Cela faisait maintenant
plusieurs heures qu’ils exploraient les environs du lieu où Élodie avait été
enlevée. A part son appareil-photo, ils n’avaient rien trouvé qui puisse les
confirmer que les hommes du Général N'Gopba étaient impliqués. Vivien était resté
plus bas car il avait remarqué des choses troublantes là où Franck avait été pris.
S’il y avait bien trois personnes qui avaient agressé le jeune homme, seules
deux personnes étaient reparties avec Franck qui n’était pas libre de ses
mouvements au vu des traces qu’il avait laissées.
Il rigola en découvrant
la raison pour laquelle le troisième homme n’avait pas suivi les autres, il
avait eu besoin de soulager un besoin naturel. Il comprit aussi la raison pour
laquelle le groupe s’était séparé. Les traces des pattes du Lézard mystérieux
se trouvaient à quelques pas de là où l’homme s’était arrêté, Vivien se pencha
sur ces marques et il remarqua alors qu’elles étaient identiques à celles que
les bottes d’Armand auraient pu laisser. Il classa cette information dans un
coin de sa mémoire mais il ne voulait pas y croire : Armand, son ami ne pouvait
pas être de mèche avec les bandits du Général N’Gopba. Il examina attentivement
les marques sur le sol et celles laissées sur la végétation alentours, le
lézard n’avait pas suivi l’homme qui était parti en marchant calmement dans la
direction opposée à celle de ses compagnons. L’animal était resté immobile et
était lui aussi reparti en marchant lentement, pesamment. Ces réactions étaient
troublantes, ce sont celles d’un chasseur pisteur qui savait qu’il avait été
repéré et qui bougeait très lentement pour ne pas que sa proie lui échappa ou pour ne pas servir de proie. Encore une fois, les indices pointaient Armand.
Il se disait qu’il en parlerait avec Michaël et qu’il lui demanderait ce qu’il
en pensait. Il rejoignit les autres en regardant s’il ne trouvait pas des
indices du passage du lézard.
Quand il remonta sur le
chemin, il remarqua effectivement les traces de pas d’Élodie et d’Armand mais
il constata surtout qu’Armand avait rebroussé chemin jusqu’à l’endroit de la
disparition de Franck et sa rencontre avec le lézard. Le doute n’était plus
permis, Armand était impliqué dans cette histoire.
— Alors qu’as-tu trouvé
Vivien ?
— Des tas de choses
étranges Monsieur Michaël, des choses très étranges !
— Que veux-tu dire ?
Il regarda autour d'eux
pour être sûr de ne pas être entendu des autres hommes.
– Je crois qu’Armand
était impliqué dans cette histoire.
— Oui ! Je le pense
aussi, car en fouillant ses poches, j’ai découvert des liasses de billets… mais
qu’est ce qui te fait penser cela ?
Vivien lui raconta alors
ce qu’il avait vu en suivant la piste depuis le lieu de l'enlèvement de Franck.
Il lui dit aussi que le gros lézard dont ils avaient repéré des traces avait dû
effrayer Armand et qu’ils devaient être prudents car il pourrait toujours rôder
dans les environs.
— Oui nous ferons
attention… Pour Armand, gardons ces informations pour nous. Nous dirons aux
autres qu’il s’est attardé pour ses besoins et que c'est à ce moment qu’il a
été attaqué par une bête sauvage et que les agresseurs en ont profité pour
enlever mes amis.
— Oui Monsieur Michael,
dit Vivien, un peu surpris car ce n’est pas dans les habitudes de son employeur
de mentir sur la réputation d'un homme.
— Ce n’est pas pour
Armand que je le fais, c'est un traître et il n’a eu que ce qu’il méritait.
C'est pour ses parents. Ils n’ont pas besoin de savoir qu’un de leurs enfants a
manigancé l'assassinat de ses frères, pour de l'argent.
— Je comprends Monsieur
Michaël.
Le jeune homme retrouva
le sourire et il retourna examiner la scène de la disparition d’Élodie.
– Là, sous ces fougères,
l'appareil photo ! Peut-être pourrons-nous en savoir plus. Michael le ramassa
mais la batterie n’était plus chargée et ils devraient attendre d'être de
retour au camp pour voir ce qu’il contenait.
Michael rappela ses
hommes pour suivre Vivien qui s’était lancé sur la piste d'Elodie et de ses
ravisseurs. Avec plusieurs jours de retard, Il savait qu’ils n’avaient aucune
chance de les rattraper et ce n’est pas leur but. Les images prises par les
drones français avaient révélé leur présence au camp du Général mais il
souhaitait découvrir des indices sur l'état de ses amis. Il savait que ces
brigands n'étaient pas des tendres. Après quelques heures de marche, au moment
où ils franchissaient un torrent, Vivien leur fit signe de s’arrêter. Il venait
de découvrir quelque chose.
— Regardez cette pierre !
Ils virent alors sur
l'arête d'un rocher qui émerge de l'eau, un fragment de tissu rougi.
— On dirait du sang !
— Oui ça y ressemble, dit
Michael qui constata que le bout de tissu ressemblait à celui des chemises
portées par Franck et Elodie. L’un des deux s’est blessé ici.
— Oui ! Dit Vivien. A
voir leurs traces sur le sentier, ils étaient attachés et sûrement tirés avec
une cagoule sur les yeux. Les pas dans le sol montrent bien qu’ils ne voyaient
pas ou ils posaient les pieds. Je pense que c'est Franck qui est blessé car
d'après ce que j’ai vu, lui était tiré par ses ravisseurs alors qu’Élodie a été
guidée. A côté de ses pas, il y a toujours les pas d'un homme suffisamment près
pour que cela soit son guide.
— Vu comment est ce
passage, s’il avait pu voir, Il n’aurait pas glissé.
Le groupe écoutait,
religieusement, les explications de Vivien qui ajouta qu’en plus ils n’avaient
pas voyagé ensemble, Le groupe d’Élodie était passé ici bien avant celui de
Franck.
— Bien ! Il est tard,
nous devrions retourner au camp de base ainsi nous serons rentrés avant la
nuit. Et nous aviserons pour la suite.
Le retour est beaucoup
plus rapide car dans l'ensemble le sentier descendait et surtout, ils ne
traînaient pas pour traquer le moindre indice. Ils arrivèrent au campement où
les attendait le capitaine.
— Bonsoir mon capitaine,
que nous vaut votre visite ?
— Je voulais juste vous
annoncer que les français ont identifié avec certitude la présence de vos amis
dans le camp du Général. Le survol régulier de leur base par leur aviation a
troublé l’assurance des bandits.
— Ont-ils des
informations sur leur état de santé car nous avons trouvé des traces de sangs
et des fragments de tissu, l’un des deux pourrait être blessé. Je pense à
Franck…
— Ils n’ont rien dit
là-dessus mais ils ont formellement identifié la jeune femme.
— Et qu’allez-vous faire
?
Avec l’aide des français,
nous allons tenter une opération de secours…
— Mais et les otages ?
— Les forces spéciales
françaises vont s’en occuper. Nous ne ferons que sécuriser la zone pour
empêcher les brigands de s’enfuir.
Le capitaine expliqua
alors dans les grandes lignes l’opération qui serait menée dans les jours
prochains. Un drone français espionnait le camp en permanence à haute altitude
et avait permis de connaître la disposition des hommes et des bâtiments et le
peu de discipline chez les hommes du Général.
— Ah ! J’oubliai… Il
semble qu’une bête sauvage rôde dans les environs. Elle aurait attaqué
plusieurs villageois, et mes hommes ont repéré des traces étranges mais je
suppose que votre pisteur les a vu aussi ?
— Oui ! Il a remarqué ces
marques, j’ignore aussi ce que ce peut être. Je ne connais aucun lézard aussi
gros.
— Le Grand Serpent !
— C’est une légende…
— Qui sait ? Les colères
du volcan aussi faisaient parties de la légende. Regardez ! Il est bien
réveillé…
Michaël regardait le
capitaine sans pouvoir lui répondre. Il n’avait pas tort mais si on savait
depuis longtemps que ce système volcanique était encore potentiellement actif,
on ignorait juste s’il allait se réveiller ou pas. Le Grand Serpent de la
légende n’avait laissé aucune trace visible.
Le militaire retrouva ses
hommes et Michaël les regarda partir avec un certain soulagement. Il n’avait
pas eu besoin de lui donner plus de détails. Il était déjà excité à l’idée
d’aller bousculer les hommes du Général qui le narguait depuis des années.
Il rejoignit les autres
qui avaient préparé le repas et ils faisaient le point sur leurs découvertes de
la journée et les annonces faites par le capitaine. Tout en mangeant, ils
découvraient les photos prises par Élodie. Ils ne s’attendaient pas à voir les
ravisseurs et les images du moment de sa capture mais sur une ou deux photos,
Vivien pointa une forme dissimulée dans les fougères derrière les singes qui
étaient présents sur un grands nombre d'images.
— Regardez ! Là ! Et là !
On dirait vraiment un lézard mais avec un corps très long…
— Il est énorme…
Oui je me demande comment
il a pu passer inaperçu. Même si cette région est peu explorée, un animal de
cette taille ne passe pas inaperçu… Où ces photos, ont-elles été prises ?
— Ils regardaient les
données des photos et Michaël nota sur la carte les emplacements. Le premier
non loin du lieu où Franck avait été capturé et l’autre entre le camp et
l’endroit où il les avait déposés quelques jours plus tôt.
— Qu’as-tu remarqué de
particulier Vivien ?
— Cette bête est énorme, mais
elle laisse peu de traces. J’ai ses empreintes là où elle s’est immobilisée mais
dès qu’elle est en mouvement… je ne vois plus rien
— Elle ne va pas être
facile à suivre, dit un des hommes.
— Comment sais-tu que
nous allons la pister ?
— Monsieur Michaël ! Nous
vous connaissons, vous ne pouvez pas vous empêchez d'être curieux. Et cette
bête pique votre curiosité, peut-être plus que l'enlèvement de vos amis…
— Tu as raison, Hugo… Et
quelque chose me dit que découvrir la tanière de ce lézard nous permettra de
nous rapprocher de nos amis. Mais finissons d'écouter ce que Vivien a à nous
dire.
— On dirait qu’elle vole
mais ce n’est pas cela non plus, En tout cas elle est agile et bonne grimpeuse.
Regardez les passages qu’elle a empruntés sans laisser de traces ou presque.
— Bien ! Alors on se met
en chasse dès demain… On prend les armes, même si je ne pense pas qu'elles nous
seront utiles face à cet animal… on voyage léger, on risque de marcher
longtemps…
— Oui ! monsieur Michael
! dirent les cinq hommes.
Ils partirent au petit
matin en suivant Vivien qui décida de remonter la piste empruntée par Armand
lors de son retour au camp. Elle était facile à suivre, il n’avait aucunement
fait preuve de la discrétion du pisteur qu’il était mais il semblait avoir
marché comme un automate se dirigeant vers son objectif. Quand ils arrivèrent à
quelques mètres de l’endroit où il avait rencontré la bête, ils
s'immobilisèrent et écoutèrent. Ils étaient frappés par le silence qui régnait
dans la jungle qui les entourait. Les singes omniprésents, les oiseaux se
taisaient ou avaient disparu. Un frisson de crainte les saisit.
— C'est trop silencieux…
murmura un des hommes.
— Chut ! lui fait Vivien.
Il montra une zone où les
fougères étaient denses et leur fit signe de se taire. Ils se baissèrent et
attendirent.
Les feuillages remuaient,
il y avait quelque chose. Michael fit signe à celui qui était le plus proche
d'avancer prudemment vers ce fourré. L’homme en rampant lentement s’approcha.
Quand il fut suffisamment près, il ramassa une pierre qu’il lança devant lui.
La pierre disparut dans
le feuillage et s’écrasa sur quelque chose avec un son étouffé. Toutes les
fougères furent agitées par un mouvement brusque puis plus rien. Pas un cri,
pas un rugissement, tout redevint comme avant, les oiseaux se remirent à
chanter et les singes à sauter de branches en branches.
Ils se redressèrent et
s’approchèrent avec prudence. Ils écartaient les immenses feuilles avec leurs
armes et ils virent les empreintes de la bête. Ils se regardèrent sans
comprendre. Où avait-t-elle pu passer ?
Ils reprirent leur
progression et quelques mètres plus loin, ils découvrirent l'entrée d'une
grotte.
— Je crois que nous
venons de découvrir l’antre du monstre…
— Peut-être, mais nous ne
sommes pas équipés pour aller plus loin et si cet animal est habitué à vivre
dans les cavernes, je ne préfère pas m’aventurer sans équipement.
— Oui Monsieur Michaël,
que faisons-nous alors ?
— Allons sur les sites
des photos et voyons s’il n’y a pas de grotte… S’il y en a, cela expliquerait
pourquoi Vivien ne trouve pas de traces ailleurs… Il se déplace sous terre et
apparaît juste près des entrées du labyrinthe souterrain.
Michaël repensa
subitement aux histoires de Mama So et à celles colportées de villages en
villages par les griots : le monstre souterrain et son combat contre la déesse.
— Le Grand Serpent,
murmura un des hommes.
— Oui, Il pourrait y
avoir une part de vérité dans la légende. Le Grand Serpent libéré par le réveil
du Volcan.
Ils se rendirent là où Élodie avait pris les clichés du monstre et comme ils s’y attendaient, ils y
découvrirent l’entrée de grottes.
— On ne peut rien faire
de plus. Il se fait tard. On retourne au camp et demain on rentre au village
pour en parler avec Mama So.
Michaël ne se laissait
pas emporter par son désir de découvrir cet animal légendaire. Sa prudence
naturelle calmait sa curiosité maladive.
Comme ses hommes, il
connaissait les légendes qui entouraient le grand Serpent et la folie et la
mort qui guettaient ceux qui le croisaient, comme cela était arrivé à Armand.
De retour au village, ils
découvrirent Mama So et d'autres femmes du village autour du corps du jeune
homme ramené la veille par les militaires. Elles tournaient autour de lui avec
des bols de terres cuite dans lesquels brûlaient des plantes aromatiques
et elles récitaient des incantations.
— Elles chassent les
démons, lui dit James.
— Je sais, je voudrais
parler à Mama So dès qu’elle le pourra… Je crains que les hommes de la vallée
ne soient en danger.
James hocha la tête et lui fit comprendre qu’il
avait compris.
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