A l'aube, excité, le jeune couple était prêt à partir. James faisait ses dernières recommandations à ses fils. Ils chargeaient les sacs à dos avec le matériel nécessaire à leur expédition dans le pick-up de Michaël qui allait les accompagner jusqu'au bout de la piste aux pieds des montagnes. Cela leur ferait gagner trois jours de voyage, s'ils avaient dû le faire à pieds. Quand ils sortirent de la propriété, ils virent arriver en courant l'épouse de James. Michaël s'arrêta. Elle se dirigea vers l'arrière du pick-up et lança quelques mots en swahili vers ses enfants qui hochaient la tête. Satisfaite, elle revint vers la cabine.
— Mademoiselle Elodie ! Mettez ce gri-gri autour de votre cou et surtout ne
le retirez jamais. Il vous protégera.
— Merci Madame ! dit-elle en prenant le pendentif de cuir en forme de
petite bourse et le passe par-dessus sa tête.
— Pour vous Monsieur Franck, je ne peux rien faire ! Soyez prudent et
méfiez-vous du Grand Serpent.
Intrigués par les paroles de la vieille femme, ils lui promirent d'être
attentifs et ils lui dirent qu'avec ses fils, ils ne risquaient rien. Quand il
redémarra, Michaël leur dit de ne pas s'inquiéter des propos de la vieille
femme. Elle était un peu folle et les villageois la prenaient pour une
sorcière.
— Elle semblait pourtant très inquiète en nous voyant partir.
Vu la situation de la région, ce n'est pas difficile de prédire des
malheurs. Ce serait plutôt l'inverse qui serait étrange. C'est pour cela que
j'ai insisté pour que ces trois jeunes gens vous accompagnent. Je suis estimé
dans la région et tout le monde connaît ou a entendu parler de James et surtout
de sa belle-sœur qui avait longtemps dirigé d'une main de fer, un dispensaire
non loin de la frontière. Je ne connais personne qui s'en prendrait à ses
neveux.
— Plus tu nous en racontes et plus je me dis que nous n'aurions pas dû
faire ce voyage…
— Mais Franck ! Tu as entendu ce que Michael vient de nous dire. On ne
risque rien.
En disant cela, Elodie serra machinalement le gri-gri entre ses doigts et
elle sentit une odeur suave remplir l'habitacle.
— Oui je sais bien ! Mais son regard m'a donné des frissons dans le dos.
— Pourquoi parlez-vous de cette femme au passé ?
— Disons que de manière assez incompréhensible, elle a quitté la région du
jour au lendemain en disant qu'elle reviendrait bientôt mais…
Il ne finit pas sa phrase, laissant les deux amants suspendus à ses lèvres.
— Mais quoi ?...
— Un jour, elle s'est rendue dans un village isolé de la montagne. Les
villageois parlaient d'une possédée par les esprits, elle ne devait y rester
que quelques jours pour voir de quoi il retournait, mais son séjour dura plus
d'un mois. La femme vivait dans une cabane isolée non loin d'une rivière.
Madame Rose comme tout le monde l'appelait, y est allée et elle a disparu.
Quand elle est réapparue au village, elle était transformée et en rentrant au
dispensaire, elle en a laissé les clefs à son assistant avant de partir en
Europe pour quelques semaines. Cela va maintenant faire presque vingt ans
qu'elle y est et nous ignorons ce qu'elle est devenue.
— Pas même, une lettre ? demanda Elodie
— Elle ne s'est pas faite piéger par des passeurs indélicats ?
— Non Franck ! Elle est partie de manière légale, invitée par une association.
Nous avons eu de ses nouvelles pendant quelques semaines puis dans un de ses
courriers, elle a annoncé à sa sœur qu'elle se rendait au château des
Veilleurs. Et depuis, plus de nouvelles !
— Où se trouve ce château ? Nous pourrons peut-être aller y faire un tour à
notre retour. Qu'en penses-tu Franck ?
Franck eut un grognement.
— Pourquoi pas ? Mais si la police n'a rien pu trouver, je ne vois pas ce
que nous trouverions de plus.
— D'après ce que nous savons, il se situerait quelque part au sud de
l'Allemagne.
— Ça nous fera l'occasion d'un voyage… lança la jeune femme souriante.
Michael s'arrêta alors au centre d'un village.
— Voilà ! Je ne peux pas vous accompagner plus loin, la piste s'arrête là.
Les villageois sont au courant de votre venue et vous passerez la nuit au
village. Reposez-vous car marcher dans ces montagnes est épuisant.
— Merci Michael ! dit Franck. Oui nous allons nous reposer mais nous
n'allons passer que quelques jours dans la montagne…
Les deux jeunes gens rigolèrent de concert tandis que leurs accompagnateurs
transportaient leurs sacs vers la baraque qui leur avait été attribuée.
Ils passèrent la fin de l'après-midi à vérifier si rien ne leur manquait et
tandis que Elodie vérifiait le bon fonctionnement de son matériel, Franck et
Blaise, le fils aîné de James, se renseignaient sur les meilleurs sites
d'observation des animaux sauvages.
Les villageois les mirent en garde de ne pas trop s'approcher du volcan qui
grondait depuis plusieurs semaines et d'éviter la grande vallée où des bandes
armées avaient été aperçues.
Pour féliciter le jeune couple de leur récent mariage, le village organisa
une fête. Ils furent invités à participer aux chants et aux danses et ils
s'endormirent dans les bras l'un de l'autre, épuisés mais ravis
Pendant que les deux amants dormaient, personne ne vit Armand, le plus
jeune des trois frères, se glisser hors du village et rejoindre un groupe
d'hommes en armes dans la forêt.
— Ils partiront demain matin et nous les guiderons vers le lac Bleu. La
femme veut prendre des photos des animaux. D'après ce qu'ils ont prévu avec mon
frère, on devrait installer le campement sur l'escarpement au pied de la
cascade.
— Merci pour le renseignement. Voici pour toi et surtout fais comme si tu
ne nous avais jamais rencontrés.
L'un des hommes lui donna une enveloppe et ils disparurent
silencieusement dans la forêt, le bruit de leur pas masqué par les cris des
animaux nocturnes.
Dans la brume matinale, le petit groupe progressait lentement dans la
forêt, Elodie ne ratait pas une occasion de prendre des images, même si elle
n'apercevait que peu d'animaux, elle savourait chaque instant, chaque pas.
Franck discutait avec Blaise qui leur servait de guide et de pisteur. Alors que
l'après-midi avancait, et comme ils l'avaient prévu, ils se trouvaient au bord
d'un lac. Ils en firent le tour pour installer le campement au pied de la
falaise, non loin d'une cascade qui leur apportait une brume rafraîchissante.
Une fois les tentes montées, Elodie sortit son ordinateur de voyage pour contrôler
ses clichés du jour et les envoyer via une liaison satellite, sur son
ordinateur dans leur appartement.
— Ce lieu est fabuleux ! dit-elle tout en regardant les images qu'elle
avait prises dans la journée. Regarde ce singe !
— Oui je me souviens, c'est le groupe qui nous a suivis de longues minutes
quand nous longions la rivière.
— Exactement ! Et ils sautaient d'arbre en arbre en nous surveillant.
Elle faisait défiler ses photos les unes après les autres et ils les
commentaient ensemble.
— Et toi, tu as trouvé l'inspiration pour tes futures créations ?
— Oh non ! Moi je suis en vacances. Et je compte en profiter, lui dit-il en
la serrant dans ses bras.
Les prochains jours s'annonçaient merveilleux, pensait-elle.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire