Cela
faisait maintenant un peu plus d'an que Florent s'était réveillé après sa
rencontre avec la Dame. Il se demandait toujours s'il avait rêvé même si de
nombreux signes lui prouvaient que cela avait été réel.
Il
se souvenait qu'il allait se baigner dans ce lac en compagnie de ses nouveaux
amis du cirque et qu'il s'était réveillé plusieurs semaines plus tard dans ce
château bavarois avec une vue magnifique sur les Alpes. Il se souvenait du
passage dans ce sanctuaire et de cette femme magnifique qui lui avait montré
des choses qu'il aurait préférées ignorer. Il ne savait pas exactement ce qu'il
allait faire pour modifier la marche du monde, mais il savait que le jour
approchait.
À
son réveil, il apprit que ses hôtes s'étaient rendus à une convocation de la
Dame, mais qu'ils l'avaient invité à vivre dans leur manoir de banlieue
parisienne. Il resta plusieurs semaines pour se remettre des "révélations", appréciant l'accueil
et la prévenance de Günter dont il avait vite compris qu'il était bien plus
qu'un simple majordome. Les deux hommes avaient beaucoup discuté, joué ensemble
de la musique. Günter était capable de jouer au piano aussi bien une sonate de
Bach, qu'une pièce de Chopin et accompagné de Florent à la trompette, ils se
lançaient des improvisations de jazz qui pouvaient durer des heures. Il se
sentait bien et retardait le moment de le quitter. Un soir, alors qu'ils
redescendaient des ruines de l'antique temple où ils aimaient aller se promener
pour, disait Günter, "trouver de
l'énergie vitale", celui-ci annonça en souriant à son ami.
—
Une surprise t'attend au château !
Puis,
il ne dit plus rien jusqu'à leur arrivée, laissant Florent interrogatif et
songeur. Les deux hommes finirent leur promenade en silence.
Quand
ils entrèrent dans la grande salle, Florent découvrit une jeune femme qui
s'élança vers lui en courant.
—
Tu es vivant ! J'ai eu si peur !
Il
reconnut Camille, la voltigeuse du cirque avec laquelle il avait passé quelques
minutes avant de disparaître sous les eaux.
—
Oui je suis vivant ! Enfin je le crois ! Et toi que fais-tu là ? Tu n'es pas en
tournée ?
—
Hélas, je me suis blessée lors d'une représentation et en apprenant cela,
Günter m'a proposé de venir me reposer ici, en me disant que j'aurais une
surprise agréable.
Florent
se retourna, mais ils étaient seuls. Comme à son habitude, le majordome avait
disparu aussi silencieusement qu'il était apparu.
—
Comme la Dame ! Pensa-t-il tout haut.
—
Que dis-tu ?
—
Oh rien de spécial, je réfléchissais tout haut.
—
Qui est cette "Dame" dont tu parles ?
—
Si tu savais…
—
Raconte-moi !
—
Tu me promets de ne pas te moquer ?
—
Promis !
Florent
lui raconta son aventure. Camille l'écoutait attentivement, l'interrompant
juste pour lui demander des précisions sur certaines choses qu'elle avait du
mal à comprendre. Ils parlèrent longuement en se promenant dans les jardins.
Avec la fraîcheur de la nuit, elle se rapprocha de son compagnon et ils
rentrèrent enlacés. Arrivés devant la porte de leur chambre, au lieu de se
quitter et de gagner chacun leurs chambres qui se faisaient face dans le
couloir, ils pénétrèrent ensemble dans la chambre de Florent. Il réalisa alors que
le premier acte de son destin était en train de se mettre en route.
Un
an plus tard, ils vivaient ensemble dans le manoir mis à leur disposition par
Sylvie et Arthur. Günter venait régulièrement leur rendre visite et à chaque
fois, il était comme eux sans nouvelle des couples qui s'étaient envolés vers
Stonehenge l'année précédente. Le couple formé par Florent et Camille s'était
transformé en famille et ils attendaient leur premier enfant. Une petite fille,
leur a annoncé le gynécologue qui suivait la jeune femme. Ils avaient décidé de
la prénommer Viviane en hommage à la Dame du Lac. Elle devait arriver dans les
derniers jours du mois d'août et Florent ne serait pas surpris qu'elle arriva
au moment de la Nouvelle Lune.
Pendant
ce temps, de l'autre côté de la Manche, la Dame avait rassemblé les Veilleurs
dans les ruines du célèbre site préhistorique anglais. Quand ils étaient entrés
dans le cercle, une brume s'était abattue sur eux et ils surent qu'ils avaient
quitté l'espace et le temps humain.
La
Dame prit la parole de manière solennelle comme à chaque fois qu'elle
s'adressait au groupe ainsi réuni.
—
Je vous ai rassemblés ici, car des évènements qui vont énormément affecter les
hommes sont sur le point de survenir. Il est important que par nos pouvoirs rassemblés
nous les aidions à traverser ces moments difficiles.
Ils
l'écoutaient tous avec gravité, conscients de leur devoir envers la Dame et les
hommes. Ils savaient aussi que le temps de la Dame n'était pas le même que
celui des hommes et qu'ils risquaient donc d'être absents longtemps de la
surface de la Terre.
Ce
soir-là, Florent était à une soirée au centre de Paris où il avait été invité à
jouer avec son nouveau groupe. Il avait accepté cela malgré la naissance
imminente de sa fille, car Günter avait proposé à Camille de venir au frais
dans le château, et il mettrait le jet privé des Veilleurs à sa disposition au
moment de l'accouchement. Un des serveurs s'approcha de lui et l'informa qu'on
le demandait au téléphone. Il se doutait de la raison de cet appel et ce fut le
cœur joyeux qu'il répondit.
—
Elle arrive, il faudrait que tu viennes rapidement…
—
Oui ma chérie ! Laisse-moi le temps de prévenir les copains et je te rejoins.
Il
savait ce qui allait arriver, cependant même s’il s'engageait sur un chemin qui
n'était pas forcément le plus direct, mais il devait faire ce pour quoi la Dame
l'avait invité.
Quelques
minutes plus tard, il roulait assez rapidement sur les quais de Seine pour
rejoindre Le Bourget où l'avion l'attendait prêt à décoller. Il aperçut dans
son rétroviseur une grosse berline noire qui le rattrapait à grande vitesse,
elle semblait suivie par des motards. Surpris par la vitesse du véhicule qui
arrivait derrière lui, il fit un écart et il sentit un léger choc. Il arriva de
justesse à maîtriser l'embardée de sa petite voiture quand il se rendit compte
que l'autre percutait violemment les piliers du tunnel qu'il traversait.
Tiraillé entre l'envie de s'arrêter pour aider les passagers accidentés et le
désir d'être le plus rapidement au chevet de son épouse, il décida finalement
de continuer sa route, comme il l'avait vu dans les visions au sanctuaire de la
Dame. Après tout il y avait plusieurs autres témoins !
Ce
n'est qu'en arrivant au château au moment de rejoindre Camille qui n'avait toujours
pas accouché qu'il apprit la nouvelle du décès de la Princesse. Il sut alors
qu'il avait fait le bon choix.
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