Eshe
était au chevet de l'homme que deux serviteurs de la Dame avaient ramené au
château. Cela faisait plusieurs jours qu'il était alité. Il n'avait pas encore
repris conscience. À tour de rôle, les Veilleurs se relayaient à son chevet. Ils
étaient curieux de connaître le but de l'Appelé.
—
Alors ? Toujours rien ?
—
Non ! Cela en devient inquiétant. Je n'ai jamais vu un retour aussi long.
—
Moi une fois, il y a longtemps. Qu'a-t-il pu découvrir ?
—
Lui seul le sait, et... qui sait s'il voudra nous le révéler.
—
En général, ils ont besoin de parler à leur réveil. Leur esprit a du mal à
accepter la connaissance et nous sommes là pour les aider à affronter ce
moment. Va te reposer, je prends le relais.
Sylvie
s'installa dans un fauteuil et se plongea dans le dernier roman à la mode. Du
coin de l'œil, elle surveillait Florent dont l'état ne semblait pas évoluer.
Elle se souvenait d'un Appelé qui était resté presque un mois comme cela. Ils
avaient dû lui faire couler de la nourriture dans la bouche pour ne pas le
perdre. Il avait ensuite fallu plusieurs semaines à cette jeune femme pour
accepter de croire ce qu'elle avait appris. Elle avait préféré rentrer chez
elle et s'isoler au fond d'une vallée perdue et devenir une voyante que l'on
venait consulter de loin. Si elle avait agi et fait le geste qu'elle avait vu
lors de son passage chez la Dame, bien des drames auraient pu être évités. Ce
fut la première fois que Sylvie et Arthur s'étaient trompés sur un Appelé mais
hélas pas la dernière. Les erreurs devenaient de plus en plus fréquentes au fil
du temps avec la dilution et la disparition du Sang Sacré.
—
Sera-t-il à la hauteur de nos espérances ? pensa-t-elle.
Alors
que le soleil jetait ses derniers feux derrière les sommets enneigés, Sylvie
achevait sa lecture. Il n'y avait toujours aucun mouvement de la part de
Florent, aucun signe d'un réveil prochain. Elle commençait à s'inquiéter, cela
signifiait qu'il était en train d'explorer de nombreuses possibilités d'action.
La
porte s'ouvrit lentement, tandis que Günter entrait pour la relayer.
—
Toujours rien ?
—
Non, rien…
—
Descends rejoindre les autres ! Il semblerait que la Dame ait décidé de vous
rendre visite.
—
La dame !
—
Oui ! Eléonore a reçu un message pendant sommeil. La Dame lui demandait de vous
rassembler dans le Cercle.
—
Mais on ne peut pas partir tant qu'il ne s'est pas réveillé, il va avoir besoin
de nous !
—
Ne t'inquiète pas, je vais veiller sur lui…
—
Aucun Appelé ne s'est jamais retrouvé seul sans l'un d'entre nous à son réveil…
—
Il faut un début à tout et je sais de qui il va avoir besoin, dit-il en
souriant l'œil malicieux.
Sylvie
le regardait sans comprendre.
—
Vous ne comprendrez jamais les humains. Votre empathie est nécessaire au moment
de leur éveil, mais vous n'êtes pas les seuls à pouvoir leur en donner, ils ont
un autre moyen de l'obtenir… Mais dépêche-toi. Tu vas être en retard pour le
départ de l'avion.
—
Tu m'expliqueras tout cela au retour.
Elle
sortit, encore plus perplexe qu'après avoir appris que la Dame les convoquait.
Lorsqu'elle
arriva dans la grande salle du château, ils étaient tous là autour de la table
et les discussions allaient bon train, mais ils se turent et la fixèrent avec
des airs interrogatifs en la voyant entrer.
—
Alors ?
D'un
signe de tête, elle leur fit comprendre qu'il n'y avait pas de changement. Puis
regardant Eléonore, elle lui demanda si elle connaissait la raison de leur
convocation.
—
Je ne comprends pas, la Dame sait pourtant que nous avons un Appelé.
—
Nous sommes aussi perplexes que toi, répondit Hiroshi.
Elle
s'installa à sa place et commença à manger pour rattraper les autres qui
avaient presque atteint le dessert préparé par la cuisinière.
Les
discussions autour de la table tournaient sur cette demande de la Dame de la
rejoindre dans le Wiltshire et sur ce que pouvait bien avoir vu Florent pendant
son séjour dans le lac.
—
Il ne faut pas oublier que c'est presque un Sang Pur, il a dû avoir
connaissance de bien plus de choses que les autres avant lui.
—
C'est vrai, mais son sommeil est vraiment long.
—
Bah ! Cela ne sert à rien de spéculer, nous ne le saurons pas avant son réveil.
Je crois que Günter a fait préparer l'avion. Nous devrions y aller.
Ils
se retrouvèrent tous dans la cour du château. Plusieurs taxis réservés par le
majordome les attendaient pour les conduire au petit aérodrome situé à quelques
kilomètres.
—
J'aurais bien aimé dire au revoir à Florent avant de partir.
—
Tu le reverras à notre retour.
—
Ou pas ! On ne sait jamais combien de temps dure une réunion avec la Dame.
Arthur
partit dans un grand rire en montant dans la voiture.
—
Tu as raison… cinq minutes ! Ou cinq siècles ! Nous le saurons en sortant du
cercle.
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