lundi 15 juin 2020

Le Trompettiste -04- L'Appelé


À des centaines de kilomètres de là ou peut être beaucoup près, Florent se retrouva devant cette femme resplendissante dont la chevelure rayonnait comme le soleil. Elle lui tendit la main et elle l'entraîna lentement sous la surface calme du lac. Au moment où son visage fut recouvert d'eau, il eut un instant de panique. Il s'apprêtait à prendre sa respiration quand il réalisa qu'il semblait être entouré par une bulle d'air. La dame du lac lui sourit et l'invita à la suivre. Sans crainte, rassuré par ce sourire, il avança sur une allée qui les mena au pied d'une sorte de temple grec.
Une lumière diffuse semblait provenir de nulle part et éclairait les environs d'une lueur fantasmagorique. Il aperçut divers animaux qui s’ébattaient sur la pelouse alentour entre eux et l'orée d'une forêt étrange. Il regarda, curieux, intrigué, fasciné par ce qu'il découvrait.
À l'intérieur du bâtiment, la femme se tourna vers lui toujours souriante, la chevelure étincelante.
— Savez-vous qui je suis et où vous êtes ?
— Je suis dans un rêve et vous pourriez être la Dame du Lac des légendes, la fée Viviane. Mais je sais que je ne dors pas et que je ne rêve pas. Tout ceci est bien réel.
— Oui, ceci est réel. Je serai donc Viviane pour vous. C’était en effet l'un des noms que l'on m'a donnés il y a longtemps.
— Je suis donc à Avalon ?
— Oui ! En quelque sorte, mais ce lieu n'existe pas au sens où vous le connaissez. Oubliez ce que vous savez sur le temps et l'espace.
— Pourquoi suis-je ici ?
—Vous êtes ici, car vous avez été choisi depuis longtemps. Vous faites partie des "Appelés".
— Des "Appelés" ?
— Oui ! Les "Appelés" sont des gens qui ont la possibilité par leurs actions d'infléchir la courbe du Destin.
— Mais je ne suis qu'un simple trompettiste sans avenir…
— Connaissez-vous la théorie du papillon en Amazonie ?
— J'en ai entendu parler, mais je ne vois pas ce que cela vient faire ici…
— Des actes de la vie courante menés par des inconnus sont parfois plus importants que l'action d'un Chef d'État.
— Oui je veux bien le croire, mais j'ai du mal à croire que je puisse infléchir la marche du monde…
— Il suffit d'être au bon endroit au bon moment…
Il la regarda dubitatif.
— Mais alors, pourquoi m'avoir invité à vous suivre. Il vous suffisait de me laisser agir, non ?
— J'aurais pu, oui ! Mais je préfère que vous soyez conscient des actions que vous allez faire. Ce sera à vous de décider si vous acceptez ce rôle ou si vous le refusez. Toute action a des conséquences et les vôtres vont influencer l'avenir des hommes… Mais ne vous inquiétez pas, je vais vous faire découvrir cela progressivement.
Pendant qu'elle parlait, Florent vit entrer dans la salle plusieurs jeunes femmes qui apportaient de la nourriture qu'elles déposèrent sur la grande table de bois massif.
— Mes servantes préparent le repas, vous allez pouvoir vous restaurer avant la nuit. Et Stella vous montrera vos appartements pendant votre séjour ici. Sachez que vous êtes libre d'aller partout où vous voulez. Je dois vous laisser, car j'ai d'autres devoirs à remplir, mais je serai avec vous demain matin.
Avant même qu'il ne puisse dire un mot, Viviane, puisque c'était ainsi qu'il allait la nommer, se volatilisa. Il se retrouva seul avec une jeune femme aussi blonde que les blés.
Elle fait toujours cela aux nouveaux venus, ne vous affolez pas, on en prend l'habitude. Le plus gênant, ce sont ses apparitions quand on s'y attend le moins, dit-elle avec un sourire enjôleur.
— Euh ! Oui ! En effet c'est surprenant !… Florent ! Dit-il en tendant la main.
— Stella ! Et je crois que nous pouvons nous embrasser, c'est comme cela que vous faites chez vous. Je suis là pour vous tenir compagnie et vous guider dans le domaine de la Dame. Je répondrai à toutes vos questions. Mais vous devriez manger.
Florent s'installa à table et commença à déguster les mets. Un repas frugal, mais revigorant. Jamais il n'avait goûté de tels fruits. Voyant son regard, Stella le renseigna sur la nature des aliments.
— Ici tout ce que nous mangeons, pousse dans les vergers du domaine. La Dame veille au bien-être de ses hôtes.
— Mais qui est-elle ? Et qui êtes-vous ?
— Pour moi, c'est simple, je suis ce que vous appeliez autrefois une nymphe. Je vis ici et je me suis rendue parfois dans votre monde près du lac par où vous êtes arrivé. Pour la Dame, je peux simplement vous dire qu'elle serait comme une de vos déesses.
— Je suis fou…
— Oh non, simplement, vous avez oublié et surtout vous refusez, vous les hommes, d'accepter qu'il existe un monde à côté du vôtre, dans lequel vous vivez.
— Soit, je veux bien l'admettre puisque je suis là, mais pourquoi moi ?
— Elle vous l'a dit, vous êtes un "Appelé", je ne sais pas encore ce qui va vous arriver, mais c'est sûrement important.
La jeune femme fit signe à d'autres servantes de venir débarrasser le buffet et invita Florent à la suivre dans l'escalier monumental. Florent fut abasourdi par la beauté qui émanait de cette construction et surtout de la sérénité qui y régnait. Après avoir parcouru un dédale de couloirs, elle entra dans une pièce qui donnait sur un lac avec une petite île en son centre et des montagnes.
— Voici vos appartements. J'espère que vous y serez bien. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, appelez et nous viendrons vous apporter ce que vous souhaitez.
— Merci ! dit-il en regardant le lit.
— À votre service ! et elle le quitta en le saluant avec un sourire.
Une fois seul Florent s'allongea sur le lit sans même retirer ses vêtements. Il fut rapidement gagné par le sommeil et s'endormit profondément en rêvant à la dame du lac, et surtout à Camille virevoltant sur son cheval…

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