mardi 30 juin 2020

Le Voyage de Noces -11- Affrontements

Dans la villa de Michaël, Mama So faisait un rêve étrange. Une femme d'une grande beauté et d'une grande prestance lui apparut.

— N'aie pas peur. Je suis ta protectrice et la protectrice de toutes les femmes. J'ai une mission à te confier…

— Je vous écoute Ma Déesse.

Elle avait reconnu celle qu’elle vénérait en secret., en cachette de son mari et du pasteur du village. La Grande Déesse venait lui parler en rêve.

— La jeune femme que je t'avais demandée de protéger est en vie. Pour le moment, elle se repose dans le lit du Léthé. Et je t'annonce aussi que la fille de ton amie, du village de la haute vallée, est aussi en vie. Elle a accepté de devenir une de mes suivantes.

— Qu’attendez-vous de moi ? Oh Ma déesse !

— Je désire que tu rassembles toutes les prêtresses encore en vie autour du volcan… Le Grand combat est proche…

— Oui Ma Déesse... je vais les inviter à me rejoindre le plus vite possible…

Elles n'ont pas besoin de te rejoindre ici. Je désire qu'elles restent dans leurs villages. Vous vous rejoindrez dans le Sur-Monde pour unir vos forces et vos pensées et ainsi liées avec l'esprit de mes suivantes, vous protégerez vos villages du combat que je vais avoir contre le Grand Serpent.

—Oui, Déesse...

— Approche que je te donne la recette de la potion que tu dois préparer pour entrer dans le Sur monde avec tes amies…

Après lui avoir donné la recette, la déesse disparut et Mama So se réveilla l'esprit vif. Elle se leva et se rendit dans sa cuisine où elle prépara cette potion mystérieuse. Sans l'ordre de la Déesse, elle n'aurait jamais osé mélanger certains ingrédients. Certains étaient mortels et elle le savait, mais elle avait confiance et elle était sur le point de finir la mixture quand James apparut sur le pas de la porte.

— Tu ne dors pas ?

— Non ! J'ai été réveillée dans la nuit. J'ai réalisé que j'avais oublié de préparer une potion pour une femme qui n'arrive pas à avoir d'enfant.

Alors qu'elle ne lui avait jamais menti sur ses activités, elle n'osa pas lui révéler la vision onirique qu'elle venait d'avoir.

— Et tu as besoin de te lever au milieu de la nuit pour cela ?

— Demain c'est la pleine lune. Il faut qu'elle la prenne avant la nuit pour qu'elle soit efficace… et je dois la laisser macérer plusieurs heures...

— Bon si tu le dis… je vais me prendre un café…

Laissant sa femme en train de préparer ses mixtures, James se dirigea sur la terrasse de la villa de Michaël. Il regardait le soleil se lever derrière les monts de la Lune. Les brumes matinales l'empêchaient de distinguer le volcan du Démon. Il espérait que le jeune homme allait retrouver ses amis rapidement et mettre fin aux exactions commises par le Général.

Il n'arrivait toujours pas comprendre comment son fils avait pu trahir ses frères. Il avait eu beau fouiller dans les chambres de ses enfants, il n'avait rien trouvé. Il était maintenant trop âgé pour prendre les armes mais il n'aurait pas détesté tirer lui-même la balle qui tuerait ce Général maudit.

De son côté Mama So finissait de préparer son philtre avec les invocations à la Déesse qui lui étaient associées. Elle prépara une dizaine de flacons et autant de petits mots.

— James ! Je sors, je me rends au village.

Dans leur campement, Michaël et le sergent écoutaient le rapport que leur faisaient les hommes de retour de la caverne. Michaël ne montra ni sa tristesse à l'annonce de la mort de son ami ni son inquiétude sur le sort d'Elodie. Il les pleurerait plus tard.

Comme les autres, il avait vu le sort que le Général et ses hommes réservaient aux femmes.

— Je pense que nous pouvons dire aux français qu'ils n'ont plus besoin de prendre de gants. Le Général n'a plus d'otages.

La discussion avec le colonel français fut brève. Celui-ci leur demanda de rester à une distance suffisante de la grotte et de préparer le terrain pour accueillir les forces spéciales qui viendraient nettoyer le secteur après la frappe aérienne qui aurait lieu dans les heures qui suivraient.

Ils eurent à peine fini de parler qu'un drone de surveillance survola le volcan pour surveiller les mouvements autour de l'entrée de la grotte. Le militaire n'en croyait pas ses yeux derrière son écran quand il aperçut le Grand Serpent se diriger vers la caldeira. Il orienta cependant les caméras du drone vers l'entrée de la grotte. Après quelques minutes d'observation, il indiqua aux pilotes le meilleur angle de tir pour lancer leurs missiles et il leur confirma l'absence de civils dans la zone de tir.

Quelques heures après l’échange radio entre Michaël et le colonel, quatre missile s'abattirent sur les flancs du volcan dont un qui explosa à l'intérieur de la grotte. La chaleur et le souffle dégagés par l'explosion tuèrent la plupart des hommes et enfermèrent les autres derrière un éboulis de roches.

Le pilote du drone décida alors de conserver son appareil en vol encore un peu. Il souhaitait retrouver la créature mystérieuse qu'il avait entraperçue au début de la mission. Il put voir la fumée des explosions s'élever de la jungle. Si les animaux effrayés par le bruit et la violence de l'attaque avaient retrouvé leur calme, la forêt restait agitée de soubresauts étranges. Malgré ses efforts, la densité du feuillage l'empêchait de voir quoique ce soit et les différents capteurs de la machine ne détectaient rien d'anormalement gros sur les flancs du volcan. Il pouvait voir la signature des grands singes et de ces si discrets éléphants des montagnes qu'Elodie recherchaient, mais rien qui trahit le reptile géant qu'il avait aperçu.

Depuis le sommet de la colline où ils avaient abattu quelques arbres pour permettre aux hélicoptères de se poser, Michaël et ses hommes avaient pu voir les missiles frapper la caverne. Quelques minutes plus tard, ils accueillaient les commandos français.

— Bienvenue ! dit Michaël en saluant le jeune lieutenant qui commandait le détachement.

— Merci à vous et à vos hommes. Les renseignements fournis nous ont été précieux. Mais vous faites allusion à une créature énorme, de quoi s'agit-il ?

— Il y a une légende dans les villages autour du volcan qui raconte qu'il y a des générations les forces du bien incarnées par une Déesse et les forces du mal sous la forme d'un grand serpent se sont affrontées dans la caldeira. Au terme d'un combat épique qui a ravagé la région la Déesse a réussi à enfermer le Grand Serpent dans une grotte sous la montagne. Elle aurait également instruit des femmes sages pour qu'elles veillent sur les sortilèges empêchant le Grand Serpent de sortir de sa prison de pierre...

— Et vos hommes auraient vu ce grand serpent ? dit le jeune soldat français un peu goguenard.

— Si vous étiez de la région et si vous connaissiez ces contes et légendes, vous ne souririez pas ainsi… Et comprenez-les, après ce que nous avons découvert dans le camp de la vallée, ils sont à cran et ils ne veulent plus qu'une chose… montrer la tête du Général au bout d'une pique dans tous les villages…

— Je respecte leurs croyances mais avouez qu'un lézard géant en liberté dans une zone de guerre a de quoi faire sourire.

En entendant ces mots, Vivien ne put s'empêcher de prendre la parole.

— Quand vous serez face à lui, vous rirez moins et surtout ne croisez pas son regard sinon vous êtes mort...

— Nous serons prudents. Mais je crains plus les éventuels survivants que ce monstre...

Les soldats français et locaux se répartirent les tâches. Les français se chargeraient de rentrer dans la grotte et de vérifier que tout a été nettoyé tandis que leurs homologues s'occuperaient d'intercepter tous les fuyards.

— Essayez d'en garder quelques-uns vivants… l'opinion internationale aimerait un procès…

Les hommes baissaient la tête sans un mot. Ils savaient très bien ce qu'ils feraient s'ils avaient un de ces barbares dans leur viseur.

En arrivant devant la grotte, ils constatèrent l'efficacité des missiles. Les gardes à l'entrée étaient déchiquetés et les parois de la caverne couvertes de suie.

La fumée commençait seulement à se dissiper et les incendies s'étaient éteints par manque d'oxygène. Avançant avec prudence, ils constataient qu'il n'y avait aucun survivant. Un par un, ils sortaient les corps pour essayer de les identifier. S'ils trouvèrent les cadavres des différents lieutenants du Général, ils ne mirent pas la main sur son corps.

— Il est peut-être sous ou derrière l’éboulis ?

— Peut-être ? Mais sans son corps, impossible de confirmer sa mort.

— On ne va pas dégager les rochers ?

— Non ce n'est pas notre rôle. Nous avons fini notre mission… S'il y a des survivants dans le fond, ils sont piégés. Nos drones de reconnaissance balayent la caldeira et s'il y a des sorties cachées ils seront repérés… Et nous avons retrouvé le corps de Franck…

— Et pour la jeune femme ?

— Selon nos informations, elle ne se trouvait plus dans la grotte depuis plusieurs jours…

Au même instant, des détonations retentirent à quelques mètres des commandos français. Aussitôt en alerte, ils se préparaient au combat. Quelques cris et quelques ordres les informèrent que c'étaient les hommes du sergent qui venaient de tomber sur un petit groupe de bandits qui avaient échappé aux bombes françaises et se terraient terrorisés dans un recoin d'une falaise.

Même si l'envie les démangeait, ils ne les avaient pas tous exécutés et ils en poussaient trois sans ménagement vers les français qui les firent prisonniers.

— Je crois que notre mission s'arrête là ! dit le lieutenant. Sergent ! Nos hélicos vont vous rapatrier en ville… Et vous Michaël ?

— Je vais rester ici avec les villageois. Je crois qu'ils n'accepteront de rentrer que lorsqu'ils auront vu par eux même que toute la région est débarrassée de ces soldats de fortune.

— Soyez prudents !

— Ne vous inquiétez pas. J'ai avec moi les meilleurs pisteurs de ce côté-ci du volcan. Ils sont capables de débusquer une souris qui se cacherait dans la jungle.

En quelques minutes, tous les soldats, leurs prisonniers et le corps de Franck furent évacués. Michaël ordonna à ses hommes de faire un bûcher pour brûler les cadavres des bandits rassemblés par les soldats.

Ce travail les occupa jusqu'à la nuit et après y avoir mis le feu, ils quittèrent sans regret ce lieu pour fouiller les flancs de la montagne afin de s'assurer que plus aucun des bandits ne s'y trouvaient.

Alors que ces événements se déroulaient au pied du volcan, Mama So attendait le retour de ses messagères. Elle les avait envoyées distribuer les flacons et le petit mot demandant à ses sœurs de Déesses de se tenir prêtes pour le service de leur protectrice. Elles devaient toutes prendre le philtre en même temps, chacune dans leur village. Elles seraient ainsi en mesure de protéger les habitants de la région de la violence du combat spirituel à venir. Elle savait que Michaël et ses compagnons seraient de retour dans la soirée. Tout le village avait entendu passer les avions français et pour les villages les plus proches de la caverne, ils avaient pu voir l'épaisse fumée noire des explosions puis du bûcher.

Allongée sur le lit dans la chambre que Michaël avait mis à leur disposition, elle attendait le bon moment pour boire.

Elle perçu les paroles de son mari qui accueillait Michaël et les jeunes gens qui étaient parti avec lui. Elle savait que tous étaient revenus et elle savait aussi que Franck était mort. Contrairement aux hommes, elle ne s’inquiétait pas pour Elodie.

Lorsque le soleil passe derrière les montagnes, elle prit le flacon et avala la potion. Elle plongea alors dans une rêverie et son esprit entra en contact avec celui des autres prêtresses. Ensemble, elles créèrent alors des bulles de protection au-dessus des villages et des fermes occupés. Leurs esprits vagabondaient jusque dans les vallées les plus reculées sur les flancs de l’immense volcan qui dominait les collines alentours. Elles se sentaient protégées par la puissance de la Grande Déesse, la Protectrice. Parfois elles tombaient sur une âme égarée, isolée dans la montagne. La prêtresse la plus proche lui envoyait alors un songe pour lui dire de se rapprocher d’un village ou d’une ferme. Malheureusement, le travail des missionnaires avait eu son effet pernicieux et rares étaient ceux qui identifiaient ce rêve comme un rêve de la Déesse et ils restaient là où ils se trouvaient.

Lentement mais sûrement, le sort de protection se mettait en place. Les villageois ne devraient pas être perturbés par le combat qui se préparait. Certains feraient peut-être des cauchemars mais rien de plus.

Dans le Sur-Monde, Athéna préparait ses armes. Comme autrefois, elle avait remis son casque, empoigné sa lance et tenait le bouclier orné de la tête de Méduse. Comme à chaque combat entre elle et le Grand Serpent, les regards du lézard et de Méduse allaient se confronter.

Mama So comme ses sœurs découvrirent alors la Grande Déesse dans toute sa majesté. Une femme à l’allure fière et martiale se leva au milieu du cercle formé par les dômes de protection. Elles étaient toutes subjuguées par la beauté de ce visage et la force qui se dégageait de cette apparition. Athéna étendit le bras en direction de chaque prêtresse et lui insuffla un peu de son énergie. Les dômes se mirent à luire dans le Sur-Monde et d’un grand geste balayant tout l’horizon, elle défia alors son ennemi. Le Grand Serpent apparut à son tour. Encore plus grand et plus majestueux que dans la forêt, il se dressait de toute la hauteur de ses pattes face à sa rivale.

Les deux combattants se jaugeaient, s’évaluaient. IIs se tournaient autour. La queue du monstre balayait le sol autour de lui, il détournait les yeux pour ne pas regarder le bouclier que la Déesse lui présentait. Elle le provoquait de la pointe de sa lance. Soudain, d’un bond, il se projetta dans le ciel. Après une longue parabole, il retomba à grande vitesse en direction de la déesse qui s’écarta au dernier moment. Avec un mouvement de rotation, elle réussit à planter sa lance dans le flanc de l’animal qui rugit de douleur. Entraîné par l’élan de sa chute, il créa un immense cratère dans le sol. La terre tremblait autour d’eux. Les falaises de la caldeira s’effondraient. Des cheminées volcaniques bouchées par le refroidissement de la lave des éruptions précédentes s’ouvraient de nouveau.

Un peu sonné par sa chute le lézard géant mit quelques secondes à se redresser. Athéna le suivait du regard, elle se méfiait. Elle savait que rien n’était plus dangereux qu’un animal blessé. Le monstre se relevait doucement. Contre son adversaire, il savait que la force brute ne mènerait à rien. Il savait aussi que la déesse ne cherchait pas à le tuer mais simplement à le forcer à retourner dans sa prison de pierre. De nouveau, la danse reprit. Le lézard se précipitait gueule ouverte vers la guerrière, celle-ci l’esquivait une nouvelle fois mais alors qu’il venait de la dépasser, il l’envoya voler au loin contre la paroi rocheuse d'un coup de queue. Elle se remit du choc et se releva en dessinant des arabesques dans l’air. Elle leva son bouclier de son autre bras, forçant le Grand Serpent à rester immobile. Un portail s’ouvrit derrière elle. Elle se recula d’un coup en sautant au-dessus de la sphère bleutée. L’animal qui n’attendait que le moment où le bouclier ne le forcerait plus à détourner le regard se précipita vers sa proie. Excité et irrité par les esquives et les coups d’aiguillon de la lance, il ne réfléchit plus et chargea sans réaliser qu’il allait être emporté dans ce portail et que son esprit et son corps seraient de nouveau séparés.

Même si l’affrontement n’avait pas lieu dans le monde physique, les chocs psychiques avaient des répercussions dans la réalité.

Tout autour du volcan, la terre se mettait à trembler, des fumées commençaient à s’élever dans la caldeira. La lave qui était resté profondément enfouie au fond de la chambre magmatique remontait lentement dans les failles ouvertes par les mouvements du sol.

Les villageois endormis furent réveillés par les grondements de la terre. Ceux qui étaient dehors pouvaient voir les lueurs de la lave et les premières bombes volcaniques projetées au-dessus du cratère.

Dans la caverne, les hommes du Général qui avaient survécu aux missiles et qui s’étaient retrouvés piégés par l’éboulement de la grotte après l’explosion étaient aux prises avec les guerrières de la déesse.

Athéna avait de nouveau ouvert le passage emprunté par Ketia et Elodie. Ses amazones se sont précipitées dans la brèche et avaient empli la caverne de leurs cris de guerre.

Malgré leurs armes automatiques, les bandits ne pouvaient rien faire contre ces furies qui se déplaçaient en silence dans l’obscurité de la grotte. Leurs lames acérées faisaient des ravages chez les hommes hébétés. Dès que l'un d’eux trahissait sa présence en allumant sa torche ou en tirant, une des guerrières se jetait aussitôt sur lui et le tuait.

Submergés par l’agilité et la technique de ces walkyries, ils ne pouvaient rien faire. En quelques minutes, la grotte fut nettoyée.

Une des grandes prêtresses qui les accompagnait, se préparait à ouvrir un autre portail pour accueillir le Grand Serpent dans sa nouvelle prison. D’autres suivantes posaient un peu partout sur les parois des amulettes qui l’empêcheraient de la quitter.

La prêtresse prononça une invocation et le passage s’ouvrit. Quelques instants plus tard, le corps physique de la bête s’écrasa sur le sol. Les suivantes le couvrirent d’un filet scintillant qui l’immobilisa. Le corps du Grand Serpent prit alors l’apparence d’une énorme concrétion rocheuse ayant la forme d’un crocodile géant.

Dans un plan purement spirituel, l’esprit des autres suivantes emprisonnait l’esprit du mal dans une jarre qu’elles scellèrent avec des runes magiques.

Les quelques villageois isolés qui n'avaient pas pris la précaution de se mettre à l'abri des dômes préparés par les prêtresses des villages furent submergés par la violence du combat psychique. Leurs esprits furent emplis de frayeur et de violence et ceux qui ne moururent pas, tombèrent dans la folie.

Le pilote du drone de surveillance qui continuait de survoler régulièrement la zone du bombardement au-dessus du cratère observait les mouvements de la bête. Il ne comprenait pas ces mouvements. Il lui semblait qu’elle se battait contre un ennemi invisible.

Cette nuit-là, à la différence du jour du bombardement, il avait tout le loisir d’observer grâce aux caméras, les déplacements du monstre. Il était impressionné par son agilité et sa vélocité. Le lézard-dragon comme il l’appelait, faisait des sauts de plusieurs dizaines de mètres au-dessus du sol.

Le combat dura de longues minutes et si le monstre ne semblait pas montrer de blessure, le militaire se rendait compte qu’il fatiguait. Surtout, il comprit rapidement la stratégie de l’adversaire invisible. Il était en train d’acculer l’animal contre la paroi du cratère.

Soudain un éclair bleu illumina la scène au moment où le monstre se jeta en avant. Incrédule, il aperçut dans la lueur une femme noire d’une taille impressionnante. Elle s’écarta juste au moment où le monstre arriva sur elle. Celui-ci franchit alors la sphère lumineuse et disparut aussitôt avec elle.

La caldeira retrouva alors son calme, troublé par les quelques projections de bombes volcaniques et les coulées de laves qui remontaient lentement par les anfractuosités du sol.

Il se jeta alors sur l’enregistreur pour revenir au bref instant où il avait vu la femme apparaître. Il figea l’image et il découvrit avec stupéfaction qu’elle était équipée comme une guerrière de l’antiquité. Il se souvenait de ces cours d’histoire et reconnut les attributs de la déesse Athéna.

— Je suis fou, ce sont des hallucinations ! C’est un problème de transmission des images…

Aucun appareil n’était défaillant et les signaux captés étaient bien ceux des caméras embarquées. Il était clair qu’il n’avait pas capté de signaux parasites. Il avait beau tourner et retourner ses informations dans son esprit, visionner plusieurs fois les images, il ne comprenait pas. Pris d’une soudaine inspiration et pour ne pas passer pour un fou, il dirigea le drone vers l’endroit où la Déesse était apparue pour la première fois. Il le fit passer au-dessus d’une des cheminées en éruption, une bombe vint alors le fracasser. Il informa simplement son supérieur de la destruction du drone à la suite de l’éruption.

— Nous aurions dû nous en douter et le faire revenir quand le volcan a commencé à exploser. On va se faire remonter les bretelles par les comptables…

— Chef ! Pourriez-vous passer voir, j’ai des images troublantes de l’éruption...

Le pilote dévoila les vidéos enregistrées de la bataille entre le lézard et Athéna.

— Je ne vois pas ce qu’il y a d’étrange, on voit les arbres secoués par les tremblements de terre, des fissures apparaître dans le sol… Effectivement cette éruption ne ressemble pas à ce que je connais car elle n’a été précédée d’aucun signe précurseur, mais il faudrait demander l’avis d’un spécialiste.

— Vous êtes sûr que nous ne voyez rien d’anormal ? Regardez ! Là ! Ne voyez-vous pas un gros lézard ? dit-il en arrêtant l’image sur le moment où le monstre se jette sur Athéna pour la première fois.

— Je vois juste un rocher se déplacer du fait du tremblement de terre et des mouvements du sol…

Le pilote ne comprenait pas son supérieur, comment ne pouvait-il pas voir ce monstre et au moment du flash lumineux, cette femme qui occupait presque tout l’écran ? Elle était immanquable.

— Je n’ai rien vu d’étrange, juste des images d’un séisme précurseur d’une explosion volcanique, les parasites sont sûrement dû à l’air chargé en électricité. Ne t’inquiète pas ! Tout va bien… Et avec cette éruption, les rebelles qui auraient pu être enfermés dans la grotte, sont morts…

Dépité, il regarda son adjudant quitter la pièce de pilotage. Il éteignit alors les appareils et alla rejoindre ses compagnons d’armes pour aller passer la soirée en ville. Il ne pouvait s’empêcher de repenser à ce qu’il avait vu sur les images et même si l’alcool et les femmes l’aidèrent à passer du bon temps, il restait préoccupé par le souvenir de ce qu'il avait vu sur ses écrans.

dimanche 28 juin 2020

Le Voyage de Noces -10- Le Grand Serpent

Alors que Ketia découvrait avec ravissement son rôle de servante de la Grande Déesse et qu’Elodie dormait grâce à l’influence du jus du fruit du Léthé, au pied du volcan des monts de la Lune, tout était en train de se mettre en place pour un nouvel affrontement entre le Grand Serpent et Athéna.

Michaël et ses hommes venaient de s’arrêter pour la nuit. Depuis quelques jours, ils progressaient avec prudence. En effet, le long du sentier où dans les fourrées alentours, ils avaient découvert plusieurs corps de miliciens. Les visages de ces cadavres étaient déformés par un rictus étranges à l’image de celui qu'avait pris Armand quand il était mort sous la tente. Les hommes prenaient peur et murmuraient entre eux que le Grand Serpent allait venir les prendre comme il avait pris ces hommes. Ils retrouvaient leurs anciennes croyances dans la Grande Déesse qui devait les protéger du mal incarné par le Général. Pour eux, c'était lui, l’incarnation du Grand Serpent.

Dans leurs recherches d’Elodie et Franck avec les militaires de l’armée gouvernemental, ils avaient découvert le charnier sur le site de l'ancien camp du Général. La colère s'était emparée de tous ceux qui poursuivaient ceux qu'ils appelaient maintenant les barbares.

La découverte de ces centaines de corps avait suscité l'indignation générale et si certains avaient parfois eu de la sympathie pour les hommes du Général, celle-ci avait disparu. Celui que des doux-rêveurs avaient pris pour un Robin des Bois détroussant les puissantes compagnies minières au profit des habitants de la forêt n’était plus vu que comme un immonde bandit. Les quelques survivants atrocement mutilés racontèrent comment ils avaient été enlevés dans leurs villages pour travailler dans les mines et les plantations de drogue, et comment leurs femmes et leurs filles avaient été utilisées pour le plaisirs des soldats.

A l’annonce de ce carnage, la France promit au gouvernement local de l'aider à se débarrasser de ce Général sadique et meurtrier. Michael put ainsi bénéficier de matériel de communication dernier cri qui lui permettait avec ses hommes et quelques soldats de l'armée gouvernementale de rester en contact avec le capitaine et surtout Mama So.

Si la plupart des soldats étaient restés sur les lieux du massacre pour montrer qui était réellement ce Général aux journalistes accourus en masse comme des vautours, le capitaine avait confié aux villageois dirigés par Michaël de retrouver le Général, accompagnés par une escouade commandée par un sergent expérimenté. Ils ne devaient pas intervenir mais ils devraient donner le plus d'informations possibles pour que leurs forces spéciales pussent sauver les otages, dont on n'avait retrouvé aucune trace. Tout portait donc à croire que Franck et Elodie étaient toujours en vie.

Cela faisait maintenant plusieurs jours qu’ils étaient sur la piste des fuyards. Si certains hommes commençaient à s’inquiéter de ces étranges cadavres, Michael était plus inquiet par le dernier message qu’il venait de recevoir de Mama So.

En effet, alors que tous les soirs depuis leur départ de l’ancien camp du Général, elle lui disait qu’ils se rapprochaient d’Elodie et de Franck, et qu'ils ne se déplaçaient plus depuis quelques jours. Ce soir-là, elle lui avait annoncé qu’elle ne pouvait plus déterminer si Elodie était encore en vie.

— Elle ne ressentait plus la présence du gri-gri qu’elle avait donné à la jeune femme.

— Je ne comprends pas, lui disait-elle, c’est le pendentif qui me permet de savoir où elle se trouve. Je lui ai bien dit de toujours le porter sur elle.

— Elle l’a peut-être perdu ?

— Non ! Si elle l’avait perdu, je serais toujours en contact avec lui. Et s’il avait été brisé, je l’aurai su car j’aurais senti ses différents fragments se disperser…

— Alors que s’est-il passé ?

— Je l’ignore mais c’est comme si depuis le milieu de la nuit, le pendentif n’était plus de ce monde… Cela m’a réveillée au milieu d’un rêve où je voyais un dragon avaler Elodie…

— Nous ne sommes plus très loin du lieu où tu nous avais dit qu’ils se trouvaient. Nous devrions y être demain en milieu de journée. Je vous recontacterai à ce moment-là…

Au même moment, des hommes s'agitaient dans le camp. L’un d’eux avait entendu du bruit dans les frondaisons. Michael alerté par son pisteur, sortit de la tente de communication pour voir ce qu’il se passait avec ses inquiétudes en tête.

Il vit ses hommes pointer leurs armes vers les fougères qui remuaient à quelques mètres. Le sergent commandant la compagnie de soldats leur fit signe d’attendre son ordre avant de tirer.

Soudain, ils virent surgir un homme hagard qui s’avançait vers eux en titubant. Sur un geste du sergent, deux militaires lui sautèrent dessus et l’immobilisèrent.

— Le Grand Serpent… Le Grand Serpent… répétait l’homme les yeux dans le vide.

Reconnu comme un des tueurs du camp, les hommes le traînaient sans ménagement à l’écart pour l’attacher à un arbre.

— Nous allons l’interroger, dit le sergent à Michael.

— Je doute que vous en tiriez quelque chose. Il a l’air d’être aussi perturbé que l’était Armand quand nous l’avons trouvé…

— Ne vous inquiétez pas, mes hommes savent faire parler même les plus récalcitrants.

Michael frémit à ces mots. Il ne savait que trop bien quelles étaient les méthodes que l’armée utilise pour obtenir des renseignements. Il tourna le dos au sous-officier qui rejoignit ses hommes près de leur prisonnier.

Des cris et des hurlements s’élevèrent alors dans la forêt puis un coup de feu retentit.

Le sergent entra tête basse dans la tente de Michael.

— Alors ?

— Rien ! Il n’a rien dit. Il a juste fini en disant “le Grand Serpent vient me prendre.”

— Comme Armand, murmure Michael. Mais pourquoi avez-vous tiré ? Il est mort en disant ces mots non ?

— Oui, mais son corps bougeait encore. Comme s’il était possédé. Un des hommes a tiré dans la tête.

Michael hocha la tête sans rien dire. Il n’en savait toujours pas plus.

— Sergent ! Sergent !

— Qu’y a-t-il Patrick ? demanda le sergent au soldat qui venait d’entrer dans la tente.

— En fouillant le prisonnier, on a trouvé cette pierre. Je sais où ils sont.

En entendant ces mots, Michaël qui était un peu abattu après sa conversation avec Mama So se leva d'un bond en renversant sa chaise.

— Que dis-tu ? Tu sais où ils sont !

— Oui Monsieur Michaël ! Ils sont dans la mine de la grotte. Il n'y a que là que l'on trouve ces pierres bleues… dit-il en jetant une petite pierre brillante sur la table. Et comme la pierre est encore luisante, cela veut dire qu'il l’a ramassée il y a moins de trois heures.

— Comment cela ?

— Oh ! Vous savez. Quand j'étais enfant, il m'est arrivé de piéger des touristes en leur vendant des pierres comme cela. Avec des copains, on allait les chercher dans cette grotte… Enfin on ne s'enfonçait pas trop à cause du monstre qui vit dans les entrailles du volcan… et on ramenait quelques pierres que l'on arrachait aux parois. Seulement ces pierres perdent leur éclat au bout de trois à quatre heures, or celle-ci brille toujours.

— Ce qui veut dire que nous ne sommes plus très loin alors…

— Oui ! dit le sergent songeur. Si nous envoyons quelques hommes sur place pendant la nuit, nous pourrons informer les français de la position du Général.

Aussitôt Michaël et le sergent prirent contact avec le colonel français pour l'informer de la nouvelle situation.

— Bien ! Essayez de prendre le plus de renseignements possible. Signalez-nous votre position, des hélicoptères décolleront aussitôt que vous nous aurez confirmé la position du Général.

En quelques minutes, ils donnèrent à quelques hommes dont Vivien l'ordre de trouver cette grotte et de fournir des renseignements pour que les forces spéciales françaises pussent intervenir. Michael aurait aimé les accompagner mais sa présence les gênerait plus qu'autre chose. Avec le sergent, ils passèrent la nuit, accompagnés par une bouteille de whisky à se lever au moindre bruit qui pourrait indiquer le retour de leurs hommes.

Équipés de lunettes de vision nocturne, la dizaine d'hommes quitta le campement, guidés par le jeune soldat qui avait trouvé la pierre de la Déesse.

Ils avançaient silencieusement dans la jungle. Le bruit de la progression se noyait dans le brouhaha nocturne des animaux.

— Les singes sont très agités cette nuit, murmura un soldat à Vivien.

— Oui je trouve aussi… Mais c'est bien pour nous, les brigands ne nous entendront pas approcher.

— Là ! Regardez ! L'entrée de la grotte. Il n'y a qu'un garde…

— Il faudrait que l'on puisse entrer pour savoir combien ils sont à l'intérieur…

— Il n'y a aucune autre entrée ?

— Dans mon souvenir, non ! Et le Général connaît bien cette grotte. Il est de la région et à ce que l'on dit, c'est un serviteur du Grand Serpent.

Les hommes firent un signe de conjuration en entendant les paroles du jeune soldat. Certains regardaient avec angoisse autour d'eux. Les animaux trop remuants les inquiétaient. Ils avaient l'habitude de la jungle et ils savaient que même si la forêt est bruyante la nuit, cette nuit-là était trop agitée.

— Comment s'approcher et entrer ?

— Il faudrait éliminer ce garde ?

— Impossible… Si on le tue, ils sauront que nous sommes là et ils attendront les français voire ils tueront les otages…

— Et alors ? Ce sont des colonisateurs…

Ils se tournèrent tous vers l'homme qui venait de prononcer ces mots. Beaucoup d'entre eux se souvenaient des actes ou de l'inaction des militaires français lors des différents conflits qui enflammaient la région depuis des décennies. La mort de quelques européens ne les gênaient pas plus que cela et ils se disaient qu'ils pourraient nettoyer cette grotte eux même.

Le pisteur les fit taire.

— Je vais y aller… je suis le plus discret d'entre nous… Essayez de détourner l'attention du garde pendant une minute à mon signal et attendez-moi pendant une heure. Si dans une heure, je ne suis pas revenu ici, c'est qu'ils m'auront pris.

— Mais tu ne sais pas ce qui t'attend à l'intérieur !

— Je sais, mais, si on n'entre pas on ne saura pas non plus.

Il laissa là ses compagnons et il disparut dans la végétation. Ils suivirent sa progression grâce à leurs lunettes et quand ils le virent faire le signal, deux d'entre eux dérangèrent une famille de sangliers endormis et la repoussèrent vers la grotte. Le garde en voyant les bêtes venir vers lui quitta son poste juste le temps que le pisteur pénétra à l'intérieur.

Ce qu'il y découvrait, dépassait son imagination. Il connaissait les histoires et les légendes qui racontaient le combat entre le Grand Serpent et la Grande Déesse. Mais là, il les découvrait gravées dans la pierre. Il fut ébloui par ces parois qui luisaient malgré le faible éclairage des torches. Il abandonna ses lunettes pour laisser ses yeux s'habituer à cette nouvelle et étrange luminosité.

— Heureusement que c'est moi qui suis entré, pensa-t-il. Si un militaire était entré à ma place son uniforme l'aurait trahi immédiatement.

Il se cacha dans une anfractuosité juste après l'entrée de la caverne pour observer la situation. Il déposa son sac derrière un rocher et entra plus avant pour se mélanger avec un petit groupe d'hommes qui jouaient aux cartes. Certains levèrent la tête et l'invitèrent à jouer avec eux. Il s'arrangea pour perdre deux ou trois parties et les quitta pour s'enfoncer dans la grotte. Un autre groupe de garde à l'entrée d'une immense salle l'avait vu se lever du groupe de joueurs et le laissa passer sans rien dire.

Il put ainsi voir que le général avait toujours une centaine de soldats autour de lui. Il repéra de loin deux de ses lieutenants mais ne tenta pas de s'en approcher. Il longea, nonchalant, les alcôves qui servaient de dortoirs aux hommes et remarqua que l'une d'elle était gardée. Il tenta le tout pour le tout. Si elle était surveillée, cela voulait dire que les otages étaient là. Discrètement, il prit des photos avec son téléphone et s'approcha du garde à moitié endormi.

— Tu dors l'ami ? interpela-t-il le gardien.

— L'homme sursauta et le regarde intrigué.

— Tu es nouveau, toi ?

— Non, mais j'étais de patrouille dans la forêt. Je viens de rentrer. On a été attaqué par une bête sauvage…

— Le Grand Serpent ? Il paraît qu'il rôde dehors. J'ai cru le voir pendant la marche mais je n'ai rien vu.

— Je ne sais pas si c'est le Grand Serpent mais toujours est-il que trois de mes camarades sont morts.

Le garde prit un air contrit avant de lui répondre que dans la caverne ce n'était guère plus réjouissant.

— Les femmes ont disparu et le Général est en colère. Il a fait exécuter les hommes chargés de les surveiller.

— Et toi ?

— Oh moi je ne risque rien… Lui il ne bouge plus depuis hier et je pense qu'il ne bougera plus.

— Pourquoi ?

— Regarde par toi-même.

Il souleva le rideau qui isolait l'alcôve et le pisteur découvrit le corps de Franck, inanimé.

— Il est mort !

— Oui mais je n'ai rien dit. Je tiens à la vie… j'ai une femme et des enfants qui m'attendent.

Je te comprends… Mais dis-moi, les femmes, comment ont-elles disparues ?

— Je l'ignore mais on a retrouvé Zak, le crâne fracassé par une pierre dans ce couloir, au pied d'un éboulement… Le général nous a fait retourner toutes les pierres de la caverne… elles se sont volatilisées… Moi je pense que la Déesse les protégeait. La Française portait un pendentif de protection… Je l'avais dit au Général mais il m'a répondu que c'était des contes de bonnes femmes… Et la petite Ketia… c'est une prêtresse de la Déesse. Je le sais car j'ai connu sa mère...

Il ne dit rien et écouta le garde continuer de raconter les dernières heures dans la caverne. Il devait maintenant trouver un moyen de sortir pour retrouver ses compagnons et informer Michaël de la nouvelle situation.

— Ce n'est pas que ta conversation m'embête mais je viens de rentrer de patrouille. J'ai faim et je suis fatigué...

— Je comprends... pour dormir, tu as l'embarras du choix mais pour manger… je crois que nous n'avons plus grand chose. Les chasseurs sont rentrés bredouilles ces derniers jours…On est trop nombreux pour la forêt.

— Bah ! Je trouverai bien quelque chose à grignoter.

Il fit semblant de regarder dans les diverses alcôves comme pour chercher la meilleure pour s'installer et discrètement, il se dirigea vers la sortie.

Il espérait que ses compagnons regarderaient dans sa direction quand il apparaîtrait à l'entrée de la grotte afin qu'il pût passer sans se faire repérer par le garde. Il récupéra discrètement son sac et fit un signe discrètement. Au bout de ce qui lui sembla de longues minutes, il entendit un rugissement dans la forêt et la végétation agitée par de nombreux remous. Divers cris et grognement résonnaient, comme un combat entre deux animaux ou plus. Il regardait le garde qui comme lui, avait détourné le regard et s'avança un peu vers l'origine de ce raffut. Il en profita pour se glisser derrière lui et disparaître dans la nuit. Il avait obtenu toutes les informations nécessaires. Quand ils se sut hors de vision du bandit, il s'arrêta et se retourna pour regarder à nouveau dans la direction des grognements. Le garde était toujours immobile comme hypnotisé par ce qu'il voyait.

Un énorme lézard mais avec un corps long comme celui d'un serpent et plusieurs paires de pattes qui lui donnaient une agilité incroyable en rapport à sa taille, se dressait devant l'entrée de la caverne.

— Le Grand Serpent… Ce n'est pas une légende...

Il réussit à conserver son calme et évita surtout de regarder les yeux de la bête. Les histoires racontaient toutes que s'il nous regardait dans les yeux, il prenait possession de notre esprit.

Il se souvenait d'Armand et des hommes retrouvés morts le long de la piste. Il voyait aussi le garde immobile face à la bête. Lui avait été piégé par le regard.

Il prit son téléphone et malgré l'obscurité filma le combat entre le Grand Serpent et quelques hommes qui surgissaient de la grotte.

L'affrontement fut bref. Ceux qui venaient de surgir, avaient masqué leurs yeux et tiraient sans regarder dans la direction de leur cible. Le reptile recula sous les impacts de balles qui ne semblaient pas lui faire beaucoup de mal. D'un revers de queue, il balaya l'espace entre lui et ses agresseurs et faucha deux ou trois hommes qui s'étaient un peu trop approchés puis il disparut dans la nuit.

Il attendit un peu stupéfait par ce qu'il venait de voir. Il reprit ses esprits avant de retrouver ses compagnons qui eux aussi avaient suivi ce combat depuis leur poste d'observation. Ils se saluèrent rapidement en silence, soulagés de s’être retrouvés et de ne pas avoir eu à affronter ce monstre, puis ils rentrèrent sans traîner au campement

Ils marchaient rapidement, silencieusement. Les mots seraient pour plus tard quand ils seraient en sécurité.