Quelques mois plus tard,
Elodie et Franck débarquaient de l'avion dans cet aérodrome de l'Est du Congo
situé au pied les montagnes de la Lune.
Elodie était aux anges.
Son enfance avait été bercée par les récits des explorateurs du dix-neuvième
siècle qui découvraient et faisaient découvrir ces territoires inconnus des
européens.
Quelques animaux rares
tels que l'okapi où l'éléphant des forêts survivaient encore au cœur des
forêts dans les montagnes souvent couvertes de brume. Cela faisait des années
qu'elle rêvait de les découvrir dans leur milieu naturel et non dans des parcs
zoologiques.
Avec un peu de chance
peut-être pourraient-ils même apercevoir les derniers gorilles des montagnes
dans leur milieu naturel.
— C'est le plus beau
cadeau que tu pouvais me faire. Depuis le temps que je rêvais de découvrir
l'Afrique.
— C'est aussi grâce à
Michaël. Sans lui, je n'aurais jamais pensé venir ici, loin des sentiers battus
par les touristes.
— N'est-ce pas lui qui
nous fait signe ?
En voyant l'homme qui
faisait de grands signes devant le bâtiment de l'aérogare, Franck prit leurs
sacs et ils se dirigèrent vers lui. Les deux hommes s'embrassèrent et Franck
présenta son épouse à son ami.
— Suivez-moi ! Nous
n'allons pas nous éterniser ici.
Il attrapa le sac à dos
d'Elodie et le jeta à l'arrière de son pick-up tout terrain au milieu de
matériels divers et variés. Avec une conduite adroite au milieu de la
circulation anarchique de cette ville, ils quittèrent les bidonvilles
environnants et ils traversèrent les champs en direction de la forêt et des
montagnes.
— Nous en avons pour
environ deux heures jusqu'à ma petite propriété, mais une fois là-bas, nous
serons presque coupés du monde moderne…
— Bah ! Cela ne pourra
pas nous faire de mal de vivre au rythme local pendant quelques semaines.
Elodie était hypnotisée
par le paysage et les arbres qui défilaient de chaque côté de la piste. Elle
espérait apercevoir un animal sous les frondaisons.
— Ne t'attends pas à voir
quoi que ce soit le long de la route. Les grands animaux ont fui ou ont été
chassés depuis bien longtemps. Tu verras peut-être un ou deux oiseaux mais rien
de plus.
Avec une moue déçue, elle
regardait la route qui défilait devant elle, participant sans enthousiasme à la
conversation entre les deux hommes qui se remémoraient leurs souvenirs de
jeunesse quand ils étaient ensemble sur les bancs de l'université.
— Voici mon palais ! Leur
lance Michaël en montrant une vieille bâtisse de style colonial au bout d'une
allée. Il lui faudrait un bon ravalement mais avec le climat d'ici, les
peintures ne durent jamais longtemps. Mais vous verrez qu’à l'intérieur vous
bénéficierez de tout le confort."
Il s'arrêta devant
l'entrée et un homme d'un certain âge s'approcha de la voiture et prit leurs
bagages.
— Je vous présente James,
mon majordome-homme-à-tout-faire-jardinier… Enfin c'est lui qui entretient la
maison et le jardin et qui gère les quelques personnes qui travaillent ici.
— Le vieil homme les
salua et monta leurs sacs dans la chambre qui leur avait été attribuée.
Voici la chambre que
Monsieur Michaël m'a demandé de vous préparer. Elle donne sur la montagne et le
matin vous pourrez voir le soleil se lever derrière les sommets embrumés.
— Merci James ! Il se
retire alors. Les deux amants prennent le temps de s'installer même s'ils ne vont
pas rester longtemps chez leur ami avant leur périple dans la forêt.
Pendant le repas, Michaël
leur expliqua comment il était devenu le propriétaire de ce domaine et la
manière dont il continuait de le faire vivre en essayant de respecter les
volontés de son grand-oncle qui en avait hérité de son père.
— Ce domaine a toujours
été un havre de paix, même au moment de l'indépendance et pendant la guerre
civile qui a ravagé le pays il y a quelques années. Les différents clans se
sont toujours tenus à l'écart des limites de la propriété et avec mes employés
nous avons aidé et soigné tous ceux qui se présentaient. La seule condition
pour eux est de laisser leurs armes à l'extérieur.
— Que fais-tu exactement
? demande Elodie.
Je m'occupe de la gestion
d'un dispensaire où nous formons les habitants aux gestes de premiers secours.
Il y a aussi une école et surtout nous exploitons les bois précieux pour
l'exportation. Mais cela devient de plus en plus difficile car cette richesse
attire les convoitises de nombreux trafiquants. D'ailleurs, pendant votre
virée, je vous ferai accompagner par les fils de James pour plus de sécurité.
— Tu m'avais dit que la
région était sûre !
— Oui, elle est sécurisée
mais, depuis quelques mois, les forces de sécurité ont plusieurs fois aperçu
des bandes armées qui viendraient de l'autre côté de la frontière, et comme
vous serez loin de tout, je préfère être prudent…
— Merci !
— Et en plus, ils
connaissent bien la forêt, ils pourront vous indiquer les meilleurs lieux pour
observer la faune. Ils vous aideront aussi à préparer. Je leur fais entièrement
confiance.
La soirée se termina
tranquillement sur la terrasse dans la nuit tropicale au son des animaux
nocturnes qui sortaient de leur tanière pour commencer à chercher leur
nourriture.
Franck et les trois
jeunes hommes préparaient l'expédition avec parfois des discussions animées sur
les différents sites de visite et surtout le matériel à emporter. Pendant ce
temps, Elodie accompagnée de James visitait la propriété et en particulier le
dispensaire et l'école où elle commençait à prendre des clichés. Elle se lia
rapidement avec le majordome qui lui expliquait que de nombreux enfants ont
trouvé refuge ici après avoir fui leurs villages dévastés par les bandes armées
qui sévissaient de l'autre côté de la frontière.
— Nous ne risquerons rien
quand nous serons dans la forêt ?
— Avec mes fils vous
serez en parfaite sécurité. Vous êtes les amis de Michaël et rien que pour
cela, vous êtes plus précieux que le plus gros des diamants, lui dit-il en
arborant un large sourire qui fait ressortir la blancheur de ses dents.
— Merci ! lui
répondit-elle simplement. Je crois que nous devrions rentrer, cela va être
l'heure du dîner.
Dès qu'il les vit
arriver, Franck s'approcha radieux.
— Tout est prêt ! Demain
nous pouvons commencer notre voyage dans les montagnes.
— Super ! Je vérifierai
mon matériel une dernière fois avant de me coucher.
Insouciants parce
qu’ignorants du danger qui les menaçait, les trois jeunes gens prenaient un
dernier dîner sur la terrasse de la villa, servi comme il se devait par James
qui ne pouvait s'empêcher d'être inquiet pour la jeune femme.
— Monsieur Michaël ! J'ai
un mauvais pressentiment, dit-il alors qu'ils se retrouvaient seuls après que
les nouveaux mariés se fussent rendus dans leur chambre.
— Comment cela ?
— Ma femme a vu dans ses
rêves que deux jeunes blancs seraient en danger dans les montagnes. Les mauvais
esprits rôdent depuis quelques temps autours des Monts Brumeux.
— Ce ne sont que des
rêves ! Arrête de t'en faire ! Je connais Franck, il ne mettra jamais la vie de
sa femme en danger. Et tes gars seront avec eux. Ce sont les meilleurs pisteurs
que je connaisse.
— Je le sais ! Mais ma
femme a le don…
— Je le leur dirai demain
matin. Va te reposer, tu as eu une dure journée.
— Merci Monsieur !
Soucieux, James regagna
la petite maison où il vivait avec sa femme.
— Alors tu as pu les
retenir ?
— Hélas ! Non. Tu sais
comment sont les blancs. Ils ne croient pas aux esprits.
— Il va arriver malheur à
la jeune femme. Je l'ai vu. L'Esprit de la montagne s'est réveillé et il va
venir se venger d'avoir été enfermé.
Sur ces mots, elle se retourna vers un autel et
commença une litanie entourée de fumée de diverses plantes aromatiques tandis
que son mari allait se coucher.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire