samedi 20 juin 2020

Le Voyage de Noces -02- Arrivée

Quelques mois plus tard, Elodie et Franck débarquaient de l'avion dans cet aérodrome de l'Est du Congo situé au pied les montagnes de la Lune.
Elodie était aux anges. Son enfance avait été bercée par les récits des explorateurs du dix-neuvième siècle qui découvraient et faisaient découvrir ces territoires inconnus des européens.
Quelques animaux rares tels que l'okapi où l'éléphant des forêts survivaient encore au cœur des forêts dans les montagnes souvent couvertes de brume. Cela faisait des années qu'elle rêvait de les découvrir dans leur milieu naturel et non dans des parcs zoologiques.
Avec un peu de chance peut-être pourraient-ils même apercevoir les derniers gorilles des montagnes dans leur milieu naturel.
— C'est le plus beau cadeau que tu pouvais me faire. Depuis le temps que je rêvais de découvrir l'Afrique.
— C'est aussi grâce à Michaël. Sans lui, je n'aurais jamais pensé venir ici, loin des sentiers battus par les touristes.
— N'est-ce pas lui qui nous fait signe ?
En voyant l'homme qui faisait de grands signes devant le bâtiment de l'aérogare, Franck prit leurs sacs et ils se dirigèrent vers lui. Les deux hommes s'embrassèrent et Franck présenta son épouse à son ami.
— Suivez-moi ! Nous n'allons pas nous éterniser ici.
Il attrapa le sac à dos d'Elodie et le jeta à l'arrière de son pick-up tout terrain au milieu de matériels divers et variés. Avec une conduite adroite au milieu de la circulation anarchique de cette ville, ils quittèrent les bidonvilles environnants et ils traversèrent les champs en direction de la forêt et des montagnes.
— Nous en avons pour environ deux heures jusqu'à ma petite propriété, mais une fois là-bas, nous serons presque coupés du monde moderne…
— Bah ! Cela ne pourra pas nous faire de mal de vivre au rythme local pendant quelques semaines.
Elodie était hypnotisée par le paysage et les arbres qui défilaient de chaque côté de la piste. Elle espérait apercevoir un animal sous les frondaisons.
— Ne t'attends pas à voir quoi que ce soit le long de la route. Les grands animaux ont fui ou ont été chassés depuis bien longtemps. Tu verras peut-être un ou deux oiseaux mais rien de plus.
Avec une moue déçue, elle regardait la route qui défilait devant elle, participant sans enthousiasme à la conversation entre les deux hommes qui se remémoraient leurs souvenirs de jeunesse quand ils étaient ensemble sur les bancs de l'université.
— Voici mon palais ! Leur lance Michaël en montrant une vieille bâtisse de style colonial au bout d'une allée. Il lui faudrait un bon ravalement mais avec le climat d'ici, les peintures ne durent jamais longtemps. Mais vous verrez qu’à l'intérieur vous bénéficierez de tout le confort."
Il s'arrêta devant l'entrée et un homme d'un certain âge s'approcha de la voiture et prit leurs bagages.
— Je vous présente James, mon majordome-homme-à-tout-faire-jardinier… Enfin c'est lui qui entretient la maison et le jardin et qui gère les quelques personnes qui travaillent ici.
— Le vieil homme les salua et monta leurs sacs dans la chambre qui leur avait été attribuée.
Voici la chambre que Monsieur Michaël m'a demandé de vous préparer. Elle donne sur la montagne et le matin vous pourrez voir le soleil se lever derrière les sommets embrumés.
— Merci James ! Il se retire alors. Les deux amants prennent le temps de s'installer même s'ils ne vont pas rester longtemps chez leur ami avant leur périple dans la forêt.
Pendant le repas, Michaël leur expliqua comment il était devenu le propriétaire de ce domaine et la manière dont il continuait de le faire vivre en essayant de respecter les volontés de son grand-oncle qui en avait hérité de son père.
— Ce domaine a toujours été un havre de paix, même au moment de l'indépendance et pendant la guerre civile qui a ravagé le pays il y a quelques années. Les différents clans se sont toujours tenus à l'écart des limites de la propriété et avec mes employés nous avons aidé et soigné tous ceux qui se présentaient. La seule condition pour eux est de laisser leurs armes à l'extérieur.
— Que fais-tu exactement ? demande Elodie.
Je m'occupe de la gestion d'un dispensaire où nous formons les habitants aux gestes de premiers secours. Il y a aussi une école et surtout nous exploitons les bois précieux pour l'exportation. Mais cela devient de plus en plus difficile car cette richesse attire les convoitises de nombreux trafiquants. D'ailleurs, pendant votre virée, je vous ferai accompagner par les fils de James pour plus de sécurité.
— Tu m'avais dit que la région était sûre !
— Oui, elle est sécurisée mais, depuis quelques mois, les forces de sécurité ont plusieurs fois aperçu des bandes armées qui viendraient de l'autre côté de la frontière, et comme vous serez loin de tout, je préfère être prudent…
— Merci !
— Et en plus, ils connaissent bien la forêt, ils pourront vous indiquer les meilleurs lieux pour observer la faune. Ils vous aideront aussi à préparer. Je leur fais entièrement confiance.
La soirée se termina tranquillement sur la terrasse dans la nuit tropicale au son des animaux nocturnes qui sortaient de leur tanière pour commencer à chercher leur nourriture.

Franck et les trois jeunes hommes préparaient l'expédition avec parfois des discussions animées sur les différents sites de visite et surtout le matériel à emporter. Pendant ce temps, Elodie accompagnée de James visitait la propriété et en particulier le dispensaire et l'école où elle commençait à prendre des clichés. Elle se lia rapidement avec le majordome qui lui expliquait que de nombreux enfants ont trouvé refuge ici après avoir fui leurs villages dévastés par les bandes armées qui sévissaient de l'autre côté de la frontière.
— Nous ne risquerons rien quand nous serons dans la forêt ?
— Avec mes fils vous serez en parfaite sécurité. Vous êtes les amis de Michaël et rien que pour cela, vous êtes plus précieux que le plus gros des diamants, lui dit-il en arborant un large sourire qui fait ressortir la blancheur de ses dents.
— Merci ! lui répondit-elle simplement. Je crois que nous devrions rentrer, cela va être l'heure du dîner.
Dès qu'il les vit arriver, Franck s'approcha radieux.
— Tout est prêt ! Demain nous pouvons commencer notre voyage dans les montagnes.
— Super ! Je vérifierai mon matériel une dernière fois avant de me coucher.
Insouciants parce qu’ignorants du danger qui les menaçait, les trois jeunes gens prenaient un dernier dîner sur la terrasse de la villa, servi comme il se devait par James qui ne pouvait s'empêcher d'être inquiet pour la jeune femme.
— Monsieur Michaël ! J'ai un mauvais pressentiment, dit-il alors qu'ils se retrouvaient seuls après que les nouveaux mariés se fussent rendus dans leur chambre.
— Comment cela ?
— Ma femme a vu dans ses rêves que deux jeunes blancs seraient en danger dans les montagnes. Les mauvais esprits rôdent depuis quelques temps autours des Monts Brumeux.
— Ce ne sont que des rêves ! Arrête de t'en faire ! Je connais Franck, il ne mettra jamais la vie de sa femme en danger. Et tes gars seront avec eux. Ce sont les meilleurs pisteurs que je connaisse.
— Je le sais ! Mais ma femme a le don…
— Je le leur dirai demain matin. Va te reposer, tu as eu une dure journée.
— Merci Monsieur !
Soucieux, James regagna la petite maison où il vivait avec sa femme.
— Alors tu as pu les retenir ?
— Hélas ! Non. Tu sais comment sont les blancs. Ils ne croient pas aux esprits.
— Il va arriver malheur à la jeune femme. Je l'ai vu. L'Esprit de la montagne s'est réveillé et il va venir se venger d'avoir été enfermé.
Sur ces mots, elle se retourna vers un autel et commença une litanie entourée de fumée de diverses plantes aromatiques tandis que son mari allait se coucher.

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