eussent envahis cette région, ne pouvait plus se retenir et disparut. Comme Laurence ne réagissait pas, les autres le suivirent.

Les jours se succédaient sans grands changement pour eux. Les jeunes gens avaient élargi le cadre de leurs explorations à l'ensemble du replat autour de la source. Les fantômes pouvaient entendre leurs exclamations de joie quand après avoir reconstitué le puzzle de leurs découvertes du jour, ils reconstituaient le plan du sanctuaire sur leur écran. La liaison entre Laurence et Paul devenait de plus en plus torride et Thibault faisait celui qui ne remarquait rien.

Il discutait tous les soirs avec son mystérieux ami.

Quelques jours plus tard, Léopold vit la Facel-Vega se garer devant le vieux manoir. Un homme d'un âge indéfinissable mais au visage qui ne semblait pas avoir plus de trente ans sortit de la voiture. Avec son catogan et sa lavallière, il semblait sortir d'un roman historique. Ses cuissardes de cuir ajoutaient une touche étrange à ce personnage.

Thibault sortit de la maison pour l'accueillir avec une longue accolade.

— Gérald ! Enfin ! Tu vas pouvoir nous éclairer de tes lumières…

— Je vais faire de mon mieux.

Il regarda lentement le manoir dans le soleil couchant puis la forêt derrière et les collines environnantes.

— Même si tu ne m'avais pas raconté ce que vous avez trouvé, ce lieu est chargé de magie…

Il vit alors Paul et Laurence qui sortaient à leur tour.

— Voici Paul et Laurence, mes directeurs de thèse…

Un épais silence enveloppa les quatre personnes. Gérald affronta sans sourciller le regard pénétrant de Laurence. Ce fut Paul qui détendit l’atmosphère en les invitant à rentrer pour dîner.

— Nous attendions ton arrivée pour manger. Viens ! nous serons mieux sur la terrasse autour d'un bon repas pour discuter.

Au cours du repas, il lui expliqua les circonstances de leur découverte et lui raconta les bizarreries qu'ils avaient rencontrées. Il n'omit pas de lui parler de ce voisin mystérieux qui apparaissait et disparaissait subitement. Gérald écoutait et posait quelques questions.

Ils lui montrèrent les images de la source et de la caverne et les reconstitutions qu'ils avaient pu faire. Gérald regardait. Cela lui rappelait des sites qu'il avait visités au cours de sa longue vie et de son combat contre son vieil ennemi, le comte Van Dyck.

Il percevait l'étrangeté du regard de Laurence, elle lui était incompréhensible, partagée entre haine et espoir. Quelque chose de très ancien vivait en elle, une chose bien plus âgée que la jeune femme. Autour de lui, l'air était chargé de mystère. Thibault n'avait pas exagéré, des fantômes vivaient dans cette maison.

— Nous irons jeter un coup d'œil sur cette source et cette grotte demain. C'est toujours mieux de voir ces lieux en réalité que sur des photos. On y découvre souvent des choses cachées.

— Et pour les fantômes ? Tu me crois ?

— Oui ! Je te crois, d'ailleurs je n'ai jamais mis en doute tes dire. Et il suffit de regarder la décoration de cette maison pour se rendre compte que sa propriétaire y croyait aussi et qu'elle avait mis toutes les chances de son côté pour s'en protéger.

Les fantômes écoutaient avec inquiétude ce nouvel arrivant. Il en émanait une sorte de force qu’ils n’avaient encore jamais rencontrée. Il ne ressemblait pas à la vieille Janis qui avait occupé la maison pendant des années et encore moins à la jeune Elisabeth. Il était beaucoup plus puissant qu’elles.

Emiliette se tourna ver Léopold.

— Tu crois qu’il va nous libérer de cette prison et nous permettre de trouver le repos que nous aurions dû avoir après notre mort ?

— Je ne sais pas mais il semble bienveillant, peut-être pourra-t-il aussi libérer Pierre…

Ils suivirent Gérald jusqu’à sa chambre et le regardèrent s’allonger sur le lit. Celui-ci avait senti la présence des spectres et il ferma les yeux pour se mettre en conditions afin de pouvoir entrer en contact avec eux sans utiliser la voix de commandement. Il se détendait, il savait que plus il serait détendu et plus les fantômes seraient prêts à entrer en contact avec lui. Il ne voulait pas les effrayer mais leur parler. Il devait savoir qui ils étaient et depuis quand ils erraient dans cette maison. Il tenta une approche qu’il avait mené avec succès il y a très longtemps dans un vieux manoir écossais. Il se visualisa son âme dans le monde éthéré. Il se plaça en lévitation au-dessus du lit et il attendit. Emiliette se rapprocha lentement.

Les deux auras à peine visible dans l’obscurité de la chambre se frôlèrent puis elles entrèrent en contact.

— Qui êtes-vous ? demanda Emiliette.

— Je viens pour vous aider, je ne veux pas vous faire de mal. Expliquez-moi ce que vous faites dans cette maison !

— Dites-nous qui vous êtes d’abord, vous n’êtes pas comme les autres…

Léopold apparut alors dans le champ de perception de Gérald. Il comprit aussitôt que ces deux être étaient liés.

— Vous avez raison ! Je suis un homme un peu particulier et effectivement à la différence des autres, je connais le monde dans lequel vous évoluez… Je sais aussi que cette maison se trouve à la limite entre le monde des hommes et le monde des dieux. Vous le savez ! Vous aussi ! Mais vous dire exactement ce que je suis… Je ne le sais pas moi-même… Je suis l'être que je suis à cause d’une femme que j’ai aimée… Elle ne savait pas qu’en m’aimant elle allait me faire devenir la créature que je suis… Je suis un peu comme vous en quelque sorte, entre deux mondes… Mais si vous me parliez de vous !

Léopold prit la parole. Il lui raconta leur histoire. Au moment de la Révolution Française, Emiliette et lui venait de se marier. Elle venait d’hériter du manoir et des terres environnantes. Tout allait bien et ils avaient eu la chance d’avoir leurs récoltes protégées des intempéries par le relief. Quand le roi convoqua les Etats Généraux, Léopold qui avait été désignés pour être député de la noblesse de la région ne put se rendre à Versailles. Il venait de se casser une jambe et la blessure ne se remettait pas bien. Il était donc resté au manoir avec sa femme et leur petite fille qui venait de naître. Les événements de Paris ne les concernaient pas vraiment. Mais quand la Terreur a commencé, des gens venus de la ville ont commencé à faire la chasse aux noble dans les environs. Les villageois ont tenté de les protéger mais un soir, un groupe d’individus vint mettre le feu au manoir. Une paysanne réussit à emporter leur petite fille hors du brasier mais eux suffoquèrent à cause des fumées.

Au moment de leur mort, ils virent apparaître un esprit qui leur barra le passage vers le monde des morts et qu’ils furent obligés de rester sur place avec trois autre spectres. La jeune Héloïse qui a accompagné Elisabeth et les deux fantômes sans âges qui ont même oublié leur nom. Bloqués dans cet espace intermédiaire entre le monde des vivants et le monde de morts, ils ont décidé de protéger les habitants du manoir du monde extérieur avec l’aide des trois autres.

Ce fut à cette époque que Héloïse décida de protéger les héritières du manoir du danger que pouvait représenter certains hommes. Elle était morte à la suite d’un viol collectif lors d’une révolte paysanne bien avant la Révolution et elle aussi errait sans but depuis sa mort. Quant au deux autres esprits, nul ne savait depuis quand ils étaient morts. Ils apprirent à Gérald que depuis quelques générations, elle tentait de détourner les femmes de la famille des hommes.

Pendant de longues années, ils ont fait fuir les téméraires qui osaient s’approcher du lieu. Les femmes héritières du domaine ne venait plus y passer que quelques semaines par ans quand la chaleur de l’été devenait intenable en ville. Elles venaient profiter de la fraîcheur du vallon avec leur famille et laissaient la maison inhabitée l’hiver. Lors d’un été particulièrement torride de l’entre-deux guerres, l’oncle Pierre était venu lui aussi profiter du lieu. Il partit en promenade, à la chasse comme il disait. Mais ce n’était pas des lièvres ou des perdrix qu’il chassait. Il ne revint jamais, enfin son corps ne revint jamais, car ils virent surgir son esprit de nulle part alors que sa famille le cherchait partout dans les collines.

Gérald écoutait ce récit avec attention et il commençait à comprendre comment il pourrait délivrer ces spectres de cette malédiction. Il devrait aussi contacter ce Pierre car il lui semblait de plus en plus évident que Laurence était sous l’emprise d'un spectre.

Il lui faudrait aussi rencontrer cette Elisabeth, car Héloïse pourrait pervertir son esprit.

— Comment Pierre et Héloïse ont-ils pu sortir du manoir ? Cette Janis a pourtant complètement entouré la demeure avec de nombreux sortilèges…

— Nous ne savons pas comment elle les a appris, ni où ? Mais ils sont très puissants et il y avait plusieurs barrières…

— Oui je les ai senties.

— Tout a commencé quand Elisabeth et Paul sont venus pour la première fois il y a quelques mois. Paul a pris le bâton de marche qui retenait l'esprit de Pierre prisonnier dans le domaine et l'a emmené à la source… Nous avons pu les suivre et nous avons dansé là-haut ce qui nous a redonné de l'énergie et de la puissance…

— Comment une danse a-t-elle pu vous revivifier ?

— Le vieux fantôme était un serviteur du sanctuaire, il a pris la naïade de la source…

Gérald était stupéfait. C'était la première fois depuis qu'il connaissait l'existence du Sur-Monde qu'il tombait sur une de ces très anciennes créatures engendrées par la Déesse Créatrice. Une entité endormie mais encore active.

— Je comprends ! En honorant sa déesse, il lui a redonné de la vigueur et elle vous a aussi renforcés.

— Oui ! Nous pouvions nous matérialiser, interagir avec les vivants directement sans avoir recours à des artifices comme les courants d'air…

— Et pour Héloïse ?

— Elle s'est servi d'une peluche d'Elisabeth…

— Et vous ? Pourquoi êtes-vous restés ?

— Parce que nous sommes les esprits protecteurs de la maison...

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