Le lendemain, les deux jeunes gens progressaient le long de la rivière qui alimentait la cascade, accompagnés par Armand.
Les deux autres frères étaient restés au campement afin de finir de l'aménager car Elodie et Franck prévoyaient d’y rester plusieurs jours, le temps que la jeune femme puisse prendre les clichés qu’elle souhaite. Ils dégagent un peu le sol autour des tentes afin d’éviter que des animaux indésirables viennent les déranger dans leur sommeil. Occupés à couper et à nettoyer, ils ne voient pas les ombres furtives qui se déplacent autour d’eux.
— Jonas, je pense que ça doit être bon, le sol est suffisamment net…
Son frère regardait autour de lui et il lui confirma son avis.
— Oui, nous avons bien mérité notre bière.
Les deux frères rirent et, attablés, ils furent instantanément fauchés par une rafale d’arme automatique.
— Qu’est-ce ? demanda Franck, vous avez entendu ?
— Oui, dit Elodie. On dirait que cela vient de la direction du campement.
— Peut-être un animal qui s’est approché trop près de mes frères…
— Oui peut-être… répond
la jeune femme qui resta troublée malgré tout.
Franck eut un étrange pressentiment, quelque chose ne tournait pas rond. Autour d’eux, il n’entendait presque pas de cris d’animaux ou de chant d’oiseaux. Or, selon Michaël, cette vallée regorgeait de vie sauvage et était encore préservée de la cupidité humaine, il en avait eu la preuve la veille.
— Ne nous éloignons nous pas beaucoup du campement ?
— Non Madame, les gorilles sont beaucoup plus haut et des villageois ont raconté avoir aperçu des éléphants nains des montagnes…
Cette information titillait le centre du plaisir d’Elodie. Si elle parvenait à prendre suffisamment de clichés, elle pourrait faire la une de “Animaux et Nature”, ce magazine de prestige qui faisait rêver tous les photographes animaliers. Cette espèce était si rare que de nombreux zoologistes la considèrent comme éteinte.
Elle pressait alors le pas, trouvant une énergie nouvelle. Franck derrière eux restait aux aguets. Le moindre mouvement dans la forêt autour d’eux le faisait sursauter.
Comme montée sur ressorts, Elodie suivait Armand de près et ils distancèrent rapidement le jeune homme.
Après plusieurs minutes, elle proposa à Armand de s’arrêter pour l’attendre. De plus, malgré l’altitude, la chaleur commençait à se faire pesante dans ces montagnes chargées d’humidité.
— Oui ! Attendez-là, je vais l’aider à monter.
Assise sur un rocher, Elodie vit son guide disparaître dans la forêt. Elle prit son appareil photo pour prendre quelques images de la flore et des insectes qui butinaient les fleurs sauvages au parfum parfois très désagréable pour un nez humain. Elle eut un moment de surprise lorsqu'elle vit un étrange animal disparaître dans un buisson, une sorte de gros varan.
— Impossible ! J'ai confondre avec une souche d'arbre.
Toujours dans ses pensées, elle fut brutalement plaquée au sol et immobilisée. Sa tête fut recouverte par un sac de toile et ses poignets attachés dans son dos.
Trop effrayée pour crier, elle se laissa relever et guider par des mains fermes. Elle pouvait difficilement suivre la cadence de marche que lui imposaient ses ravisseurs. Plusieurs fois elle trébucha et tomba à genoux. On la remit debout sans ménagement et la marche reprit. Elle ne savait pas combien de fois elle gravit puis descendit des collines sur le sentier escarpé. Elle fut presque soulagée quand on la souleva pour la jeter brutalement sur le plancher d’un pick-up.
Quand le véhicule s’arrêta, on la sortit et on la força à se mettre à genou avant de lui retirer le sac qui l’aveuglait.
De son côté, Franck n’avait pas eu plus de chance. Armand après avoir quitté Elodie, rejoignit ses complices qui les suivaient depuis leur départ du campement et il leur donna la position de la jeune fille. Puis, avec un groupe de trois hommes, ils descendirent le sentier en direction du Blanc qui montait avec prudence. Quand ils l’entendirent approcher, ils se cachèrent dans les fougères qui longeaient le chemin. L’un d’eux se rua sur lui par derrière et l’assomma d’un coup de crosse derrière la tête.
— Abruti ! Tu l’as assommé, grommela Armand. On va être obligé de le porter.
Comme Elodie, Franck fut
ligoté et aveuglé avec un sac. Mais, ses ravisseurs prirent moins de gants
qu’avec la jeune femme. Un des hommes lui envoya un violent coup de pied dans
le ventre pour le réveiller et lui ordonner de se lever. Péniblement, avec un
terrible mal de tête, le ventre endolori, il se mit debout. On lui fixa une
corde autour du cou et il fut tiré. Si Elodie était guidée pour marcher, lui,
devait se méfier à chaque pas et il trébucha de nombreuses fois.
Lors du franchissement d’un gué, son pied glissa sur une pierre et le tranchant d’un rocher lui entailla profondément le ventre.
Les hommes qui le tiraient, posèrent juste un tissu dessus pour éponger la plaie et ils continuèrent leur progression jusqu'au lieu où les attendaient les voitures.
Le groupe d’Elodie était déjà parti et ils arrivèrent à la base rebelle bien après elle.
Franck fut aussi jeté dans cette salle, mais ils ne lui retirent pas son sac alors qu’il était au sol, épuisé par sa blessure.
Quand Michael apprit la nouvelle de l'assassinat des fils de James, il se rendit chez le couple éprouvé par le chagrin et encore sous le choc. Tout le village était là. Les villageois s'écartaient pour le laisser entrer. Personne ne comprenait comment des brigands avaient pu s’approcher autant du village. Cette région était considérée comme la plus sûre du pays et ses habitants en tirait de la fierté car ils avaient eux-mêmes participé à sa sécurisation. Certes, des drones armés de puissances étrangères les avaient aidés mais ce fut eux qui avaient délogés les derniers pseudo-rebelles de leurs caches dans les collines alentours.
Quand elle le vit arriver Mama So comme l’appelaient les gens du village vint vers lui.
— Je leur avais dit de ne pas se rendre dans les monts Brumeux…. L’esprit du volcan s’est réveillé et il va bientôt frapper…
— Allons Mama So, dit Michaël en la prenant dans ses bras. Ce n’est pas un esprit qui les a tués, ce sont des hommes. On les retrouvera et on les punira comme ils le méritent. Je vous le promets.
James attrapa doucement sa femme abattue par le chagrin et la fit rentrer dans la maison. La foule commençait à gronder autour de Michaël. Elle réclamait justice pour ces jeunes gens.
— Doucement mes amis, pour le moment nous n’avons aucune information sur ceux qui ont pu faire cela… De plus, nous sommes toujours sans nouvelles de mes amis qui sont dans la montagne. Je vais voir avec la police et l’armée, je me rendrai avec eux sur les lieux de l’attaque pour me renseigner…
Il regarda l’effet de ses paroles sûr la foule qui se calma un peu.
— Mes amis, ne faites rien avant mon retour.
Prenant James avec lui, Michaël se rendit aussi rapidement que le permettent les pistes dégradées par la saison des pluies jusqu'à la ville voisine. Ils passèrent de nombreuses heures à négocier avec le capitaine du détachement de l'armée gouvernementale qui avait déjà bien du mal à faire respecter l'ordre sur la frontière.
— Oui nous avons été informés de ces assassinats et de la disparition de ce couple, mais j’ignorais qu’il s’agissait de vos amis.
— En quoi cela change-t-il les choses ?
— En rien, hélas ! Je n'ai pas assez d'hommes fiables pour vous aider. Mais peut-être que les forces étrangères basées de l’autre côté de la frontière pourrait vous aider ?
— Merci ! Mais, attention ! Je ne pourrais pas retenir longtemps les villageois. Les fils de James et Mama So étaient respectés et appréciés. Les villageois crient vengeance et vous savez ce dont ils sont capables…
Oui je sais, je vais envoyer un détachement dans la vallée où les meurtres ont eu lieu pour récupérer les corps. Et si vous arrivez à convaincre les français de faire survoler la zone par leurs avions peut être arriverons-nous à empêcher un bain de sang.
Quand ils sortirent de la caserne, James était désespéré.
— Les français ! Ils se fichent bien de mes fils…
— De tes fils peut être ! Mais pas des deux blancs qui ont disparu…
Au moment où il dit cela, deux chasseurs de l’aviation française survolaient la ville à basse altitude en direction des monts brumeux.
— Tiens tu vois !
— Oui, Monsieur Michael, mais ce n’est pas cela qui va me ramener mes fils…
— Je le sais, mais je te promets que nous retrouverons leurs meurtriers.
Michael pensait à ses amis disparus et grâce à la voiture de sa fondation, le passage de la frontière fut une formalité. Il eut plus de mal à obtenir une entrevue avec le commandant de la base aérienne française, Mais là encore, sa réputation d’homme intègre l'avait précédé
— Mon colonel ! Je comprends bien que cela ne rentre pas dans les attributions de votre mission, mais ne pourriez-vous pas faire un geste. Il s’agit de vos compatriotes.
— Je le sais, et de plus, il s’agirait d’un groupe de rebelles que nous surveillons depuis quelques semaines. Je ne peux rien vous dire de plus précis, mais nous avons la preuve que vos amis sont vivants.
Michaël poussa un soupir de soulagement à cette annonce.
— Et mon fils ? demande James avec espoir. Mon petit Armand ?
— Je ne peux rien vous dire car si sur les images, il nous est facile de repérer deux blancs hélas pour votre fils, il nous aurait fallu une photo récente.
— Hélas ! Je n’en ai pas…
— Gardez espoir, tant que son corps n’a pas été retrouvé, il est peut-être vivant.
Sur ces mots, ils quittèrent le colonel et Michael fit un détour par l'hôpital de la base pour récupérer quelques produits pour le dispensaire.
Sur le trajet retour, ils furent survolés par deux hélicoptère de l'armée gouvernementale qui comme promis par le capitaine, allait déposer un détachement de soldats.
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